Le 11 mai, une médaille et quatre planches ?

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SOURCE : Sud Education

Sud-éducation, Maurice Ravel, Paris

14 avril 2020

Avant l’allocution d’Emmanuel Macron, nous avions déjà un problème avec Jean-Michel Blanquer : un Bac en contrôle continu semé d’embûches et d’iniquité. Nous nous sommes déjà exprimés là-dessus. Ce qui vient d’être annoncé par Emmanuel Macron est autrement plus sérieux et dramatique : une rentrée à partir du 11 mai avec une prise de risque sanitaire considérable !

Le manque de préparation est évident mais la priorité est manifestement de faire tourner l’économie à tout prix. Or pour que les parents aillent au turbin, il faudra bien que les enfants soient gardés. C’est d’ailleurs pour cela qu’à l’éducation nationale, on nous invite tout simplement à marcher sur la tête : les étudiants resteront chez eux jusqu’en septembre, mais les plus petits dans les maternelles et les écoles élémentaires seront les premiers à rentrer alors que la distanciation sociale sera particulièrement compliquée à faire respecter avec les plus jeunes.

Après les soignant-e-s et les caissières de supermarché, une nouvelle ligne de front vient d’être ouverte, elle nous concerne directement ! Ce serait à nous maintenant de jouer aux héros !

Le déconfinement, un problème dont il faut mesurer la complexité et la durée

Nous ne reprendrons pas ici ce que chacun-e peut lire dans la presse. Ce qui nous attend sera plus long et plus compliqué que prévu initialement, bien plus en tout cas que ce que l’allocution d’Emmanuel Macron voudrait nous laisser croire à cette étape. Pour au moins trois raisons :

  • On ne sait toujours pas comment il va être possible de passer d’une situation où 3 % de la population française a été touchée (c’est l’estimation actuelle) à 60 % qui est le chiffre minimum pour créer une immunité de groupe (si elle existe). Il y a peut-être des techniques qui permettent d’aplatir la courbe en testant massivement et en isolant les personnes suspectées d’être infectées en attendant un vaccin dans 18 mois sans avoir besoin d’être majoritairement immunisés, mais pour l’instant personne n’a l’air d’avoir la recette. Dit autrement c’est une illusion totale de penser que nous allons faire une rentrée normale en septembre, voire même une année scolaire normale. Sans même parler de revenir dans les établissements dès le 11 mai avec juste quelques aménagements et aucun test systématique !
  • C’est d’autant plus vrai qu’il reste des inconnues considérables sur l’évolution de la pandémie dans les autres pays en Afrique, en Inde, en Amérique, sans savoir si on est au tout début ou pas de la catastrophe, avec de possibles allers-retours qui viendront encore compliquer les phases de déconfinement partiels auxquels il faut s’attendre (avec d’ici-là combien d’enseignants malades tombés au champ d’honneur ?).
  • Il faut enfin s’imaginer concrètement ce qui peut se passer dans un établissement comme le nôtre. Le respect des gestes barrières (dont la mise à distance !) dans la salle des profs, pour accéder à nos casiers, dans les couloirs de Ravel, dans nos salles… tout cela est illusoire sans modifier radicalement nos conditions de travail au niveau des effectifs et des emplois du temps. Il faudra pour cela trouver de nouveaux objectifs d’enseignement et de nouvelles méthodes de travail. Le moins qu’on puisse dire est que jusqu’à présent et pour une durée indéterminée, on n’a jamais été aidé en quoi que ce soit.

    Au vu du bilan catastrophique et de l’impréparation du gouvernement et de Blanquer face à cette crise déjà constatés, des dénis multiples tant sur les masques, les tests, que sur la prétendue « continuité pédagogique », on ne peut que s’attendre à une nouvelle période de désorganisation et de prise de risque considérable pour les personnels comme pour les élèves. Déni répété encore dans l’allocution d’Emmanuel Macron le 13 avril puisque ce dernier – contrairement à ce qu’affirme l’OMS depuis le 16 mars « testez, testez, testez ! » – nous explique qu’il est inutile de texter massivement la population. On croirait entendre Sibeth Ndiaye (et d’autres !) sur les masques il y a un mois !

    Défense inconditionnelle des personnels et de l’intérêt général !

    C’est une revendication qui a été portée par les organisations syndicales en CHSCT mais que nous rappelons ici : pas question de reprendre les cours en présentiel même de manière très échelonnée sans avoir testé au préalable massivement les personnels et les élèves !

    La généralisation des tests sans être suffisante est une condition nécessaire à la reprise des cours. Sinon c’est une évidence que l’on va droit à l’hécatombe, avec des personnes asymptomatiques et d’autres qui présenteront des symptômes trois jours plus tard mais qui auront eu le temps de contaminer leur voisin. L’affirmation de Macron que seules les personnes présentant les symptômes devront être testées nous fait clairement courir des risques inacceptables !

    Le respect des gestes barrières s’impose également : cela veut dire pas plus de dix élèves par classe, des emplois du temps totalement modifiés en conséquence mais également heure par heure pour ne pas avoir à se croiser dans les couloirs ou ailleurs dans l’établissement, revoir les heures de cantine etc etc. Sans un plan minutieux à examiner dans tous les détails avec les représentants des personnels, il n’est évidemment pas question d’envisager le retour à la normale après le 11 mai même progressivement !

    Des régressions potentiellement durables au niveau des droits sociaux et démocratiques

    Au-delà, chacun est aussi conscient que nous vivons un moment particulièrement critique de mise en cause de nos droits.

    Les provocations du Medef sur les heures de travail, les jours fériés et les congés notamment correspondent déjà à une réalité : la « loi d’urgence sanitaire » est une attaque sans précédent contre le droit du travail dont la limite est liée à la crise. Or redisons-le : d’une manière ou d’une autre, on sera encore en situation de crise en 2021. De quoi nous habituer largement à voir le code du travail mis entre parenthèse.

    L’objectif est aussi clairement de nous faire payer par une austérité renforcée les dépenses actuelles. La remise à plat du système fiscal n’et manifestement pas à l’ordre du jour. Pas même de gratifier l’hôpital de quelques mesures réelles tant les plans déjà esquissés (notamment par le rapport de la Caisse des Dépôts et Consignations) confirme la même politique de démantèlement des services publics.

    Ce n’est pas le seul aspect. La lutte contre la pandémie est aussi la porte ouverte à de nombreuses mises en cause des droits démocratiques, un renforcement spectaculaire du « capitalisme de surveillance ».

    https://www.ldh-france.org/la-crise-sanitaire-ne-justifie-pas-dimposer-les-technologies-de-surveillance/?utm_medium=push&utm_source=notifications

    https://www.telerama.fr/medias/post-scriptum-sur-le-deconfinement-demain,-tous-auxiliaires-de-police,n6625533.php#xtor=AD-244

    https://www.laquadrature.net/2020/04/01/covid-19-lattaque-des-drones/

    Résister, construire de nouvelles perspectives

    L’alternative n’est pas aujourd’hui la santé ou l’économie, une fausse alternative qui conduit tout droit à sacrifier nos vies et notre santé. Elle est de bâtir une économie qui fasse de la santé comme de l’environnement un aspect central et non une variable d’ajustement. Pour l’instant, en précipitant le soi-disant « retour à la normale », on est en train de prendre le chemin inverse.

    Les congés ne sont pas terminés mais nous allons devoir nous réveiller rapidement et renouer avec les habitudes de résistance collective. Il y va clairement de notre santé et de notre avenir !


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