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SOURCE : Invités de Mediapart
Ainsi, le gouvernement a annoncé un déconfinement progressif à partir du 11 mai, mais nous savons déjà que les moyens d’assurer la sécurité sanitaire ne seront pas au rendez-vous. Une autre organisation collective est devenue nécessaire pour dépasser cette crise sanitaire, écologique et sociale, vraisemblablement la première d’une longue série si nous ne changeons pas au plus vite notre modèle économique.
En effet l’actuelle propagation pandémique n’est pas un phénomène naturel mais une conséquence de l’organisation capitaliste de l’économie. Elle est née des destructions écologiques, de la pauvreté de la population de la région de Wuhan. Elle s’est répandue sur les circuits commerciaux de l’économie globalisée. Enfin, elle nous a trouvé·e·s dans la plus grande impréparation après des décennies de mise à mal de notre système de santé non marchand et donc, non rentable aux yeux des idéologues libéraux.
Malgré cela, une gestion énergique et au service de la population aurait pu éviter que l’épidémie ne se transforme en crise sanitaire et sociale. On sait ce qu’il en a été de l’action du gouvernement Macron-Philippe à cet égard. Il a accumulé les retards, voire les refus de prendre les mesures nécessaires, et il a prouvé son inconséquence par le maintien du 1er tour des municipales. Les pouvoirs de police élargis accordés à l’exécutif, l’allongement du temps de travail et la suppression de la 5e semaine de congés payés, décidés sous couvert de l’état d’urgence sanitaire, montrent suffisamment que la préoccupation de ce gouvernement n’est pas de protéger la population, mais de préserver les profits de la haute finance.
La population n’est pas protégée aujourd’hui par les autorités mais bien par les femmes et les hommes qui restent à leur poste de travail dans les hôpitaux, dans les pharmacies, chez les médecins généralistes, dans les supermarchés et sur les marchés autorisés, dans les transports en commun et dans les champs. Ce sont aussi, dans la Creuse, ces ouvrières au chômage technique qui ont repris le travail pour fabriquer des masques et des blouses à destination des soignants. Ou encore, à Plaintel en Bretagne, l’initiative d’ouvrier·e·s de reprendre en coopérative leur usine de fabrication de masques fermée en 2018 pour satisfaire ses actionnaires. Et dans la région de Marseille, les sociétaires de Scop-Ti (coopérative de production de thé) qui ont réorienté leur production vers la fabrication de masques et blouses, pendant que les salarié·e·s d’un McDo ont transformé leur lieu de travail en lieu de solidarité avec les plus démuni·e·s.
Cette solidarité des travailleurs et travailleuses doit être soutenue et étendue. Et pour cela, nous avons un outil irremplaçable : la Sécurité sociale ! Créée et gérée majoritairement par les salarié·e·s jusqu’en 1967 (1), elle a été le pivot d’une vraie politique populaire de santé publique. Elle a permis le maillage hospitalier de tout le territoire national ainsi que l’éradication de nombreuses maladies qui frappaient les classes populaires (tuberculose, poliomyélite, diphtérie, tétanos). Elle peut et doit retrouver ce rôle.
Dès à présent, toutes et tous les salarié·e·s au sein des Conseils d’Administration doivent s’en approprier collectivement la gestion et décider de soutenir financièrement les initiatives solidaires existantes et à venir, et permettre de les coordonner. Ils et elles doivent également mandater un comité de chercheur·se·s indépendant·e·s et de travailleur·se·s, chargé d’établir une stratégie populaire de sortie de crise en alternative à celle du Haut conseil scientifique de Macron-Philippe.
Mais il revient aussi à chacun·e d’entre nous de donner à ces administrateurs·trices la puissance et la conviction politiques nécessaires. Le report des échéances des cotisations sociales décidé par le gouvernement est dans la droite ligne des politiques dites “d’allègement de charges”, qui ont mis l’hôpital à genoux : exigeons le remplacement de ce report par le gel des dettes des entreprises auprès des banques. Et surtout prenons en main les moyens de production partout où c’est possible et nécessaire. Identifions les entreprises susceptibles de mettre leurs activités au service de la lutte contre la maladie. Dans les entreprises de mécanique, fabriquons des respirateurs. Dans les entreprises textiles, masques et blouses. Dans les laboratoires publics et privés, des tests de dépistage par centaines de milliers. Sur les plateformes logistiques, utilisons nos savoir-faire pour la répartition de ces productions. Et ainsi de suite, sans autre limitation que nos besoins et notre volonté.
La Sécurité sociale est notre création, elle est notre propriété collective. Elle est notre principale protection contre les méfaits du capitalisme et nous ne devons jamais l’oublier. Pour quoi nous battions-nous cet hiver à travers le refus des réformes des retraites, de l’hôpital et du chômage, sinon pour la Sécurité sociale ? Il ne tient qu’à nous de renouer dès maintenant les fils de cette lutte, sans attendre un quelconque « jour d’après ». La Sécurité sociale est notre meilleure arme aujourd’hui contre le Covid-19. Et elle sera notre meilleure arme, demain, quand il faudra affronter la crise économique (2).
(1) Voir le film « La Sociale », réalisé par Gilles Perret
(2) Pour des propositions de reprise et d’élargissement de la Sécurité sociale, voir et signer « L’Appel pour reprendre la Sécurité sociale »
Signataires :
Ludivine Bantigny, historienne
Brigitte Bellard, AESH
Annick Bienfait, photographe
Giulia Boccato, chargée de diffusion
Sébastien Canet, enseignant
Kévin Certenais, paysan
Siegfried Chapotin, chef de projet multimédia
Jean-Louis Comolli, cinéaste
Antoine Dandonneau, entrepreneur
Alice Dumoulin, assistante sociale
Caroline Fiat, députée insoumise
Bernard Friot, sociologue
GA LFI Nantes Nord Bout des Landes
Monique Geoffrion, retraitée Sécurité sociale
Maxime Goubin, chômeur
Ludovic Mezey, enseignant
Stéphane Pichelin, étudiant
Nadia Taibi, philosophe
Henri Uzureau, comédien et retraité