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SOURCE : Cinémathèque
Les images de ce film, qui fut interdit en France et en Algérie, ont été réalisées au cœur du djebel mais aussi à Alger de la fin de l’été à décembre 1962. Algérie, année zérotémoigne des débuts de l’indépendance algérienne, quand la priorité est à la reconstruction du pays. Pour Bruno Muel, opérateur du film et ancien appelé, « participer à un film sur l’indépendance était une victoire sur l’horreur, le mensonge et l’absurde ». Sur les conseils de Joris Ivens, le montage est assuré en 1963 par Jean Aurel, qui trouve le rythme du film. Algérie, année zéro a reçu le Grand prix du festival de Leipzig en 1965.
Image : Bruno Muel / Montage : Jean Aurel / Commentaire : Maurice Garrel / Production : Argos Films
Film restauré et numérisé par la direction du Patrimoine du CNC. Remerciements à Béatrice de Pastre et Tamasa Distribution.
Il y avait comme une espèce de grande fête permanente à partir du cessez-le feu qui s’était traduit notamment par l’ouverture des prisons. Des centaines de prisonniers algériens s’étaient trouvés élargis, et des rencontres étaient enfin possibles. Le rendez-vous était fixé à Alger pour l’Indépendance et c’est donc à ce moment-là que je suis parti. Tout le monde rêvait. Il y avait vraiment un enthousiasme. Je me souviens, je suis allé là-bas fou de joie à l’idée de voir l’Algérie. C’est cet espèce de moment de grâce, que nous avons voulu filmer. Donc j’ai tourné quelques premières images. Marceline est arrivée, elle avait pu réunir les moyens financiers pour faire un vrai film, avec cette ambition-là. On était joyeux et plein d’espoir, mais cela n’a pas duré longtemps. Quand nous militions clandestinement et que l’on rendait service aux Algériens, je croyais qu’on faisait avancer les choses vers une Algérie non seulement démocratique, mais aussi progressiste. Les Algériens que l’on rencontrait en France étaient imprégnés de la culture ouvrière française dans ce qu’elle a de meilleur, dans ce qu’elle avait de plus progressiste. Ils étaient laïcs, certains qui avaient fait des études et avaient une culture marxiste, cette culture ouvrière. Pour nous, c’était eux le ferment de l’Algérie de demain et c’est à cela que l’on s’attendait. C’est ce que j’ai cru reconnaître quand je suis arrivé à Alger. Mais sous nos yeux, nous les avons vu se « faire avoir » au profit de l’armée, qui était porteuse, elle, des valeurs traditionnelles et ancestrales du pays. Et cela nous a complètement… sidérés. Je ne m’attendais pas du tout à cela, personnellement. J’avais une vision naïve de l’Algérie, je ne voyais qu’un seul aspect des choses, une surface, et en fait l’Algérie profonde ce n’était pas ça, en tout cas, les hommes qui ont réussi à prendre le pouvoir, ne correspondait pas du tout à la représentation que j’en avais à partir des relations nouées avec les Algériens en France.
Jean-Pierre Sergent
(Extrait d’un entretien avec Marceline Loridan et Jean-Pierre Sergent réalisé par Patrice Delavie et Béatrice de Pastre au printemps 2013)