Coronavirus et criminels de bureau

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SOURCE : NPA

 

Où sont passés les masques ? Cette question taraude en premier lieu les personnels des hôpitaux qui ont déjà (le 23 mars) à déplorer cinq décès. Depuis quelques jours, les ministres successifs de la Santé se renvoient la balle. Aucun n’est responsable de la diminution du stock de masques existant en 2011 et de la pénurie actuelle.

Le summum a été atteint par Marisol Touraine, qui fut ministre des Affaires sociales et de la Santé de 2012 à 2017. Interrogée ce lundi 23 mars sur France info, elle commence par se lancer dans un hommage vibrant aux personnels soignants puis dénonce une « polémique sans fondement ». Pressée par la journaliste, elle cite le Haut comité de la santé publique puis le secrétariat général de la défense nationale. Puis termine en rendant hommage à Olivier Véran, l’actuel ministre. Dans le Parisien du 22 mars, c’est à l’ensemble du gouvernement et Emmanuel Macron qu’elle affirme son soutien.

Quant à la Cour des comptes, toujours prompte à dénoncer prétendues dépenses inutiles et gaspillages, elle s’est dédouanée de toute responsabilité. On a compris : ministres et hauts fonctionnaires, personne n’est responsable. Comme le dit un syndicaliste infirmier : « C’est du même ordre que le scandale du sang contaminé ». Et également, pourrait-on ajouter, du scandale de l’amiante utilisé en France longtemps après que sa nocivité eut été largement reconnue.

Et ça ne concerne pas seulement les masques mais aussi les tests. Mais, dans le discours gouvernemental, masques et tests sont inutiles pour la grande masse de la population. À l’opposé de ce qui est pratiqué dans les pays d’Asie qui ont plus ou moins (c’est à vérifier pour l’avenir) surmonté l’épidémie. En Allemagne, il y a quatre fois plus de lits en soins intensifs qu’en France : même en tenant compte de l’écart de population, la différence est énorme.

« Les chaînes de l’homme torturé sont faites en papier de ministère » a écrit Franz Kafka. Dans l’État capitaliste moderne, parmi les hauts dirigeants, personne ne se sent responsable : les tâches sont fragmentées. Il y a des priorités : l’équilibre budgétaire et les « forces de l’ordre » qui permettent à l’État bourgeois de tenir quand « ceux d’en bas se révoltent ». Cette addition de logiques qui n’a rien à voir avec l’intérêt général dont les dirigeants se gargarisent, aboutit à des décisions qui tuent. Certains des plus grands criminels du 20e siècle n’ont jamais directement tué personne, de même que les traders qui spéculent sur le cours des céréales. Ce sont des « criminels de bureau ». Sans vouloir assimiler toutes les situations, il y en a visiblement dans l’État français.


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