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SOURCE : La vie des idées
La vaccinologie a considérablement progressé dans les vingt dernières années. Concernant Covid-19, quelles sont les perspectives ? Plus de cent projets sont en cours. Pour le dernier épisode de sa chronique, Ph. Sansonetti en dégage quatre catégories principales.
« Ce n’est pas le chemin qui est difficile, mais le difficile qui est le chemin »
– Sören Kierkegaard, Crainte et Tremblement (1843)
Covid-19 nous ramène-t-il à la situation à laquelle avait dû faire face l’humanité à l’occasion de la pandémie de grippe espagnole ? la réponse est clairement NON, car la science a produit en un siècle une série de révolutions – dont la révolution moléculaire – offrant enfin les outils d’une lutte efficace contre les épidémies.
Au-delà de cette affirmation un peu hagiographique, les faits sont là, le « temps scientifique » a été effectivement raccourci au cours des émergences récentes et cette tendance ne peut que s’accentuer à l’occasion de Covid-19. Le défi est cependant d’une autre dimension car l’objectif est la prévention vaccinale – voire l’élimination – d’une infection virale émergente à haut taux de reproduction (R0). Covid-19, comme une grippe pandémique, affiche un R0=3 du fait de la transmission extrêmement efficace du virus par la projection des sécrétions naso-pharyngées. Rappelons que ces R0 élevés mettent une pression supplémentaire sur les performances attendues de ces vaccins et sur le taux de vaccination nécessaire de la population pour assurer une immunité collective au-delà des protections individuelles. La simple équation Taux de vaccination nécessaire pour obtenir une immunité collective = 1-1/R0 nous donne 70 % pour grippe pandémique et Covid-19 et 95 % pour la rougeole dont le R0 se situe entre 12 et 18… La barre est haute.
Essayons d’analyser ce que le progrès scientifique et les connaissances préexistantes sur les maladies à Beta-Coronavirus, acquises à l’occasion des épidémies de SRAS et de MERS, peuvent apporter pour réduire le « temps scientifique » nécessaire au développement des moyens de contrôle de Covid-19.
Le diagnostic d’abord
Grâce aux techniques récentes de séquençage de nouvelle génération et à l’analyse bioinformatique de ces données, l’identification sans biais de la séquence nucléotidique d’un nouveau pathogène, particulièrement un virus, est d’emblée possible. Une nouvelle science est née : le « pathogen », c’est-à-dire l’identification d’un pathogène totalement nouveau, sur la base de la détection d’une séquence nucléotidique étrangère signant la présence d’un organisme étranger chez le sujet testé. Le Beta-coronavirus présent dans les échantillons pathologiques des patients atteints d’une pneumonie atypique a ainsi pu ainsi être identifié en quelques jours, suivie de la culture du virus dans des conditions déjà établies à l’occasion des épidémies de SRAS en 2003 et MERS en 2012. Sur ces bases, il fut aussi rapidement possible, à partir de séquences spécifiques de ce nouveau virus SARS-CoV2, de mettre au point et valider en quelques semaines des techniques de qRT-PCR* permettant un diagnostic rapide et même une quantification de la présence du virus dans le naso-pharynx des patients et des porteurs asymptomatiques. Il fut donc possible en quelques semaines, pour les pays qui s’en donnèrent les moyens, d’entreprendre des campagnes de diagnostic dans le but d’identifier les sujets contaminés, de les isoler et de maintenir un contrôle efficace de l’extension de la pandémie dans leurs régions respectives. Nous avons précédemment envisagé le rôle essentiel du diagnostic dans le contrôle des épidémies.
La thérapeutique ensuite
Nous bénéficions d’un référentiel thérapeutique qui peut permettre de créer une situation d’attente favorable comme ce fut le cas pour le traitement de l’hépatite C, en attendant les DAA, les médicaments spécifiquement et hautement actifs sur le virus ciblé.
La pharmacopée des antiviraux s’est considérablement enrichie grâce à la recherche thérapeutique amenant un traitement efficace de l’infection VIH et du HCV. Plusieurs mécanismes clés de la biologie de ces virus sont partagés avec les coronavirus, leur offrant des cibles possibles, même si elles restent imparfaites. C’est le cas des protéases virales. De nombreuses études contrôlées de repositionnement de ces molécules antivirales sont en cours à échelons nationaux et internationaux. Il est urgent d’attendre les résultats de ces études qui pourront seules apporter ou non l’évidence d’une activité antivirale, même partielle, élargie à SARS-CoV2. Les controverses sur l’hydroxychloroquine et autre azithromycine ne font que semer la confusion et gêner la réalisation et l’interprétation des études sérieusement menées. Les différents interférons portent aussi un potentiel générique d’activité antivirale. Il faudra de toutes façons envisager des associations, car l’utilisation d’une molécule unique amènerait rapidement à la sélection de clones viraux résistants et ne serait sans doute pas suffisamment efficace. Ces cocktails de molécules repositionnées à activité antivirale, même si, contrairement à des DAA, ils n’éradiqueraient pas le virus d’un patient, pourraient néanmoins diminuer très significativement la charge virale. On en attendrait alors un triple avantage :
Une réduction de la charge virale individuelle réduisant le risque de progression vers des formes graves marquées par la survenue de syndromes de détresse respiratoire aiguë qui sont le spectre de cette maladie, avec ses conséquences individuelles rendant nécessaire la réanimation avec risque mortel élevé du fait de l’accumulation de défaillances d’organes associée à la défaillance respiratoire. Mais aussi ses conséquences collectives de saturation des capacités médicales et de contamination large des personnels de santé. Au fond, si l’on pouvait faire de Covid-19 une maladie sans nécessité de réanimation, elle perdrait ce caractère dramatique, individuel et collectif qui nous a amenés à nous « terrer » pendant deux mois et à mettre en danger notre santé mentale, nos équilibres sociaux déjà fragiles et notre économie. À ces cocktails antiviraux, il faudra sans doute ajouter des traitements prévenant précocement la survenue de « l’orage cytokinique » et certaines autres complications associées comme l’état d’hypercoagulabilité lié à l’altération virale des vaisseaux sanguins, responsables de la destruction de la barrière alvéolo-capillaire pulmonaire qui assure la diffusion de l’oxygène vers le sang. De nombreuses études cliniques en cours à l’échelle internationale traduisent la richesse en nouvelles molécules susceptibles d’atténuer la gravité de Covid-19 et de le ramener à une forme médicalement et sociologiquement plus tolérable. L’utilisation d’immunoglobulines humaines ou humanisées pourraient aussi faire partie de cet arsenal.
Une réduction de la charge virale, même partielle, pourrait aussi permettre de rétablir l’équilibre de la réponse immunitaire contre un virus qui a une forte capacité de réduction des réponses cellulaires antivirales, depuis la production d’interférons de type 1 jusqu’aux réponses lymphocytaires toxiques pour les cellules infectées par SARS-CoV2.
Enfin, comme déjà mentionné, l’utilisation large de ces cocktails antiviraux devrait contribuer à réduire globalement la circulation virale dans la population, apportant un soutien efficace aux mesures de préventions qui devront être maintenues en parallèle dans des populations qui sont bien loin de l’immunité collective en dépit des coûts exorbitants déjà subis. Il n’est pas question ici de divination, de boule de cristal, mais ce type de cocktails de molécules repositionnées pourrait se mettre en place en fonction des résultats des études cliniques dans les mois à venir. Il faut introduire dans notre nouveau logiciel un paramètre de relativité, d’addition d’effets partiels, en attendant la relève par les DAA dont on ne peut anticiper la date de mise au point et de disponibilité. La recherche académique et industrielle sont engagées à fond sur ces pistes et le coronavirus offre de nombreuses cibles possibles pour des inhibiteurs à identifier. Les progrès de la génomique, du criblage à haut débit, de la modélisation de la structure des cibles et de leurs molécules antagonistes devraient accélérer les délais jusqu’à présents très longs comme nous l’avons vu pour le VIH et l’HCV.
Le vaccin, enfin
Nous bénéficions d’un référentiel vaccinal grâce aux travaux considérables déjà engagés à la suite des deux émergences antérieures de Coronavirus : SRAS et MERS, même si aucun vaccin n’avait atteint le stade de mise sur le marché. Nous disposons néanmoins d’une quantité considérable d’informations obtenues dans des modèles animaux et dans des études cliniques chez l’homme qui ont rarement dépassé les phases I et II. Nous ne partons donc pas de zéro, c’est un atout majeur. Ces réserves doivent être tempérées par le fait que des expériences récentes pratiquées en Chine chez le singe macaque ont montré une bonne protection des animaux ayant développé la maladie suite à une inoculation intranasale de SARS-CoV2, mais comme mentionné dans le chapitre sur les sérologies, les singes ne disent pas toujours la vérité… Tout vaccin devra donc faire mieux que la maladie naturelle. C’est la première exigence du cahier des charges, et elle est de taille.
La seconde exigence est la rapidité de la mise au point, autre défi…
On peut cependant compter sur le fait que la vaccinologie fondamentale a considérablement progressé ces vingt dernières années, principalement sur quatre fronts :
La diversification des adjuvants qui gagnent en efficacité, mais aussi en capacité d’orientation de la réponse immunitaire du sujet vacciné vers un profil protecteur optimal. Par exemple un renforcement des réponses cellulaires dans le cas d’un vaccin contre une infection virale.
L’émergence de la vaccinologie génomique et structurale permettant d’identifier directement, avec plus de rapidité et d’efficacité et de mieux caractériser les antigènes protecteurs dans leur conformation naturelle, donc les composants à venir du vaccin, y compris les plus conservés, grâce à la comparaison des génomes de multiples souches du même pathogène.
L’identification indirecte des antigènes protecteurs par l’interrogation des cellules mémoire de l’immunité. Il est maintenant possible d’immortaliser les lymphocytes B mémoire chez des sujets convalescents d’une maladie infectieuse. Ces cellules instruites lors de la première infection sont réactivées en cas de réinfection. Certaines produisent des anticorps protecteurs se liant à des antigènes dont l’identification fournit des candidats à la constitution d’un vaccin, par exemple contre un virus émergent. Ce processus d’identification peut être réalisé en moins de six mois.
La diversification de la nature moléculaire des vaccins et de leurs modalités d’administration.
La gamme d’approches vaccinales s’est considérablement élargie, y compris depuis vingt ans vers des techniques nouvelles comme l’administration d’acides nucléiques introduits dans des cellules prélevées puis réinjectées chez l’hôte ou directement injectés : vaccins ADN, vaccins mARN (ARN messager) contenant les séquences génétiques codant pour les antigènes protecteurs. C’est le sujet vacciné qui fabrique son propre vaccin ! La vaccination ARN est particulièrement en vue contre SARS-CoV2, car le virus étant à brin ARN positif, les séquences virales utilisées seront directement traduites chez les sujets vaccinés. Il convient néanmoins de souligner que si ces vaccins ont eu des succès dans des modèles animaux, ils n’ont pas encore fait leurs preuves chez l’homme. Nous reverrons les autres méthodes plus classiques.
Les études vaccinales sur SARS-CoV1 et MERS-CoV ont montré une efficacité limitée dans les modèles animaux et une immunogénicité faible dans les études de phase 1 des vaccins inactivés, à base de virus tués, sur le modèle du vaccin contre la grippe. Elles ont aussi montré un risque d’effets secondaires liés à l’induction d’anticorps facilitants pouvant entraîner le développement d’une forme clinique grave de la maladie en cas de contact des sujets vaccinés avec SARS-CoV1.
Par ailleurs, compte tenu des incertitudes persistantes sur la biologie des Beta-Coronavirus, en particulier leurs propriétés immunosuppressives et leur capacité de produire des réponses auto-immunes, il n’est pas question de tenter de développer des souches de Beta-Coronavirus de virulence atténuée comme c’est le cas pour les vaccins rougeole-oreillons-rubéole. Trop rapidement générées et sans recul suffisant, ces souches atténuées pourraient réverser vers la virulence.
Ces études ont par contre permis d’identifier la protéine S formant les structures en spicules à la surface du virus comme l’antigène viral de choix pour stimuler une réponse protectrice.
La protéine S assure la liaison de SARS-CoV1 à son récepteur cellulaire ACE2 et de MERS-CoV à son récepteur cellulaire, la dipeptidyl-peptidase CD24. Elle assure aussi le processus de fusion membranaire permettant l’internalisation du virus dans la cellule à laquelle il s’est lié.
La protéine S est donc, à ce stade, considérée comme la protéine pivot dans la conception d’un vaccin contre SARS-CoV2 du fait de son rôle essentiel dans deux étapes clés de l’invasion cellulaire contre le virus, d’autant que les études préliminaires confirment son immunogénicité.
Une course de vitesse d’une ampleur inégalée a débuté pour la mise au point d’un vaccin anti-SARS-CoV2. Le nombre de projets et la diversité des approches donnent le vertige. Plus de 100 projets en cours. L’OMS en tient à jour le catalogue.
Pour simplifier, quatre grands types de vaccins sont en cours de développement, le plus souvent encore au stade d’étude expérimentale chez l’animal, souris puis singe ; certains ayant d’ores et déjà atteint le stade d’études de phase 1 chez l’homme ou étant programmés pour un début à très court terme. Le problème pour le public est qu’il existe un fossé entre les déclarations tonitruantes des institutions et firmes développant ces programmes et la réalité des résultats une fois analysés lorsque les données des études sont publiées. La guerre des communiqués n’est pas chose nouvelle…
Voici un petit lexique hyperbolique pour lire ces communiqués entre les lignes quand il s’agit de qualifier les performances d’un candidat vaccin :
« encouraging » : quelques signaux positifs, mais n’ira pas plus loin.
« promising » : il y a quelque chose, mais le succès nécessiterait des modifications telles qu’il sera difficile de rester dans la course.
« outstanding » : ça commence à sentir bon…
« groundbreaking » : là on y est, c’est la bonne voie !
1re catégorie : malgré les inquiétudes générées par les études sur SARS-CoV1, des projets concernent des vaccins tués qui, sous réserve d’un bon adjuvant, provoquent chez le singe macaque une solide réponse anticorps, ces derniers apparaissant plutôt neutralisants que facilitants et le challenge nasal des animaux immunisés par SARS-CoV2 montrent une immunité stérilisante au niveau des muqueuses respiratoires infectées et une absence de signes cliniques significatifs chez les animaux vaccinés, sans survenue d’effets aggravant d’une éventuelle facilitation. Une équipe chinoise et une équipe occidentale partagent des résultats similaires et les phases 1 sont en cours, mais il faudra être très attentifs à la présence d’anticorps facilitant et d’effets immunopathologiques chez l’homme qui, comme on le sait, diffère du singe. À suivre en tout cas…
2e catégorie : Des vaccins mARN, comme décrit plus tôt, basés sur le segment d’ARN viral codant tout ou partie de la protéine S. Ils sont de réalisation relativement facile, mais les premières études de phase I montrent une faible immunogénicité avec seulement 50 % de séroconversion lors d’une première dose. C’est peu étonnant lorsque l’on sait que ce type de vaccin semble efficace chez l’animal mais faiblement immunogène chez l’homme. Plusieurs doses seraient donc nécessaires, ce qui ne facilite pas la tâche. Cela n’a pas empêché l’action de la firme de grimper de 20 % au NASDAQ. Les traders de Wall Street devraient lire notre petit lexique hyperbolique…
3e catégorie : Des vaccins sous-unités contenant toute ou partie de la protéine S seule ou sous forme de « virus-like particles (VLP) » comme le vaccin contre les virus oncogènes HPV. Ces vaccins devront contenir un adjuvant afin d’optimiser quantitativement et qualitativement leur immunogénicité et donc de répondre au mieux des nécessités d’une réponse antivirale protectrice. D’autres composants pourraient être ajoutés à terme, comme tout ou partie de la protéine N de nucléocapside très immunogène, mais malheureusement peu accessible aux anticorps, ou tout nouvel antigène protecteur identifié par les méthodes génomiques et structurales ou les approches d’immortalisation des lymphocytes B mémoire décrites ci-dessus.
4e catégorie : Des vaccins vivants recombinants exprimant toute ou partie de la protéine S dans un virus non pathogène chez l’homme comme le virus murin de la stomatite vésiculeuse utilisé pour le vaccin Ebola VSV–EBOV.
À noter néanmoins qu’un vaccin utilisant comme vecteur un adénovirus de chimpanzé (ChimpAd), ne se répliquant pas chez l’homme, n’a pas induit d’immunité stérilisante après une injection dans une étude réalisée chez des singes macaques. Une large phase I/II est néanmoins en cours au Royaume Uni.
Un autre vaccin recombinant utilisant la souche de vaccin rougeole qui se réplique chez l’homme est développé par Nicolas Escriou et Frédéric Tangy à l’Institut Pasteur. On attend de cette réplication de la souche vaccinale une plus forte immunogénicité. L’entrée en étude de phase I de ce candidat vaccin est prévue pour juillet 2020. La préparation industrielle validée du vaccin rougeole devrait faciliter sa production. L’expression dans une souche virale vivante aurait la capacité d’équilibrer la réponse humorale et cellulaire au mieux des nécessités d’une réponse protectrice.
Il serait bon, enfin, de réfléchir au développement d’un vaccin muqueux administré au niveau nasal comme le vaccin vivant atténué antigrippal.
Quoi qu’il en soit, il faudra vite se poser la question de la faisabilité d’une production de masse des vaccins candidats qui sortiront vainqueurs de cette compétition sans merci.
Ces progrès permettront, quoi qu’il arrive, d’envisager un raccourcissement important du « temps scientifique », celui de la découverte et de la mise au point d’un nouveau vaccin. Joint au raccourcissement des étapes de l’évaluation clinique et de l’enregistrement du produit et à la mise en place précoce de structures de production dédiées, le paradigme de développement d’un vaccin contre un pathogène émergent doit permettre un raccourcissement considérable de la durée totale de mise à disposition du vaccin de sa conception à sa production.
Restent les indications de tels vaccins.
Ce paradigme de développement rapide d’un vaccin contre une pandémie émergente a cependant des exigences : une vision, une planification et une coordination implacable des différentes composantes et étapes et en corollaire, des investissements financiers colossaux qui, dans la prise de risque, affolent même l’industrie du vaccin. Ceci nécessite de nouveaux modèles de financement impliquant états, Fondations et Institutions supranationales (Banque Mondiale, BCE), afin de sécuriser l’ensemble de la chaîne de développement, y compris les marchés et assurer à l’issue la disponibilité du vaccin pour tous, nantis et déshérités. C’est un changement d’échelle pour l’industrie du médicament et la maîtrise des coûts induits par la dimension des investissements nécessaires sera à n’en pas douter le sujet de demain. On entend dès maintenant s’élever des controverses sur ce sujet éminemment sensible.
Il y aura un vaccin contre Covid-19. Sans doute plusieurs. Quelles en seront les indications ?
On peut prévoir que la mise à disposition sera progressive. Ils devront donc logiquement être dans un premier temps réservés aux populations qui sont d’emblée apparues particulièrement sensibles et exposées à la maladie : personnes âgées, personnes présentant des comorbidités, personnels de santé, personnels en contact avec le public. Devront aussi être privilégiées les personnes en état de précarité sociale ou psychologique, psychiatrique ayant des difficultés à appliquer les mesures barrières. Plus Covid-19 se prolongera, plus la maladie se concentrera sur les populations en situation de précarité, au Sud comme au Nord. Se posera aussi le problème de la vaccination en priorité des jeunes enfants, même s’ils s’avèrent ne pas être le réservoir de SARS-CoV2 contrairement à ce qui fut déclaré en début d’épidémie, en référence à la grippe.
Quoi qu’il en soit, ce vaccin aura à terme vocation à être universel avec un taux élevé de couverture pour atteindre le niveau d’immunité collective que le taux d’attaque global relativement faible de la maladie n’aura pas produit.
Tous les pays, toutes les populations devront pouvoir bénéficier du/des vaccin(s) disponibles afin d’éviter la constitution de poches de non-protection empêchant le maintien stable de l’arrêt de la circulation virale, en un mot le maintien efficace et durable de Covid-19 sous son seuil épidémique, seul garant de l’élimination durable de la maladie. Du fait de la transmission aérienne très efficace de Covid-19 et du pourcentage important de patients pauci-symptomatiques, un scénario probable serait celui de la rougeole, où la combinaison de poches de non-vaccination et d’un taux de couverture vaccinale inférieur à celui requis pour maintenir une immunité collective entraîne une situation instable, marquée par la survenue régulière de pics épidémiques. Au-delà du maintien sous le seuil épidémique, la vaccination serait-elle en mesure d’obtenir l’éradication du virus, comme dans le cas de la variole ? C’est peu probable. L’éradication de la variole a été obtenue grâce à trois paramètres : un vaccin très efficace, une maladie ne donnant pas lieu à des formes asymptomatiques et une absence de réservoir animal du virus. Il est clair que nous ne sommes pas dans cette situation avec Covid-19. Mais qui aujourd’hui ne se contenterait pas de l’élimination de la maladie ?
Deux éléments pourraient remettre en cause l’exigence vitale, donc l’acceptabilité de ces vaccins. Que des traitements très efficaces (DAA) éliminent efficacement le risque de formes graves de Covid-19, ou qu’un miracle essentiellement climatologique réduise, voire anéantisse le risque infectieux. Le « génie évolutif des maladies infectieuses » cher à Charles Nicolle. On aimerait croire le maître.
Une remarque finale néanmoins, nous vivons la troisième zoonose à Beta-Coronavirus marquée par une pneumonie dramatique en moins de vingt ans. Cette répétition macabre illustre la facilité avec laquelle ces virus circulent d’espèce à espèce chez les mammifères depuis la chauve-souris jusqu’à l’homme. La vraie prévention serait d’assurer le contrôle des causes écologiques, zoologiques, anthropologiques et commerciales suscitant ces événements et de renforcer dans les pays à risque la culture d’une alerte immédiate et les moyens d’une réponse rapide et adaptée. On ne peut pas tout demander à la science…