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SOURCE : Les Echos
Les entreprises françaises ont continué à s’endetter après 2008. Ce phénomène s’explique par la faible rentabilité des entreprises et leur volonté de disposer d’un matelas de cash de précaution. Mais surtout, les multinationales, nombreuses en France, s’endettent pour financer des acquisitions à l’étranger.
Il y a bien une spécificité française depuis 2008 et elle ne concerne pas seulement la dette publique. Alors que la faillite de Lehman Brothers et ses conséquences dramatiques ont poussé les entreprises de la plupart des pays développés à se désendetter, ce n’est pas le cas des entreprises françaises. Selon la Banque de France, la dette des sociétés non financières de l’Hexagonereprésentait 73,5 % du PIB du pays à la fin de l’année, contre 55 % en 2008. C’est plus que les entreprises italiennes, espagnoles, allemandes et près de 13 points de PIB de plus que la moyenne de la zone euro.
Comment expliquer ce phénomène ? D’abord, les entreprises françaises ont fait des reserves de cash ces dernières années. Ainsi, si l’on rapporte la dette nette, c’est à dire la dette dont on retranche les dépôts bancaires et les placement mobilisables à court terme, alors le taux d’endettement des entreprises françaises est moins élevé et l’augmentation par rapport aux sociétés des autres pays européens est aussi moindre. En clair, « les entreprises se sont endettées pour accumuler des liquidités et titres de court-terme», expliquent la Banque de France dans une étude publiée mardi. « Après la crise de 2008, les entreprises ont vu l’accès aux marchés financiers se fermer très vite. Elles ont donc décidé de mettre de l’argent de côté par précaution, une sorte de matelas de sécurité », selon Patrick Artus, chef-économiste de Natixis. «Net des liquidités et plus largement des actifs détenus, le taux d’endettement apparaît ainsi relativement contenu au sein des entreprises françaises», estimait l’Insee il y a deux ans.
Capacité d’auto-financement inférieure à 100%
Ensuite, la rentabilité des entreprises françaises est plutôt faible par rapport à celles des autres pays. Or, elles continuent à investir beaucoup. Leur taux d’investissement est en constante augmentation depuis 2009. Conséquence, leur capacité d’auto-financement est inférieure à 100% . Elles manquent donc de fonds propres et ont besoin de s’endetter pour financer leurs investissements. Et, pour l’instant, elles le font assez aisément car les banques ont continué à prêter à leurs clients. Ce qui a aussi permis aux entreprises françaises de profiter des taux bas pour optimiser leur coût de financement.
La présence importante de multinationales
Enfin, avec ce matelas de cash à moindre coût, « les entreprises veulent aussi avoir une somme mobilisable très vite pour saisir toute opportunité d’acquisition », selon Patrick Artus. Il s’agit là surtout des grandes entreprises. Et c’est peut-être là précisément que se trouve la spécificité française. La France compte beaucoup de multinationales. L’Hexagone est le quatrième pays de la planète par le nombre d’entreprises figurant dans le classement Fortune 500 qui regroupe les 500 plus grosses entreprises du monde, devant l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suisse.
Cette caractéristique ne facilite pas la compréhension du problème de l’endettement des entreprises car elle implique une façon particulière de fonctionnement. « Certaines grandes entreprises internationales peuvent s’endetter au niveau de leur tête de groupe pour ensuite redistribuer les fonds à leurs filiales étrangères et financer ainsi des activités à l’étranger », remarque la Banque de France. Rapporter cette dette au PIB peut donc induire en erreur puisque le PIB ne prend pas en compte le rendement des actifs des multinationales françaises, ces derniers se trouvant à l’étranger. Il existe toutefois un risque : que les entreprises sur-paient des acquisitions à l’étranger. En cas de crise, la valeur de ces actifs pourrait bien dégringoler et précipiter les entreprises françaises dans des difficultés financières.
Reste qu’avec le Covid-19, l’endettement des entreprises va grimper pour pallier l’absence momentanée de chiffre d’affaires. Les crédits aux grands groupes se sont envolés de 13,5% sur un an en avril et de de 9% pour. Or, les entreprises n’auront aucun actif à mettre face à cette hausse de la dette. Le besoin de fonds propres des entreprises françaises, déjà fort avant le Covid-19, n’en sera que plus urgent.
Guillaume de Calignon