A Madrid, le pari audacieux et dangereux de Pablo Iglesias

AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.

SOURCE : Libération

Le chef de Podemos a décidé de quitter le gouvernement de Pedro Sanchez pour reprendre sa liberté et défier la droite aux élections régionales de Madrid en mai prochain, une véritable secousse politique.

La politique espagnole vit ces jours-ci au rythme de coups d’éclat. La semaine dernière, la tonitruante présidente conservatrice de la région de Madrid, Isabel Díaz Ayuso, convoquait des élections anticipées sous le prétexte qu’une motion de censure était sur le point de la détrôner. Voici désormais que le chef de file d’Unidas Podemos, le parti de la gauche radicale proche de la France Insoumise, quitte soudainement le gouvernement socialiste. Pour un pari dangereux : ravir à la droite la région de Madrid qu’elle dirige depuis plus de 25 ans.

Vice-président du premier exécutif de gauche, en coalition, depuis janvier 2020, Pablo Iglesias a surpris tout son monde. Lui qui briguait depuis des années ce poste stratégique à l’énorme pouvoir de nuisance, le voilà qui y renonce. Sans crier gare. Il ne se privait pourtant pas de répéter que cette vice-présidence (doublée du portefeuille du ministère des Droits sociaux) était une sorte de poste de vigie lui permettant de contrôler l’orientation à gauche du Premier ministre socialiste, Pedro Sánchez. Pourquoi, alors, faire ses valises et donc y renoncer ?

Le politologue de 42 ans à la queue-de-cheval, qui créa Podemos («nous pouvons» en espagnol) en 2014 «pour conférer à l’indignation une force institutionnelle», n’a pas agi sur un coup de tête. Dans l’entourage d’Unidas Podemos, on parle même d’une «décision mûrement réfléchie». De fait, par cette initiative, Pablo Iglesias s’ouvre plusieurs horizons. En premier lieu, il a obtenu que sa vice-présidence soit désormais occupée par l’actuelle ministre du Travail, Yolanda Díaz, un poids lourd d’Unidas Podemos ; il ne tarit pas d’éloge sur elle, au point de la désigner comme sa successeuse promise à briguer la présidence du gouvernement lors des élections générales de 2022. Ensuite, le secrétaire général d’Unidas Podemos dénoue grâce à cette démission les contradictions permanentes auxquelles il était soumis chaque jour : incarner une figure du pouvoir, tout en se faisant l’écho des colères de la rue. Un véritable casse-tête pour Pedro Sánchez qui avait des sueurs froides à chaque fois que son «vice» ouvrait la bouche. Comme lorsqu’il qualifie l’Espagne de «démocratie imparfaite» ou qu’il compare la situation du séparatiste catalan Carles Puigdemont (résidant en Belgique pour fuir la justice espagnole) avec le sort des exilés républicains sous Franco.

Tribun

Enfin et surtout, Pablo Iglesias retrouve sa liberté. Pour donner libre cours à ce qui le stimule le plus : une campagne électorale sur fond idéologique très marqué lui permettant d’user de tous ses talents de tribun. Il est en effet décidé à affronter la populiste de droite Isabel Díaz Ayuso lors des législatives madrilènes du 4 mai. Laquelle Ayuso n’a pas fait mystère de son intention de sceller une alliance avec les ultras de Vox, troisième force au parlement national pour laquelle Pablo Iglesias nourrit une haine sans bornes. «Il est bien meilleur stratège qu’il n’a été vice-président, souligne l’analyste Esther Palomera. Iglesias est moins un homme de pouvoir qu’un homme de contre-pouvoir. Avec ce coup de théâtre, il rappelle que la politique n’est ni un art ni une science, mais une scène propice aux audacieux cherchant à déstabiliser l’adversaire». D’ores et déjà, on ne parle plus que du match au sommet qui se jouera en mai à Madrid entre une droite agressive et de plus en plus décomplexée et une gauche qui a besoin de se réaffirmer. Pablo Iglesias ne demandait pas mieux.


Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut