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SOURCE : Frustration
Qui doit aller travailler, et qui doit rester chez soi ? Face aux messages incohérents du pouvoir, beaucoup d’entre nous s’interrogent, en famille, entre collègues, avec les élus et syndicalistes, avec leur patron. Mon activité est-elle indispensable en ce moment, et à qui ? Dois-je mettre en danger ma santé et celle des autres pour aller au travail ? Laisser nos dirigeants décider pour nous ne peut qu’aggraver l’épidémie.
Les injonctions contradictoires sautent aux yeux dans la phrase-clé de la déclaration du Premier ministre le 14 mars : « ce que nous devons faire en ce moment, c’est tout simplement éviter au maximum de se rassembler, limiter les réunions amicales et familiales, n’utiliser les transports en commun que pour aller au travail et seulement si votre présence physique au travail est indispensable, ne sortir de chez soi que pour faire ses courses essentielles, faire un peu d’exercice ou voter ».
Passons sur l’absurde maintien des élections municipales ou la totale impréparation sanitaire. On peut comprendre que la « distanciation sociale » amène à suspendre la vie amicale, les loisirs, le shopping, bref, toutes les sphères de l’activité sociale sauf le travail, quand celui-ci est indispensable à la vie. Mais comment expliquer qu’aucune distinction ne soit faite, précisément, entre les activités vitales pendant l’épidémie et les autres ? Qu’on demande aux millions d’ouvriers du bâtiment, de l’automobile, de l’aéronautique, aux manutentionnaires et livreurs d’Amazon et autres plateformes, de prendre les transports, de passer aux vestiaires, de retrouver les collègues sur les chantiers, dans les usines et les entrepôts ?
Une doctrine cynique et incohérente
On a souligné l’injustice de classe liée au télétravail : « les riches à la maison, les pauvres envoyés au front ?” Les uns confinés, les autres mis en danger, le scandale de l’inégalité des vies éclate au grand jour. Nos dirigeants justifient cette discrimination au nom de la préservation des « activités essentielles à la vie de la nation ». C’est évident pour les professions de santé, applaudies tous les soirs par la population. Mais le gouvernement joue sur l’ambiguïté entre « vie humaine » et « vie économique », entre santé des personnes et croissance du PIB. Certes les ministres font mine de se limiter à certaines activités en demandant à « tous les salariés des entreprises encore ouvertes et des activités indispensables au bon fonctionnement du pays – nettoyage, traitement des eaux, industrie agroalimentaire, grande distribution – de se rendre sur leur lieu de travail ». Il loue le « rôle fondamental pour la vie de la nation » des agents et salariés de l’énergie, des transports, de l’eau et des déchets. Mais le président est plus vague quand il « appelle les entreprises des secteurs essentiels[1] de notre économie à maintenir leur activité, dans le respect des règles de sécurité sanitaire ».
En pratique l’injonction à travailler à tout prix s’étend bien au-delà des « secteurs essentiels » à la vie sous épidémie. L’exemple le plus frappant est le BTP, qui emploie plus d’un million d’ouvriers. Pour le gouvernement, pas de problème : “les personnes qui exercent une activité qui les oblige à travailler en extérieur – chantiers de bâtiments et travaux publics notamment – doivent la poursuivre” (courrier de Castaner adressé le 18 mars aux préfets). Alors que la fédération des artisans (Capeb) appelait ses adhérents à interrompre leur activité pour se protéger et protéger leurs salariés, la ministre du travail s’est dite « scandalisée » : “quand un syndicat patronal dit aux entreprises: ‘arrêtez d’aller bosser, arrêtez de faire vos chantiers’, ça c’est du défaitisme, on a besoin de tout le monde sur le pont !”. Le président de la FFB, principal syndicat patronal du secteur, a dénoncé ces « propos scandaleux » ; le patronat juge « la situation intenable face aux doutes sur l’approvisionnement en matériaux, la volonté de salariés de rester chez eux pour se protéger, ainsi que les ordres contradictoires donnés par les clients des entreprises quant à un maintien ou non », tout comme la fédération CGT du secteur qui critique “l’incompétence totale” de Muriel Pénicaud et sa méconnaissance des conditions de travail sur un chantier. Comme le dit la fédération des SCOP (coopératives) du BTP, “un chantier est un foyer de contagion important car il réunit des professionnels souvent par dizaines, venant de lieux, de métiers et d’entreprises différentes qui coproduisent ensemble en utilisant des moyens en commun”. Le forcing du gouvernement sur la FFB aboutit à un « accord » sur la poursuite des chantiers que beaucoup de patrons semblent peu pressés d’appliquer.
Pour justifier que le maximum de salariés continuent à se rendre à leur travail, des ministres livrent un véritable cours d’économie industrielle : « il y a beaucoup d’activités économiques qui ferment au-delà de ce que prévoit le décret réglementaire. Or, elles sont essentielles à la nation. On n’aura pas de problèmes à s’approvisionner à condition que toute la chaîne (agro-alimentaire) fonctionne. Quand vous achetez un litre de lait, derrière il y a un agriculteur, une industrie, un transporteur, un fabricant de pièces détachées pour le camion, l’hôtesse de caisse… Il y a 15 métiers au moins ». Car il ne faut pas oublier le sidérurgiste qui produit l’acier des pièces détachées, ni l’ouvrier de Michelin qui fabrique les pneus pour le camion, le marin qui amène le caoutchouc de Malaisie…
Cette rhétorique reflète directement le point de vue du Medef, pour qui les travailleurs ont abusé de précautions suite à l’allocution présidentielle du 12 mars : « il y a eu dans tous les secteurs d’activité, y compris dans ceux très nombreux dont l’exploitation n’est pas interdite par les mesures sanitaires, un changement d’attitude extrêmement brutal des salariés” ; et de regretter que le président de la République “n’a pas assez insisté sur la nécessaire continuité de l’activité économique”. Le Ministère du Travail publie à cet effet une circulaire qui met l’accent sur le caractère illicite de l’exercice du droit de retrait dès lors que les employeurs mettent les salariés en situation de pouvoir se protéger par les fameux « gestes barrières ». Le Ministère estime que ces gestes sont des mesures de prévention suffisante, et que l’exercice dur droit de retrait dans ces conditions pourrait exposer les salariés à des sanctions. Certains ont fait remarquer que cette interprétation contredit les principes de base de la prévention des risques professionnels, qui donnent la priorité aux mesures organisationnelles et aux protections collectives sur les gestes et précautions individuelles[2]…
L’exemple de la grande distribution pris par la circulaire est éclairant : «dès lors que cette distance entre les salariés ainsi qu’entre ces derniers et les clients est respectée, cela sera théoriquement suffisant». Ainsi, alors que Carrefour l’a fait spontanément, les employeurs ne sont pas tenus de fournir masques, gants et vitrines de plexiglas : selon le Ministère « une vitre devant une caissière rajoute une sécurité supplémentaire, mais pour l’instant, le cœur de la stratégie de lutte contre le virus est le respect absolu des gestes barrières». Les livreurs des plateformes comme UberEats ou Deliveroo sont en première ligne, sans autres protections que les gestes individuels. La procédure de « livraison sans contact » proposée par le Ministère de l’économie ne convainc guère : “des gants, on n’en trouve pas tant que ça, les masques, nulle part, ça devient compliqué. On nous demande de nous laver les mains régulièrement, mais quand on travaille dans la rue sur un vélo on a pas forcément un lavabo à disposition.” Et pour eux, pas de droit de retrait puisqu’ils sont « indépendants »… Il est vrai que si on en croit les propos de Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement, rapportés par le Figaro, « ‘le port du masque sert pour des soignants, dans des situations de soin’, pas pour des travailleurs dans d’autres secteurs ni pour les déplacements dans la rue ». Où l’incurie en santé publique (l’inexistence de stocks de masques) redouble l’impéritie en santé au travail…
Controverses sur l’utilité du travail
Face à toutes ces inconséquences des pouvoirs, les salarié.es s’insurgent, comme le note très justement le Medef. Dès le 16 mars une vague de retraits déferle sur les usines et les entrepôts, chez Toyota, PSA, Renault, Alsthom, Bombardier, aux Chantiers de l’Atlantique. Pour freiner ces initiatives certains patrons tentent de faire valoir le caractère essentiel de l’activité. On voit dès lors apparaître des controverses inédite sur l’utilité du travail : les salarié.es l’estiment insuffisante pour mettre en jeu leur santé, tandis que les directions prétendent leur activité si vitale qu’elle ne saurait être suspendue.
C’est curieusement le cas d’Amazon, qui osait affirmer que « nos équipes travaillent pour s’assurer que nous pouvons continuer à livrer les clients les plus touchés, dont beaucoup n’ont aucun autre moyen d’obtenir des produits essentiels ». Il fallait justifier le maintien de l’activité à tout prix, au moment où le chiffre d’affaire est boosté par la fermeture des commerces physiques. Inquiets de la promiscuité au travail, les salariés ont mené des mouvements de protestation, à Lauwin-Planque, Montélimar, Chalon-sur-Saône, Saran… : « certains salariés ont ainsi tenté de faire jouer leur droit de retrait en évoquant le non-respect des règles sanitaires, considérant, par ailleurs, que leurs activités ‘n’étaient pas vitales pour la société’ ». Pour Sud Commerce, « c’est totalement irresponsable de laisser travailler des centaines de personnes dans des sites dont l’activité n’est pas de première nécessité, mais le chiffre d’affaires passe avant la santé ». Raillant le caractère soi-disant vital des livraisons d’Amazon, un élu syndical du site de Montélimar notait qu’en fait de première nécessité, « en ce moment, ce que nous passons le plus, ce sont des DVD, des jouets pour enfants et des accessoires sexuels ! ». Confinement oblige…
Pour faire pression sur la direction et obtenir la mise en chômage partiel, la CFDT appellait à une grève du zèle … par l’hygiène, « en appliquant les consignes à la lettre : 1 mètre entre chaque salarié, du gel hydroalcoolique à chaque changement de chariot, s’hydrater toutes les 15 minutes, et donc prévenir son manager qu’on va aux toilettes, nettoyer ses outils dès qu’ils changent… ‘Amazon veut qu’on vienne bosser, faisons-le sans penser productivité’. » Sous la pression, Amazon a dû annoncer une limitation de son activité aux « produits dont les clients ont le plus besoin à l’heure actuelle », c’est-à-dire les produits d’hygiène ou de base pour la maison.
A Belfort, la direction de General Electric se targue elle aussi d’assurer une activité vitale : «de nous dépend le bon fonctionnement de nombreuses centrales électriques dans le monde qui à leur tour sont clef pour maintenir l’activité d’industries vitales pour nos concitoyens». Elle doit néanmoins suspendre la production jusqu’à nouvel ordre, après que 250 salariés ont exercé leur droit de retrait le 17 mars en raison de la pandémie de coronavirus. « Selon la CGT, les salariés sont en danger s’ils poursuivent le travail, nombre d’ouvriers oeuvrant dans des ateliers où la proximité est forte : ‘on est des bêtes à produire que l’on n’est pas capable de protéger’, s’emporte Cyril Caritey, délégué syndical CGT du site belfortain ».
Masques, vitres et solutions hydro-alcooliques et distances de sécurité font tout autant défaut dans les agences bancaires, qui restent pourtant ouvertes au public. Car les banques font partie des Opérateurs d’Importance Vitale (OIV), un statut attribué par le Ministère de la Défense à 250 services publics et entreprises indispensables à la sécurité nationale : « ‘compte tenu du statut OIV, les salariés qui se sentent en danger sur leur lieu de travail ne peuvent pas exercer leur droit de retrait’, souligne Frédéric Guyonnet, le président national du syndicat SNB-CFE-CGC, pour qui l’angoisse est palpable.
Dilemmes éthiques en pagaille
Si les salarié.es d’Amazon ou de General Electric n’ont guère d’états d’âme pour exercer – quand le rapport de forces leur permet – leur droit de retrait, il n’en va pas de même pour celles et ceux qui exercent des activités vraiment indispensables en ce moment. Ainsi les employé.es de la Blanchisserie blésoise, près de Blois, sont face à un dilemme difficile : « dans ce site industriel où, de jour comme de nuit, 180 opérateurs lavent le linge d’hôpitaux franciliens, ‘nous avons du gel, des gants, mais pas de masques’, déplore l’un d’entre eux en évoquant ‘les chariots de draps souillés, parfois gorgés de sang et d’excréments’ qui y sont triés. ‘On sait tous qu’il faut continuer de traiter le linge pour ne pas paralyser les hôpitaux, mais on ne veut pas y laisser notre peau’ ».
La distribution alimentaire est un autre secteur clé où 700 000 salariés vont travailler la boule au ventre avec le sentiment d’être envoyé au casse-pipe pour satisfaire des besoins pas toujours évidents. Laurent Degousée, co-délégué de la fédération Sud-Commerces : “je ne remets évidemment pas en cause le fait que, de Franprix à Carrefour, il faut que ce soit ouvert. Mais les salariés travaillent dans des situation indigentes, malgré des mesures de protection extrêmement simples à mettre en œuvre. (…) Cela va des gens qui n’ont pas de gants, à ceux qui en ont, mais des gants pour le pain qui se déchirent au bout de dix minutes, à ceux qui n’ont pas de masques, parce qu’on leur dit que c’est anxiogène. Ce sont encore des salariés qui doivent s’acheter eux-mêmes le gel hydroalcoolique. Et ceux qui, quand ils en ont, ils ne disposent pas de temps de pause pour se laver les mains. » Ce qui entretient encore plus particulièrement le sentiment d’injustice, « c’est qu’on laisse ouvrir des activités qui devraient être fermées : le 14 mars, on a un arrêté qui indique la fermeture des commerces non utiles ; le 15, un autre arrêté liste les exceptions : les magasins de vapotage ont le droit d’être ouvert, la jardinerie – animalerie, la téléphonie mobile… On se moque de qui ? »
Dans les transports routiers, autre activité dont une partie est vitale en temps d’épidémie, la colère des chauffeurs monte. Le syndicat patronal, la FNTR, reconnaît que « les conducteurs travaillent dans des conditions ‘déplorables’ et ‘inhumaines’ : ils ne peuvent plus manger, aller aux toilettes, se laver les mains ou se doucher» du fait de la fermeture des infrastructures dans les stations-services, qui ne servent plus que du carburant. Par un curieux paradoxe, la police semble avoir une interprétation plus rigoureuse que le gouvernement de la notion de « secteur essentiel » : selon la FNTR, plusieurs centaines de camions ont été bloqués par les policiers, qui leur ont dit « qu’ils ne transportaient pas des biens essentiels ou vitaux ». Et ceci, remarque la FNTR, alors que « la consigne de l’État est que le transport de marchandises doit continuer » sans considération de la nature des biens transportés…
Le gouvernement a indiqué que des mesures rapides allaient être prises, mais selon le syndicat FO-Transports, majoritaire dans le secteur avec la CFDT, « mis à part quelques parkings rouverts, il n’y a pas beaucoup de changement sur les sanitaires, les douches, les restaurants, l’accueil des routiers chez les clients », Il appelle les salariés de toutes les catégories du transport (marchandises, voyageurs, déchets, transports de fonds…) « à appuyer sur le bouton “stop” pour tout ce qui concerne les transports et la logistique non essentiels, et demande à l’ensemble des salariés (…) de se mettre en droit de retrait individuel à partir de lundi 23 mars ».
Qui doit décider de ce qui est vital ?
Sous l’épidémie, la controverse sur le lien entre le travail et la vie – mon activité est-elle vitale ? – traverse donc le monde du travail d’une façon totalement inédite. S’il ne fait pas de doute que les soignants se dévoueront pour le bien commun – le soin faisant partie de leur identité professionnelle – , c’est moins évident pour beaucoup d’autres métiers, où prêter attention aux conséquences de son travail sur le monde n’était pas forcément courant avant l’épidémie. Soudainement, des professions où la dimension du caresemblait absente – chauffeurs routiers, caissières, éboueurs, égoutiers… – sont amenées à s’interroger sur l’utilité de leur activité pour les autres, et à arbitrer entre leur travail et leur santé pour le bien commun. La FNTR signale que face au danger et à la dégradation des conditions de travail « des centaines de conducteurs nous disent ‘on arrête’ », et demande « un peu de considération pour les routiers, héros en temps de crise ».
Y-a-t-il un risque d’effondrement total des conditions de reproduction de la vie par retrait massif des salarié.es des transports et de la distribution ? Le gouvernement semble le craindre, puisqu’il suggère aux entreprises de distribuer la « prime Macron » de 1000 € aux salarié.es qui continuent à travailler pendant l’épidémie. Mais pour assurer l’engagement des travailleurs indispensables à la vie sous épidémie, une prime est insuffisante. C’est surtout de respect qu’ont besoin les personnes qui maintiennent l’approvisionnement et la défense de nos vies. C’est de la conviction que leur engagement est indispensable et reconnu. Nous avons besoin d’une liste des métiers vitaux, des « opérateurs d’importance vitale » non pas pour les affaires de la guerre mais pour celles de la vie. Le gouvernement italien dit avoir consulté les syndicats pour établir une telle liste ; ce n’est sans doute pas sans lien avec les nombreuses grèves qu’ont déclenché les travailleurs ces dernières semaines pour refuser de servir de « chair à canons ». Plutôt que d’attendre l’initiative peu probable du gouvernement, pourquoi ne pas lancer une consultation citoyenne sur Internet pour en débattre ? Il va sans dire que ces métiers devront, une fois l’épidémie passée, faire l’objet d’une revalorisation salariale et statutaire.
Les travailleurs s’engageront d’autant plus volontiers qu’ils auront pu contribuer aux choix de priorités dans leur entreprise. Il est scandaleux que ces décisions soient prises par le seul employeur, en fonction de critères opaques, et sous pression des pouvoirs publics soucieux d’éviter une trop grande chute du PIB et de trop grandes dépenses publiques. Dans les entreprises qui fonctionnent encore, les salarié.es et les usagers doivent pouvoir discuter ensemble de quelle fraction de l’activité doit être maintenue, et laquelle peut être interrompue sans dommage majeur. Qui va décider, dans les entreprises de transport routier, quelles sont les « transports essentiels » à assurer malgré tout ? Et dans l’industrie, qui choisira les productions à maintenir ? A la Poste, qui désignera les tournées indispensables, et leur fréquence ? En fonction de la durée de l’épidémie et de l’évolution de la situation, ces décisions peuvent d’ailleurs être amenées à évoluer. Pourquoi les organisations syndicales n’organiseraient pas, là où c’est possible, des assemblées (éventuellement virtuelles) de salarié.es, en lien avec les pouvoirs publics, la communauté scientifique et, quand c’est possible, les usagers, pour délibérer à ce propos ? Pourquoi ne pas négocier, sur la base de ces débats, une liste évolutive des métiers et activités vitales ? Pourquoi ne pas faire de ce moment unique une opportunité unique pour la démocratie au travail ? Face aux dilemmes éthiques que leur pose l’épidémie, les salarié.es ne peuvent être laissé.es seul.es et impuissant.es : il est temps de les traiter pour ce qu’ils sont, de véritables questions politiques.
Texte signé Thomas Coutrot, économiste et statisticien
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Illustration de Une : Aurélie Garnier
[1] Le projet de loi sur l’urgence sanitaire parle de « secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale », notion qui sera définie par un décret à venir.
[2] Parmi les mesures de prévention obligatoires, « éloigner le plus possible les bureaux les uns des autres et sans vis-à-vis (au moins 1 mètre, soit 2 mètres entre les employés) (..), approvisionnement ample et distribution large de masques, de mouchoirs et serviettes en papier à jeter, de poubelles et de solutions hydro-alcooliques , (…) masque de protection FFP1 ou masque anti-projections (de type chirurgical) (…) obligatoire pour les salariés exposés régulièrement à des contacts étroits avec le public du fait de leur profession (métiers de guichet ou de caisse par exemple, agents des transports en commun, des établissements scolaires ou hospitaliers, maisons de retraite ou autres lieux publics …) ».