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SOURCE : Arguments pour la lutte sociale
La propagation du Covid 19 dans les centres de rétention administrative (CRA) enferme le gouvernement dans le scandale que constitue la politique de lutte contre l’immigration selon Macron et Castaner.
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, recommandait le 17 mars la fermeture des CRA.
Le 18 mars, le Défenseur des droits faisait part au ministre de l’Intérieur « de son inquiétude au sujet de la situation des personnes étrangères actuellement retenues dans les CRA ». Il l’interrogeait « sur la pertinence et la légalité du maintien en activité de ces centres alors que les perspectives d’éloignement (des personnes retenues) avaient disparu à court terme du fait de la fermeture des frontières ». Le Défenseur des droits déclarait de plus que « les étrangers retenus et les personnels intervenant en centres de rétention se trouvaient, du fait de la promiscuité inhérente aux lieux et de l’impossibilité d’y mettre pleinement en œuvre les gestes barrières préconisés, exposés à un risque sanitaire particulièrement élevé ». Il demandait à Castaner « de procéder à la fermeture immédiate de tous les CRA ainsi qu’à la libération des étrangers encore retenus, dans l’attente de l’amélioration du contexte sanitaire français ».
Le 21 mars, il répétait cet appel à la fermeture provisoire des CRA conjointement avec la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), Jean-Marie Burguburu, nommé à cette fonction en février 2020 par le premier ministre Philippe.
Le 25 mars, cette position de fermeture temporaire, était encore défendue par les mêmes institutions devant le juge des référés du Conseil d’État dans le cadre d’un contentieux introduit par plusieurs associations (GISTI, ADDE, SAF, CIMADE…) dont c’était la requête.
Le 27 mars le Conseil d’État, qui n’en est plus à une honte près, a refusé la fermeture des CRA, en considérant « que la situation ne portait pas une atteinte suffisamment grave aux droits à la vie et à la santé pour justifier la fermeture temporaire de l’ensemble des CRA, notamment parce que le nombre des nouveaux placements en rétention devait devenir marginal à l’avenir et que la carence dans l’accès aux soins des étrangers retenus ou dans la mise à disposition de produits d’hygiène n’était pas avérée ».
Les journaux qui, comme le Monde du 23 mars, se sont alors intéressés aux CRA, cas typiques de foyers de contamination, souvent comparés aux squats et aux foyers de travailleurs immigrés, voire aux prisons ou aux Ehpad pour les qualifier de « bombes sanitaires à retardement » rassuraient toutefois leurs lecteurs en citant des sources policières selon lesquelles les CRA « seraient tous vides dans un mois ou deux », compte tenu des décisions de remise en libertés prises par les juges des libertés et de la détention, amenés à se prononcer sur les prolongations des placements.
Mais les mises en rétention se sont poursuivies, ce que reconnaît Castaner dans un courrier à Toubon en date du 9 avril et, d’autre part, plusieurs sans-papiers et aussi des policiers de la PAF du CRA de Vincennes ont été testés positifs au COVID-19.
Après le 10 avril, plus de 200 étrangers étaient retenus (dont 69 au Mesnil-Amelot, 52 à Vincennes, 29 à Lille-Lesquin, 20 à Lyon, 15 à Nîmes, 13 à Rouen-Oissel, 5 à Toulouse-Cornebarrieu, 10 en Guyane, sans compter Bordeaux et Mayotte dont le centre a été ré-ouvert ) alors que des cas de contagion au Covid-19 et l’absence de mesures sanitaires sont attestés.
Face à cette politique anti-réfugiés qui loin de s’éteindre prépare le déconfinement et le retour des expulsions, face aux violences de la police qui se multiplient dans les CRA, les luttes éclatent. Au Mesnil-Amelot et à Vincennes, c’est depuis la fin mars que les retenus réclament leur libération et refusent d’être les victimes désignées du Coronavirus.
Des émeutes éclatent au Mesnil Amelot le 11 avril. La cour est occupée toute la nuit au cri de « Liberté, liberté ! ». Le lendemain, un dispositif de flics anti-émeutes renforcé de CRS réprime brutalement le mouvement, frappe les manifestants jusque dans les cellules, vole les téléphones, organise les interpellations et des transferts.
Le 12 avril à Vincennes, face au refus des flics que les cas confirmés de Corona virus soient hospitalisés, des affrontements avec la police finissent par obtenir tard dans la nuit, le départ d’un malade en ambulance. Cependant à Rouen -Oissel, une grève de la faim exige des moyens de protection contre l’épidémie mais aussi « la libération de tous les détenus ».
C’est dans cette situation que le tribunal administratif de Paris, par décision du 15 avril 2020, reconnaît la carence des autorités et leur enjoint de ne plus placer d’étrangers, pour une durée de 14 jours, dans le centre de Vincennes, d’isoler et de confiner les porteurs de symptômes, de lever la rétention et de diriger vers un centre de l’Agence régionale de santé les personnes testées positives au Covid 19.
Cela vient attester que les mesures fixées par Castaner dans les CRA n’évitent pas la propagation du virus. Ces mesures n’étant pas spécifiques au CRA de Vincennes, transférer les immigrés en rétention d’un centre à un autre, vers le CRA de Mesnil-Amelot par exemple, constitue un choix qui met en danger les personnes retenues comme les personnels qui y travaillent.
Mais aussi ce jugement du 15 avril réaffirme de fait le maintien de l’ouverture du CRA de Vincennes et feint d’ignorer que les personnes retenues n’accéderont ni aux tests, ni aux soins de santé.
Dès le lendemain, conscients des limites de cette décision de justice, l’ADDE, le GISTI, le SAF…ont alors exigé « que les autorités administratives prennent conscience des responsabilités qui sont les leurs et agissent, enfin, conformément aux objectifs de protection de la santé publique qui pèsent sur elles, en fermant l’ensemble des CRA ».
Depuis le 16 avril la détérioration des conditions d’hygiène et de santé dans les centres de rétention, mais aussi les informations sur les mesures de régularisation adoptées par le Portugal et l’Italie ont inspiré une pétition d’une centaine de députés et sénateurs et plusieurs autres textes collectifs. Certains soulignent que le Portugal a adopté une autorisation provisoire de séjour limitée au 30 juin 2020 et que le gouvernement italien en régularisant 200.000 sans-papiers (sur 600.000 environ en Italie) entend uniquement pallier la pénurie de main d’œuvre frappant l’agriculture alors que la fermeture des frontières lui interdit, de compter sur l’arrivée saisonnière des travailleurs des pays de l’est.
La Marche des solidarités qui était prévue le 21 mars disait sa colère d’être « reportée à une date ultérieure » sous le coup de l’état d’urgence de Macron alors que les revendications des réfugiés, des retenus, des migrants, ne peuvent être plus longtemps confinées. Les plus précaires d’entre nous n’attendront pas la deuxième vague de la pandémie. C’est dès maintenant que nous devons les protéger, c’est dès maintenant que l’exigence d’égalité des travailleurs immigrés avec ou sans travail, avec ou sans papiers, doit s’exprimer.
Le 1er Mai, journée internationale de lutte des travailleurs, doit être porteur de ces exigences :
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Fermeture définitive de tous les CRA,
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Régularisation immédiate, et sans condition de tous les sans-papiers