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SOURCE : AFP
La scène n’a pas manqué de surprendre: au milieu d’un salon de manucure de Détroit, la sulfureuse rappeuse Cardi B, assise face au sénateur presque octogénaire Bernie Sanders, l’interroge sur son programme de campagne pour l’investiture démocrate.
Système de santé ou violences policières, durant 12 minutes, la star cuisine le politique. Et les extraits de cette singulière interview, immédiatement partagés par l’ancienne strip-teaseuse sur les réseaux sociaux, ont été visionnés des millions de fois.
Toucher des publics pas spontanément intéressés par la politique, c’est ce que recherchent les candidats en affichant le soutien de célébrités – et aux Etats-Unis, où les cérémonies hollywoodiennes sont souvent aussi politiques, beaucoup ne rechignent pas à faire grand bruit de leurs engagements.
Si l’autre prétendante positionnée à gauche dans la course, Elizabeth Warren, peut se targuer d’avoir rallié à sa cause la championne mondiale de football Megan Rapinoe ou l’actrice Scarlett Johansson, le socialiste Bernie Sanders, 78 ans, a lui réussi à attirer ce qu’il y a de plus jeune et branché dans le monde de la jet set.
Le doyen de la bataille démocrate, qui rêve d’empêcher Donald Trump d’accéder à un second mandat, a frappé un grand coup en posant avec la pop-star mondiale Ariana Grande (172 millions d’abonnés sur Instagram) après un concert.
Le paradoxe Bernie Sanders -qui avait déjà particulièrement séduit l’électorat jeune en 2016- est même assumé dans une vidéo de soutien de la top-modèle Emily Ratajkowski: “Il n’est pas un candidat jeune et sexy”, reconnaît la “millennial” revendiquée. “Sa force n’est pas due à qui il est, mais à sa façon de stimuler les gens”, estime-t-elle.
Visibilité et proximité
Cette accumulation de stars pas encore trentenaires n’est-elle pas une stratégie pour compenser l’âge du sénateur? Son équipe s’en défend, tout comme l’idée de “collectionner” des soutiens sans authentique engagement.
Cardi B, qui s’est elle-même dit tentée par la politique, “a grandi dans un milieu populaire à New York”, rappelle Briahna Joy Gray, responsable presse de l’équipe Sanders. Elle qui “n’est devenue célèbre que récemment” sait de quoi elle parle quand elle aborde, par exemple, le sujet des bas salaires.
L’interview dans le salon de manucure, “c’était son idée à elle!”, renchérit René Spellman, directrice adjointe de campagne, soulignant les nombreux soutiens engrangés par le sénateur “dans le monde du hip hop”.
Une certaine culture contestataire, voilà d’abord pourquoi Bernie Sanders attire, selon les deux femmes – y compris des personnalités plus âgées, comme les réalisateurs Michael Moore ou Jim Jarmusch.
Mais en quoi ces soutiens sont-ils utiles? Plus que les concerts avant chaque meeting -comme ceux donnés ce week-end par les groupes Vampire Weekend et Bon Iver- ou les levées de fonds, ils peuvent surtout atteindre des publics différents.
“Nous devons trouver des moyens de toucher des audiences qui ne sont pas les mêmes que celles qui regardent les médias traditionnels”, explique à l’AFP Briahna Joy Gray. “On veut aller à la rencontre de gens qui pensent que la politique n’est pas pour eux”, ajoute René Spellman, ancienne de l’industrie musicale.
Elle qui est en charge des relations avec les célébrités explique que l’appui de stars permet aussi de toucher les électeurs de façon plus intime: “Quand vous savez qui est Cardi B (…) et que vous la voyez pousser pour un candidat en particulier, vous comprenez la connexion entre son expérience et son engagement. Et ça induit une connexion réelle et pertinente avec votre propre vie”.
Clé pour la victoire?
Cette pratique de l'”endorsement” n’est pas nouvelle, elle “fait partie de la politique américaine depuis quasiment 100 ans”, rappelle David J. Jackson, professeur de sciences politiques à la Bowling Green State University. Mais elle s’est beaucoup renforcée “ces 30 dernières années”.
“De nombreuses études montrent que l’appui de célébrités influence non seulement l’opinion des gens sur certaines politiques, mais aussi leurs votes”, souligne le chercheur. Deux critères-clés entrent en jeu: la star doit être aimée, et crédible sur les sujets dont elle parle.
De là à assurer la victoire? Rien n’est moins sûr. En 2016, Hillary Clinton était de loin la candidate la plus soutenue par les stars américaines – de Bon Jovi à Lady Gaga – sans pourtant battre Donald Trump.
Mais même dans l’hypothèse où ces soutiens ne rapporteraient pas de voix, ils resteraient bénéfiques car ils “apportent de l’enthousiasme autour du candidat, et attirent l’attention des médias”, selon M. Jackson.