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SOURCE : Les Echos
Le déconfinement progressif, qui se fait jour dans la plupart des pays du monde, pourrait relancer les mouvements de protestation.D’autant que les conséquences économiques du Covid-19 sont effroyables pour les plus démunis.
Troubles sociaux, manifestations violentes, révoltes, voire révolutions… Les risques d’effondrement de la société, mise sous le boisseau par les mesures de confinement adoptées dans la majorité des pays du monde, pourraient de nouveau faire irruption dans le paysage. La semaine dernière, à l’occasion des réunions de printemps, virtuelles, du Fonds monétaire international (FMI), l’économiste en chef de l’institution multilatérale, Gita Gopinath, a mis en garde contre les effets de la récession qui se profile : « Si cette crise est mal gérée et que des citoyens estiment que leur gouvernement n’a pas fait assez pour les aider, des troubles sociaux pourraient émerger. »
Pour le directeur du département des finances publiques du Fonds, Vitor Gaspar, certains pays pourraient voir émerger des mouvements de contestation sociale si les mesures mises en oeuvre pour tenter d’atténuer l’impact de l’épidémie de nouveau coronavirus sont jugées insuffisantes ou inéquitables par la population. Les gouvernements marchent sur des oeufs.
Volcan endormi
Même en temps de confinement, des premiers troubles sont apparus. Aux Etats-Unis, par exemple, des manifestations appelant à la levée de ces mesures ont eu lieu en début de semaine, notamment en Pennsylvanie. Le gouvernement indien, lui, s’est vu obliger d’assouplir les conditions du confinement pour permettre à des millions d’Indiens de reprendre le travail depuis le début de la semaine pour leur éviter de mourir de faim. La perspective de la fin du confinement pourrait bien réveiller le volcan d’une contestation sociale qui couvait avant le déclenchement de la pandémie.
Dans la France confinée, plusieurs syndicats et organisations de jeunesse ont appelé, lundi, à la mobilisation. « Même confinés, manifestons toutes et tous le 1er mai avec des pancartes, banderoles ou en envahissant les réseaux sociaux, et donnons à cette journée une véritable force collective », revendiquent les organisations syndicales CGT, FSU, Solidaires et les mouvements lycéens FIDL, MNL, UNL et étudiant Unef.
Dans son rapport consacré aux finances publiques, le FMI avait souligné que de nombreux pays ont été le théâtre de mouvements sociaux de contestation tout au long de l’année 2019 – qu’il s’agisse des « gilets jaunes » en France, des manifestations à Hong Kong ou au Liban, en passant par l’Algérie ou le Chili. Selon le comptage du centre de réflexion Carnegie Endowment for International Peace, une centaine de mouvements de contestation du gouvernement s’est tenue depuis 2017, à l’instar des « gilets jaunes » en France ou des manifestations contre les leaders politiques des pays pauvres comme le Soudan et la Bolivie. Une vingtaine de ces soulèvements ont d’ailleurs renversé des dirigeants, tandis que plusieurs ont été réprimés de manière brutale.
Bombe sociale
La crise sanitaire du Covid-19 ne fera qu’exacerber les conditions préexistantes d’inégalité partout où elle frappe. A plus ou moins brève échéance, certains s’attendent à des soulèvements et des révolutions. L’Organisation internationale du travail a d’ailleurs averti que la crise détruirait près de 200 millions d’emplois dans le monde et réduirait considérablement les revenus de 1,25 milliard de personnes supplémentaires. Or, la plupart d’entre eux étaient déjà pauvres. Dans un tel contexte, il serait naïf de penser que, une fois l’urgence médicale passée, le monde pourra continuer comme avant. La colère et l’amertume trouveront de nouveaux débouchés. Pour Francesco Rocca, chef de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), la situation est explosive. « Dans les quartiers les plus difficiles des plus grandes villes, j’ai peur que dans quelques semaines nous ayons des problèmes sociaux. C’est une bombe sociale qui peut exploser à tout moment, car ils n’ont aucun moyen d’avoir un revenu », avait-il indiqué lors d’une conférence de presse des Nations unies fin mars. Le compte à rebours a commencé.
par Richard Hiault