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SOURCE : Révolution permanente
« Test, test, test » : c’est le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui le dit. Si les recommandations de l’OMS ne sont pas irréprochables depuis le début de l’épidémie, elles ont cependant le mérite d’avoir évolué, s’appuyant notamment sur l’efficacité de la campagne de dépistage massif accessible à tous effectuée en Corée du Sud. Une gestion, qui pour l’heure, a permis de circonscrire l’épidémie évitant le scénario italien, des milliers de morts. Pourtant, en France, le nombre de tests reste très faible et les données totalement opaques.
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Combien la France pratique-t-elle de tests quotidiens ? Impossible à savoir en l’absence de données transparentes fournies par les autorités sanitaires. Début mars, le gouvernement déclarait tester 1000 personnes par jour. Le dernier bilan épidémiologique publié le 10 mars faisait lui état de 2350 tests réalisés ce jour. Le ministre de la santé Olivier Véran a annoncé que 4000 tests avaient été réalisés dans la journée de mercredi 18 mars. Malgré cette opacité, il est clair que le nombre de tests reste complètement dérisoire face à la grave crise sanitaire qui est actuellement en cours.
Il suffit pour s’en convaincre de jeter un œil sur les chiffres et les méthodes mises en œuvre dans d’autres pays. En Corée du Sud, le choix a été fait dès le début d’une stratégie combinant transparence sur le développement de l’épidémie avec information régulière de la population, dépistage massif, accessible à tous à travers des camions en libre-accès, avec 260.000 tests réalisés en quelques semaines. Si au travers de cet exemple, il ne s’agit pas ici de revendiquer une recette « miracle » étant donné que la Corée du Sud a usé, elle-aussi, de méthodes qui feraient sursauter en termes d’incursion dans la vie privée, force est de constater que ce dépistage massif précoce a joué un rôle fondamental pour enrayer l’épidémie, pour l’heure (le vaccin restant le seul “vrai” remède). Il a permis d’isoler les foyers de contamination mais aussi de mettre en œuvre une prise en charge précoce des contaminés, évitant par là même un nombre important de morts.
D’autres exemples montrent que la mise en place de campagne de tests massifs de manière précoce a pour effet de réduire la mortalité, en permettant une prise en charge précoce. En ce qui concerne l’Allemagne, qui présente un très faible nombre de morts, l’une des raisons invoquées par le président de l’Institut Robert Koch concerne la mise en place du dépistage massif : « Depuis le début [de l’épidémie], nous avons systématiquement demandé à nos médecins de tester les gens », indiquait le docteur Lothar H. Wieler lors de la conférence de presse quotidienne de l’organisation le 11 mars, cité par Euronews. Le pays dispose en effet d’une capacité de dépistage massive évaluée “par les autorités allemandes à 12 000 tests par jour” grâce à un “maillage territorial important de laboratoires”, souligne Laurent Desbonnets. Des “drive” ont même été mis en place dans le pays, comme en Corée du Sud ou aux Etats-Unis, afin de tester rapidement de très nombreuses personnes, relève le New York Post. Des tests qui ont été mis en place de manière très précoce et dès les premiers signes de l’épidémie, dès le mois de janvier. D’autres cas comme le Royaume-Uni, dont la gestion catastrophique a été pointée, l’élévation exponentielle du nombre de cas et l’augmentation du nombre de morts a obligé le gouvernement à annoncer ce 18 mars l’augmentation drastique de la détection pour passer jusqu’à 25.000 tests par jour.
En ce qui concerne, la France, les autorités françaises continuent de pratiquer très peu de tests, dans l’opacité la plus totale. Une politique que le gouvernement tente même de justifier sur le site d’information consacré au Covid-19 : « Il faut bien comprendre que les tests sont utiles pour comprendre où circule le virus. Ils deviennent moins indispensables dans les zones de circulation active où c’est la prise en charge sanitaire qui devient centrale ». Une stratégie que le premier Ministre a du défendre ce jeudi devant l’Assemblée Nationale face à l’augmentation du nombre de cas : « il ne servirait à rien aujourd’hui de tester massivement tout le monde, préventivement ou en fonction des symptômes », a-t-il déclaré, écartant d’un revers de main toute mise en place d’un dépistage généralisé du Coronavirus en France. Il justifie par la suite que cette généralisation des tests pèserait sur les « capacités d’analyse et nous n’aurions pas les réponses suffisamment rapides là où c’est absolument nécessaire ». En somme, serait donc une question de cout économique ? Quoiqu’il en soit, cela montre que le nombre de 9.134 cas annoncés par Jérome Salomon est largement sous-estimé. Le stade de l’expansion du virus reste donc une inconnue, c’est pourtant une donnée essentielle pour réellement combattre le virus.
Face à l’expansion du virus, ce que répètent les experts, c’est que la mise en place d’une politique massive de tests est la condition pour établir une stratégie sanitaire cohérente. Si l’OMS n’est pas forcément exempte de responsabilité dans cette crise sanitaire, tant ses recommandations ont été erratiques, en la sous-estimant de manière importante dans un premier temps, son directeur a changé de position affirmant désormais, suite à l’expérience accumulée en quelques mois : « Nous avons constaté une escalade rapide des mesures de distanciation sociale, comme la fermeture d’écoles et l’annulation d’événements sportifs et autres rassemblements. Mais nous n’avons pas vu d’escalade assez urgente dans les tests, l’isolement et la recherche de contacts, qui sont le pilier de la réponse face au virus ». C’est à ce titre que l’OMS, a procédé à l’envoi de 1,5 millions de tests dans 120 pays ces derniers jours.
Contrairement à ce que dit le gouvernement, cette stratégie massive de tests est indispensable, non seulement au début mais à tout moment de la gestion de l’épidémie. En effet, comment endiguer un virus « intelligent » comme l’affirme certains experts et qui possèdent des spécificités qui favorisent la propagation, comme son énorme taux de personnes asymptomatiques (qui sont porteurs sains mais peuvent transmettre le virus) et un taux de contagiosité très important, le tout en l’absence de vaccin et de traitement efficace ? Le gouvernement français cherche lui à résoudre la crise sanitaire par un unique confinement massif autoritaire, refusant de manière dogmatique la mise en place de tests massifs arguant que nous serions à un stade épidémique devenu « incontrôlé ».
Mais même à ce stade épidémique réel –qui par ailleurs est lié au refus de faire des tests systématiques- les test sont une nécessité. Fabio Sabatini, chercheur en Italie, donne des éléments de réponses intéressant montrant que les seules mesures de « distanciation sociale » ne permettront en rien à elles-seules de maitriser ce virus. Pour le chercheur, « Maintenant en Italie au moins (à ce jour), la situation semble avoir échappé à la possibilité d’un contrôle précoce et du confinement nécessaire. Nous commencerons à en voir les fruits dans environ deux semaines. Cependant, si nous ne suivons pas les personnes infectées et leur réseau de contacts afin de les isoler et de les traiter, sitôt que le verrouillage se relâchera, ne serait-ce que pour une seule personne, l’épidémie risque de repartir au galop. Si aucun nouveau facteur exogène n’intervient pour ralentir l’épidémie (la chaleur ou une mutation virale, par exemple), nos efforts risquent de ne pas être décisifs. Le fait de mettre en place le ’’système coréen’’ en parallèle avec notre verrouillage aiderait à obtenir des résultats définitifs. »
En somme, même s’il ne l’assume pas ouvertement, comme l’ont fait le Royaume-Uni ou l’Allemagne, « La France mise bien sur l’« immunité de groupe » pour arrêter le coronavirus », c’est ce que note également Le Figaro. Le gouvernement français combine cette stratégie avec des mesures de confinement pour en lisser la courbe, un confinement qui essaye d’éviter au maximum d’empiéter sur le travail des entreprises privées y compris non essentielles. Cette stratégie se refuse à combattre réellement le virus et provoquera un nombre de mort qu’il aurait pu être possible d’éviter comme l’illustre le cas coréen. Pourtant, comme l’explique M. Fabio, les tests à une échelle de masse, même à un stade épidémique avancé, peuvent encore permettra d’éviter d’endiguer l’épidémie. Et plus encore, ne s’agit-il pas d’un droit démocratique que tout travailleur puisse savoir s’il est contaminé ou non ?
Pour combattre l’épidémie, le test à une échelle de masse est une condition nécessaire. De ce point de vue, la première mesure élémentaire devrait être de mettre à dispositions des tests massifs et gratuits à toutes et tous à commencer par toutes les personnes obligées de travailler. Cela permettrait notamment de détecter tous les personnes contaminées afin d’éviter la propagation du virus et mettre fin à la contamination sur les lieux de travail. Il suffit de regarder les chiffres annoncés par le journal Le Monde : « mercredi 18 mars, 98 cas ont été recensés parmi les agents du groupe public ferroviaire contre 22 la veille et près de 600 agents sont actuellement en situation de confinement car présentant un risque de contamination », sachant que seules les personnes ayant des symptômes graves sont testés ! Il devient également de plus en plus impératif de faire fermer toutes les entreprises non-essentielles où continuent de se contaminer des millions de travailleurs, bien loin du « confinement total » annoncé par le gouvernement. Enfin, une politique massive de tests permettrait à chacun de savoir s’il est infecté ou pas, de lever l’angoisse de millions de personnes considérées « à risque » qui ne savent pas si elles sont porteuses, et d’adapter son comportement en fonction de données individualisées.