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SOURCE : Rapports de force
Deux mois qu’elles et ils triment en silence, il est enfin venu le temps de les entendre. En ce premier jour de déconfinement, les soignants toulousains ont organisé des rassemblements devant les différentes antennes du CHU de Toulouse. Les « héros » ont aussi des revendications politiques à faire valoir. Reportage à Toulouse.
« Les premiers masques qu’on a eus, j’ai cru que c’étaient des habits de poupée. » La comparaison pourrait être cocasse. Pourtant, Katia, auxiliaire puéricultrice à l’hôpital des enfants de Toulouse, est très sérieuse quand elle décrit ses conditions de travail pendant ces deux mois de confinement. « On manquait de masques, pour ne pas se les faire piquer, on les enfermait à double tour dans les armoires. C’était même pas de la parano, on s’est fait voler du gel hydroalcoolique et même du doliprane. »
Ahmed, syndicaliste à la CGT CHU de Toulouse abonde : « Heureusement que Toulouse a échappé à la vague de l’épidémie, on est tellement en sous-effectif que ç’aurait été pire que dans le grand Est». Le sous-effectif et le manque de moyen, les mêmes rengaines reviennent dans la bouche des soignants depuis des années… À l’été 2018 la CGT CHU de Toulouse se fendait d’une vidéo reprenant le clip « Basique » d’Orelsan, tout y était déjà édicté mot pour mot. La crise sanitaire n’aurait-elle rien changé ?
Ce qui a changé
Ce qui a changé, c’est qu’elles et ils ne sont plus seuls à manifester devant leur hôpital. À l’appel de Sud Santé 31 et de la CGT CHU de Toulouse, plusieurs centaines de personnes, militants de tout poil, gilets jaunes ou encore personnalités politiques locales de gauche sont venus les soutenir.
Organisée devant quatre sites du CHU toulousain , la « manif gestes barrières » ne cherche pas à être massive, coronavirus oblige. Cela fait pourtant deux mois qu’on n’avait pas vu un rassemblement réunir autant de monde. L’événement fait ainsi aussi office de rentrée des manifs, non sans un certain enthousiasme. On chante, on danse, les slogans restés aux fenêtres pendant deux mois trouvent enfin gorges où se déployer et les applaudissements deviennent politiques. Allumé trop hâtivement, un fumigène essuie le rappel à l’ordre microphoné d’une soignante : « Éteignez ça, c’est un hôpital, il y a des malades ici. » Une blouse blanche flambe difficilement sous la pluie. Tout se passe dans le calme. À 18h30 à Paris, une manifestation contre les violences policières, nassée pendant plus d’une heure, sera beaucoup moins chanceuse. En attendant, à Toulouse la police est présente mais reste à distance. On ne touche pas aux « héros »
Contredire les héros ?
« Même Macron a été obligé de le dire : il faut sortir l’hôpital de la logique marchande, avance Julien de la CGT CHU de Toulouse, c’est ce que nous disons depuis des années ! » Deux mois de lutte contre le Covid-19 ont investi les soignants d’une aura certaine. Qui viendrait contredire des héros ? L’heure de passer à l’offensive serait-elle venue ?
Or en la matière, les syndicats ne manquent pas d’idées. Elles vont des plus immédiates : la prime de 1500 € promise aux soignants, dont ils n’ont toujours pas vu la couleur, ou le retrait du Comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins (COPERMO) qui, en guise de modernisation, annonce bien souvent des réductions d’effectifs. Aux plus lointaines : construction d’un nouvel hôpital dans le Nord de Toulouse, arrêt du recours aux contrats précaires. « Nous exigeons aussi la construction de maison de santé dans chaque quartier de Toulouse, pour que l’hôpital soit une dernière étape dans un parcours de soin et non plus la première comme il l’est trop souvent », continue Julien. Il ne manque plus que le gouvernement les entende enfin. « On n’y croit pas trop, avec la crise du Covid-19 et les exonérations de charges décidées par Macron, le déficit de la sécu a explosé. Il faut au contraire demander l’augmentation des cotisations, c’est-à-dire de l’argent pour l’hôpital public », conclut le manip’ radio.
À Nantes une manifestation rassemblant entre 300 et 500 personnes a également pu se dérouler dans le calme. Cette fois, les syndicats ne sont pas à la manœuvre, l’appel émane des pages Facebook de Nantes Révoltée et de gilets jaunes. En ce premier jour de déconfinement, l’hôpital public pourrait bien être devenu le nouveau centre névralgique de la politique.