Dépister le virus : comment l’Allemagne réussit à tester cinq fois plus qu’en France

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SOURCE : Bastamag

Une meilleure anticipation, moins d’hésitation et de perte de temps ainsi qu’un maillage de grandes et moyennes entreprises en capacité de produire des tests, expliquent la capacité de l’Allemagne à dépister plus massivement le covid-19 qu’en France. Explications.

Tous les pays n’ont pas limité les tests du coronavirus aux seules formes sévères, comme l’a fait la France. L’Allemagne est souvent citée pour sa stratégie de dépistage beaucoup plus massive. Le pays compte près de 73 000 cas enregistrés de Covid-19 [1] au 2 avril. Plus qu’en France donc, qui en compte 52 000 (au 31 mars) – mais seules les personnes « présentant des signes de gravité et des symptômes évocateurs » y sont testées.

L’Allemagne enregistre – pour l’instant – beaucoup moins de décès : 872 au 2 avril, soit une létalité d’environ 1 %, plus faible qu’en France ou au Royaume-Uni (entre 6 % et 7 %), et beaucoup plus basse qu’en Italie (entre 11 % et 12 %). Comme le pays teste aussi les personnes qui ont des symptômes légers ou celles qui ont été en contact avec un cas avéré de Covid sans forcément développer de symptômes, le nombre de cas confirmés est plus important et ne concerne pas seulement les cas graves, les plus susceptibles d’en mourir (5 % de la population peut développer une forme critique de la maladie). Le fait que les personnes atteintes sont testées plus en amont, avant de devoir éventuellement être hospitalisées, améliore également la prise en charge, donc diminue le risque de décès.

Le virus a cependant atteint plusieurs maisons de retraites allemandes. Le président de l’institut Robert-Koch, qui coordonne la réponse à l’épidémie avec les autorités, a prévenu que le taux de létalité risquait d’augmenter dans les prochains jours [2].

Un objectif de 100 000 tests par jour à partir de mi-avril

« Les dernières estimations laissent penser qu’on fait aujourd’hui jusqu’à 500 000 tests par semaine », affirme le virologue de l’hôpital berlinois de la Charité, Christian Drosten, lors d’une conférence de presse le 26 mars [3]. Le même jour, le ministre allemand de la Santé, Jens Spahn, déclarait aussi que 300 000 à 500 000 tests avaient été pratiqués en une semaine dans le pays [4].

L’Allemagne teste donc, entre mi-mars et fin mars, au moins cinq fois plus qu’en France (au 22 mars, la France en reste à 60 000 par semaine) ! En quinze jours, le pays a doublé voire triplé le nombre de tests pratiqués, pendant que les autorités françaises continuaient à hésiter sur la stratégie à adopter, prétendant qu’elles n’étaient pas « visées » par les recommandations de l’OMS de tester massivement. Selon un document du ministère de l’Intérieur, le gouvernement allemand table désormais sur 50 000 tests réalisés chaque jour à partir de la semaine prochaine, et 100 000 par jour à partir du 13 avril [5].

Une meilleure anticipation qu’en France

Les patients n’ont pas forcément besoin de se rendre à l’hôpital pour se faire tester. À Berlin, les hôpitaux de la ville ont mis en place depuis début mars huit stations de tests en extérieur. Dans des zones plus rurales, comme en Bavière, des stations de test en « drive-in » – où l’on se fait tester depuis la fenêtre de sa voiture, évitant ainsi les contacts – ont été installées. Pour autant, les tests ne sont pas, pour l’instant, réalisés sur tout le monde. L’institut Robert-Koch recommande de ne tester que les personnes qui ont des symptômes ou ont été en contact avec des cas avérés de Covid-19. Au-delà de ces critères, les médecins généralistes peuvent prescrire un test à un patient s’ils le jugent nécessaire. Les autorités locales de santé accomplissent aussi un travail d’identification et d’isolement des personnes qui ont été en contact avec des cas avérés.

Pourquoi l’Allemagne, au contraire de la France où une pénurie entrave pour l’instant tout dépistage massif (lire notre article : Pourquoi la France tarde-t-elle à pratiquer un dépistage massif du coronavirus ?), dispose-t-elle de davantage de tests ? Cela s’explique par un meilleur approvisionnement. Plusieurs entreprises allemandes en fabriquent. Comme une PME berlinoise, TIB Molbiol. L’entreprise a commencé à produire des tests de dépistage du Covid-19 dès février. Elle en livre aujourd’hui dans 60 pays du monde [6].

Le grand groupe allemand Bosch a aussi développé son propre test de diagnostic rapide du Covid. Bayer a annoncé le 30 mars mettre à disposition 40 machines et du personnel pour augmenter les capacités de tests. Les prélèvements des tests sont analysés par des dizaines de laboratoires à travers le pays, au sein des hôpitaux universitaires mais aussi de laboratoire privés.

Ces entreprises pourraient cependant manquer des produits réactifs nécessaires aux tests. Le patron de l’entreprise berlinoise TIB Molbiol a assuré avoir des réserves de produits pour « plusieurs mois » [7]. D’autres disent s’inquiéter des difficultés possibles d’approvisionnement, car outre-Rhin aussi, certains produits viennent de Chine [8]. En Allemagne comme en France, la délocalisation de la production pour des raisons de baisse des coûts met aujourd’hui en péril l’approvisionnement en biens essentiels à la santé publique.

Rachel Knaebel

Notes

[1Selon les chiffres de l’institut Robert-Koch.

[2Voir sur le site du Spiegel.

[3Voir sur le site du Spiegel.

[4Voir la conférence de presse sur le site du ministère de la Santé.

[5Voir l’article de la Süddeutsche Zeitung.

[6Voir cet article de la Tageszeitung.

[7Voir cet article de la Deutsche Welle.

[8Voir sur le site de la radio publique Deutschlandfunk.


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