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SOURCE : Marianne
Les marchés financiers l’attendaient comme le messie pour contrer les effets négatifs du coronavirus sur l’économie européenne. Mais la présidente de la BCE Christine Lagarde a totalement failli. En décidant ce jeudi 12 mars – contrairement à ses homologues anglais et américains – de ne pas abaisser le taux directeur de la BCE, tout en limitant ses soutiens aux banques pour qu’elles prêtent aux PME, ainsi qu’à un programme de 120 milliards d’euros de rachats d’actifs supplémentaires, elle n’a pas convaincu les investisseurs internationaux.
Par conséquent, il s’est produit ce jeudi le deuxième krach boursier de la semaine, après un lundi déjà noir : la bourse de Paris s’est écroulée de plus de 12%, pire chute de son histoire, tout comme celle de Milan (-16,92%). Londres a perdu plus de 10% et Francfort 12%. Une folie ! En fait, dans la période actuelle, “les décisions prises par les institutions ne sont non seulement pas à la hauteur des enjeux, mais elles accentuent les problèmes plus qu’elles ne le résolvent“, constate Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste au Cepii.
LA BCE RENVOIE LA PATATE CHAUDE AUX ÉTATS
Plus préoccupant encore, les déclarations de Christine Lagarde ont jeté un froid sur les marges de manœuvre de la politique monétaire européenne, laissant entrevoir un levier à bout de souffle. “La réponse doit être en premier lieu budgétaire“, a martelé Christine Lagarde, renvoyant la patate chaude de la résolution de la crise du coronavirus aux États du vieux continent.
Une stratégie vouée à l’échec. “C’est l’erreur symétrique à celle faite il y a 10 ans, où l’on s’est reposé uniquement sur le levier monétaire“, analyse Jézabel Couppey-Soubeyran. Autrement dit, “cette annonce conforte cette idée que le levier monétaire ne peut plus rien en Europe alors qu’en réalité, il peut encore être efficace“, rappelle l’économiste qui milite pour la mise en œuvre d’un “drone monétaire” auquel Marianne a consacré un dossier en février.
Surtout, les annonces de Christine Lagarde inquiètent car elles entrent en résonance avec la réponse budgétaire mardi dernier de la Commission européenne qui paraît sous-dimensionnée : un menu plan de 25 milliards d’euros, soit 0,15 % du PIB européen. Bref, les institutions européennes ont pour l’instant fait preuve de leur impuissance.
DES CONSÉQUENCES LOURDES SUR LES MARCHÉS FINANCIERS
Problème, l’absence de réponse institutionnelle risque d’engendrer de lourdes conséquences sur les marchés financiers. Sans mesure d’ampleur pour redynamiser une économie réelle en proie à la paralysie, la situation va inévitablement “déboucher sur des défauts de paiement pour les entreprises“, s’inquiète Jézabel Couppey-Soubeyran.
C’est pourquoi, anticipant une chute des profits des entreprises et de leur valeur boursière, les investisseurs sur les marchés financiers vendent massivement leurs titres, et leurs anticipations deviennent autoréalisatrices. Le risque désormais : voir éclater des bulles sur des actifs qui ont été surévalués. Ces craintes font débat au sein du monde des économistes, concède Jézabel Couppey-Soubeyran, mais “le problème de la bulle, c’est que l’on ne sait vraiment quand elle existe que quand elle éclate…“.
LES BANQUES S’ÉCROULENT EN BOURSE
Au reste, indéniablement, “nous sommes dans une situation de krach financier“, assure l’économiste. Le vrai sujet, selon elle, est de déterminer “si cela va dégénérer en crise financière systémique avec des rétroactions néfastes sur l’économie réelle“. En effet, pour les banques, les difficultés économiques des entreprises se traduisent par une hausse des créances douteuses qu’elles détiennent.
Mais en parallèle, elles ont aussi développé des activités très lucratives sur les marchés financiers et pâtissent donc de la chute des cours de bourse qui entrainent “des moins-values latentes à leur bilan“. Ce qui fragilise grandement leur santé financière. Les marchés financiers en ont bien conscience. Parmi les valeurs boursières, les banques sont les plus attaquées : Deutsche Bank a perdu 18,5 % ce jeudi, passant en-dessous des 5 euros (contre près de 120 euros en 2007 !), Natixis 21 % à 1,88 euros, BNP Paribas 13 % et Société générale 17 %.
CRISE SYSTÉMIQUE ?
Bref, sans mesures fortes des institutions européennes et des pouvoir publics “cela peut dégénérer en crise systémique“, assume Jézabel Couppey-Soubeyran. Le risque qu’un cercle vicieux ne s’enclenche où une crise financière aggraverait d’autant la crise économique est bien réel. Certes, “nous ne sommes pas du tout dans le schéma de la crise 2007 et 2008“, puisque c’est d’abord une crise sanitaire et non financière “en revanche les conséquences pourraient être comparables si la situation venait à perdurer“.