Municipales : avant le second tour

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SOURCE : Regards

Dimanche soir, tous les yeux seront rivés sur les métropoles et leurs possibles basculements. Il ne faudra pourtant pas oublier les données globales du premier tour, qui donnent une image intéressante du paysage politique actuel.

État des lieux d’ensemble

1. Un peu plus de 30.000 communes métropolitaines (80% du total) ont élu leur équipe municipale dès le premier tour. Elles regroupent 40 millions d’habitants ; 25 autres millions attendent leurs administrateurs. Seules 5 villes de plus de 100.000 habitants (Reims, Toulon, Angers, Boulogne-Billancourt, Montreuil, Caen) ont constitué des majorités municipales. En revanche, plus de 60% des communes pourvues au premier tour ont moins de 1000 habitants.

2. On a noté l’importance exceptionnelle de l’abstention (58,1%). Il est vrai qu’elle augmente de façon continue depuis 1989, où elle se situait à 27%. Si l’on tient compte de ce que l’abstention s’annonçait plus importante, on peut donc estimer autour de 15% le surcroît d’abstentionnistes liés à la pandémie. Il est maximal dans la tranche de 1000 à 10.000 habitants ; il est le plus faible dans les petites communes.

Le Covid-19 a-t-il eu un effet sur les choix ? C’est peu vraisemblable, la distribution des abstentionnistes étant à peu près la même quelle que soit l’étiquette des équipes sortantes. On pourra tout au plus faire l’hypothèse qu’elle a renforcé le phénomène de prime aux sortants, que les sondages laissaient entrevoir bien avant le confinement.

3. Les équipes sortantes ont été largement reconduites. C’est le cas pour 50% des communes de plus de 10.000 habitants. Les écarts entre forces politiques sont de ce point de vue limités, à l’exception du Rassemblement national qui regagne la quasi-totalité des mairies acquises en 2014.

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4. Les rapports des forces politiques ne sont pas faciles à décrire. En règle générale, les élections municipales sont dominées par les listes non estampillées (36,5% du total en 2014) ou enregistrées sous l’étiquette « divers droite » ou « divers gauche » (45,6% en 2014). Cette année, le phénomène a été amplifié par la décision de ne pas communiquer d’étiquette politique pour les communes de moins de 3500 habitants (31.000 communes). Les données politiques ne portent donc que sur environ 3200 communes métropolitaines. Sur ces communes, les résultats sont les suivants :

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Le total des « divers centre », « divers droite » et « divers gauche » reste à 55%. Au total, la droite (incluant les 2,2% de LREM) reste majoritaire, tandis que la gauche sen tient à un peu plus d’un tiers des suffrages exprimés.

D’autres statistiques confirment ce constat et même l’amplifient. Laurent de Boissieu a par exemple proposé une estimation des sièges attribués à l’issue du premier tour. La gauche en obtient un peu plus de 30% et la droite près de 55%.

Quant aux maires élus dès le mois de mai, ils donnent le même ordre de grandeur (31% pour la gauche, 56% pour la droite).

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Les grandes villes (plus de 100.000 habitants) donnent une image un peu différente.

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La droite et la gauche y font presque jeu égal, grâce à la résistance du vote socialiste (surtout à Paris) et à la percée des Verts d’un côté, à cause de l’échec de LREM de l’autre côté.

Les forces politiques

1. Globalement, la séquence électorale de 2017 annonçait la fin du « vieux monde » et la dilution du clivage droite-gauche, contesté des deux côtés de l’axe traditionnel des comportements politiques. Or le premier tour des municipales, sur fond de stabilité globale des équilibres locaux, n’a pas confirmé la bonne tenue des forces émergentes de 2017.

2. Faute de structure solide sur le plan local, affaiblie par la mauvaise image globale de l’exécutif, LREM n’a pas réussi l’examen de passage municipal. Si elle fait un peu mieux dans les métropoles (4,2% contre 2,2%), elle ne perce nulle part et ne dépasse les 20 % qu’à Aix-en-Provence et Orléans. Elle est ainsi vouée à jouer le rôle d’appoint au second tour, à droite dans l’immense majorité des cas.

3. Le Rassemblement national a globalement raté l’élection de 2020, qui a bénéficié avant tout aux sortants. Il est vrai qu’il a d’ores et déjà récupéré les communes qu’il administrait et qu’il y a même renforcé ses positions. A la différence des autres élections, notamment présidentielle et européennes, il a même obtenu des scores meilleurs dans les aires métropolitaines, mais en restant très loin de ses résultats antérieurs. Localement, il souffre d’une moindre présence organisationnelle : dans les communes de plus de 10 000 habitants, il présentait 262 listes contre 369 en 2014.

4. La droite, forte de son implantation notabiliaire locale, a bien tiré son épingle du jeu, bien mieux que sa concurrente d’extrême droite. Au premier tour, la droite classique a recueilli près de la moitié des sièges de conseillers élus dans les communes de plus de 3500 habitants. Les Républicains en obtiennent à eux seuls un cinquième de plus que le total estampillé du PS et du PC. Mais la perte possible de grandes villes risque de ternir le résultat global à l’issue du second tour.

5. En 2017, la France insoumise affichait de grandes ambitions municipales, au cœur d’un espace métropolitain où Jean-Luc Mélenchon s’était imposé à deux reprises, en 2012 et 2017. Au fil des mois, LFI avait revu à la baisse ses ambitions, préférant s’insérer dans des rassemblements à gauche de configurations bien différentes. A l’arrivée, là où elle est présente, LFI ne dépasse les 10% qu’à Saint-Denis et à Clermont-Ferrand.

6. Compte tenu de leurs insuccès précédents, le PS et le PC s’en sortent avec les honneurs. Le PS est tiré en avant par le bon résultat des listes Hidalgo à Paris et se trouve à la tête de la gauche dans de nombreuses situations de second tour.

Quant au PC, il devrait effacer le souvenir des élections de 2014, les plus mauvaises pour lui depuis 1983. À l’issue du premier tour, il a d’ores et déjà récupéré près des trois quarts des 285 communes de plus de 1000 habitants et la moitié des plus de 10.000 qu’il administrait depuis 2014. Dans 80 cas, il l’a emporté sans liste concurrente face lui.

Le second tour s’avérera bien sûr décisif, avec la possibilité de pertes notables (Saint-Denis est retenue comme une des villes les plus menacées), mais aussi la possibilité de reconquêtes, comme à Bobigny, Bagnolet et Villejuif.

Pour la première fois depuis 2008, le PC peut donc passer le cap d’une élection avec un score égal ou supérieur au précédent.

7. Les écologistes sont incontestablement les grands bénéficiaires de l’élection, qu’ils soient seuls ou dans des configurations d’alliance, en général à gauche. Il est vrai que leur influence globale reste très modeste, mais ils ont réussi leur percée dans les villes-centres, s’imposant dans le cadre métropolitain (à l’exception de Montpellier, Nancy et Saint-Etienne). Les listes qu’ils conduisaient ont dépassé les 25% dans 8 villes de plus de 100.000 habitants et sont entre 15 et 20% dans cinq autres cas.

Ombres et lumières

Le second tour ne devrait pas effacer les données globales du premier. Le ministère de l’Intérieur a en effet publié les étiquettes des listes présentes dans les communes de plus de 3500 habitants et, pour la première fois, les nuances politiques des candidats dans les communes de plus de 1000 habitants. Or les deux fichiers donnent, sans surprise, des indications très proches des résultats du premier tour. Un tiers des listes présentes sont classées à gauche et un peu plus de la moitié se classent à droite. Quant aux nuances des 92.000 candidats présents au second tour, elles distinguent une gauche située un peu au-dessous des 30% et une droite qui approche les 45%.

Le vieux monde et le clivage droite-gauche devaient s’effacer. Or les forces traditionnelles ont une fois de plus montré la force de leur inscription locale. LFI, LREM et RN ont dû refréner leurs ambitions et les gilets jaunes n’ont pas trouvé de débouché électoral.

Quant au clivage droite-gauche, il fonctionne toujours, mais toujours en faveur de la droite. Sauf dans les grandes villes par les vertus de l’attrait exercé par les écologistes, la gauche reste dans une situation d’extrême faiblesse. Dans une élection confortant les sortants, elle a certes bénéficié de ses bases localisées. Mais même si Marseille, Lyon, Bordeaux ou Toulouse sont dans le collimateur de la gauche et des Verts, cela ne suffira pas à déplacer le curseur de façon décisive.

Le rapport des forces dessiné en 2017 ne s’est pas modifié en profondeur. Les élections européennes de l’an dernier et quelques sondages – dont le récent sondage présidentiel de l’IFOP – suggèrent même la possibilité d’une détérioration. Le premier tour de la présidentielle de 2017 présentait un paysage politique éclaté en quatre pôles d’ampleur à peu près égale. E. Macron récupérait l’héritage du social-libéralisme, J.-L. Mélenchon celui de la gauche traditionnelle, F. Fillon maintenait un noyau conséquent de la gauche classique et M. Le Pen affirmait le dynamisme d’une droite radicalisée.

Les européennes maintenaient la répartition quadripartite, mais en affaiblissant le pôle Mélenchon et le pôle Fillon. E. Macron a contre lui une image globalement négative, tout comme M. Le Pen. Mais, depuis 2017, les deux protagonistes ont plutôt conforté leur noyau, et dans les deux cas sur leur droite. Dans un paysage politique éclaté, dans une opinion tentée par le désengagement civique, la possibilité de s’appuyer sur un noyau conséquent suffit à assurer une présence au second tour de scrutin.

Pour l’instant, personne à gauche ou à droite n’est capable de mobiliser un noyau de même ampleur que ceux qui restent les protagonistes annoncés de 2022. Cela pose d’incontestables problèmes à la droite traditionnelle. Cela en pose de plus sérieux encore à une gauche qui ne décolle pas de la zone délicate de 20 à 30% éparpillés dans une poussière de courant.

À ce jour, ni l’union de la gauche d’hier ni le style populiste n’ont montré leur capacité à mobiliser une gauche mobilisée par la colère, souvent au bord du ressentiment, mais sans le projet que ni la critique de l’existant, ni la juxtaposition des propositions – les programmes – ne peuvent suffire à bâtir. La colère des Gilets jaunes ou la détermination salariale contre la réforme des retraites n’ont rien ébréché du face-à-face délétère – Macron versus Le Pen – que l’on nous annonce, non sans crédibilité.
Il n’y a plus beaucoup de temps pour se dégager de l’ornière.

 

Roger Martelli

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