AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : Regards
Après être passé en force fin 2019, le gouvernement entend bien terminer sa réforme de l’assurance chômage. Mais les résistances sont nombreuses.
Ahcène Azem est membre fondateur du Collectif des Précaires de l’Hôtellerie, Restauration et Événementiel. Le CPHRE a été créé au début de la crise sanitaire pour porter la parole des personnes qui, vivant dans l’intermittence de l’emploi, n’ont reçu aucune aide de l’État.
Regards. Il y a quelques jours, vous avez publié un manifeste intitulé « Pour une nouvelle réforme de l’assurance chômage ». Parmi les 150 premiers signataires, on distingue toutes les forces de gauche : des socialistes, des insoumis, des communistes, des écologistes, Génération.s, la CGT, Solidaires, Attac, les Économistes atterrés, etc. Ils sont élus, syndicalistes, intellectuels, artistes ou encore membres de la société civile. Expliquez-nous ce qui ne va pas avec la réforme de l’assurance chômage portée par le gouvernement et quelle serait une bonne réforme ?
Ahcène Azem. Notre manifeste est établi sur deux études solides, celle de l’Unédic et celle du sociologue Mathieu Grégoire. Toutes deux disent la même chose : cette réforme de l’assurance chômage est une catastrophe sociale. Le premier volet de la réforme a été mis en application en novembre 2019 par le gouvernement sans l’accord des partenaires sociaux – ils sont passés en force – avec pour principal effet de durcir les critères d’accès à l’assurance chômage. Depuis, plus de 20.000 personnes n’y ont plus accès. En contrepartie, Muriel Pénicaud se targue d’avoir amélioré les choses pour les démissionnaires et les indépendants. Pour l’heure, il n’y a que 600 démissionnaires et 200 indépendants qui en ont profité, par rapport aux dizaines de milliers qu’on jette dehors… Le deuxième volet de la réforme est encore plus dramatique. On touche au calcul de l’indemnité journalière. Les intermittents de l’emploi vont se retrouver en deçà du RSA, c’est catastrophique. C’est pour cela qu’on demande purement et simplement l’annulation de cette réforme mortifère, une année blanche à tous les intermittents de l’emploi ainsi que la création d’une annexe de l’assurance chômage (comme c’est le cas pour nos amis du monde du spectacle) et, pour finir, un moratoire sur l’assurance chômage. Il faut réunir les experts les plus compétents sur ce sujet pour en discuter avec eux et permettre une réforme qui mettra l’humain au cœur du projet, et non pas un tableur Excel.
Ce mardi 23 juin, vous organisiez une « marche funèbre » allant de l’Assemblée nationale à la place de la Concorde. Pourquoi une telle mise en scène ?
Si aujourd’hui nous avons manifesté avec un cercueil, sur la Marche funèbre de Chopin, c’est pour mettre en scène notre mort sociale, programmée par le gouvernement.
Quel a été l’impact de la crise du coronavirus pour vos secteurs d’activité ?
Le Covid-19 a été catastrophique. On a été les premiers à s’arrêter et on sera les derniers à reprendre. À La mi-février, tous ceux qui travaillent dans l’hôtellerie-restauration ou l’événementiel ont vu leurs contrats – bien souvent journaliers – annulés du jour au lendemain. Les hôtels, les restaurants, les grands événements culturels et sportifs ne vont reprendre qu’au mois de septembre. Déjà que les salariés en CDI vont rester à temps partiel un moment, nous intermittents, nous n’auront pas notre place. L’horizon est sombre, au moins jusqu’au printemps prochain.
« Il y a deux millions de personnes qui sont à la marge de la société, qui se considèrent comme des sous-citoyens parce que l’État, dont la mission principal est de protéger, n’a rien fait pour eux. »
Comment qualifieriez-vous l’action des pouvoirs publics face à cette crise ?
Méprisante. Il n’y a rien eu nous concernant, absolument rien. Ils ont pris en charge le chômage partiel – ce qui est très bien –, ils ont sauvé des entreprises. Mais il y a deux millions de personnes qui sont à la marge de la société, qui se considèrent comme des sous-citoyens parce que l’État, dont la mission principal est de protéger, n’a rien fait pour eux.
Quelle suite comptez-vous donner à votre mobilisation ?
On va continuer le combat, essayer de sensibiliser un maximum de personnes, de faire en sorte que les partenaires sociaux mettent sur la table des négociations nos revendications. On va prochainement entrer dans la politique politicienne, en faisant comprendre au gouvernement que ces deux millions de personnes précaires, ce sont deux millions d’électeurs. Je ne sais pas si c’est une bonne stratégie, mais on va utiliser tous les leviers en notre possession pour se faire entendre.
Propos recueillis par Loïc Le Clerc