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SOURCE : Squat.net
L’occupation pacifique de maisons inhabitées dans un acte de désobéissance sociale à un modèle injuste de distribution des richesses qui prive de plus en plus de personnes d’une vie digne. La demande de dépénalisation de ce type d’occupation est un pas de plus vers la justice sociale.
En août dernier, les médias nous ont bombardés de nouvelles alarmistes sur l’occupation croissante de maisons habitées, donnant de la pertinence à un phénomène jusqu’à présent minoritaire et amenant les voix les plus conservatrices et les plus réactionnaires à réclamer une prétendue « loi anti-occupation ». Sur les raisons de cette campagne, je recommande la lecture d’Emmanuel Rodriguez ; il ne tient qu’à moi de convaincre le lecteur que le seul débat légitime autour de cette question est, à l’heure actuelle, de demander la dépénalisation de l’occupation.
Le crime d’usurpation (occupation) consiste à prendre possession pacifiquement, sans violence ni intimidation, d’un bien inhabité sans le consentement du propriétaire et avec la volonté d’y vivre en permanence. Jusqu’en 1995, ce type d’occupation n’était pas un crime. Si quelqu’un occupait une propriété abandonnée pour y vivre, la-e propriétaire pouvait aller devant un tribunal civil et reprendre possession de sa propriété. L’occupant-e a été expulsé-e mais n’a fait l’objet d’aucune sanction ni d’aucun casier judiciaire. Cette voie civile de reprise de possession existe toujours, voire s’est améliorée depuis 2018, mais le délit d’empiètement demeure même s’il n’est pas nécessaire pour le propriétaire de récupérer la propriété. La criminalisation de l’occupation, ainsi que la réforme de la loi sur les baux urbains et la dépénalisation de l’usure, avaient pour objectif politique de faire de l’endettement hypothécaire la seule option sûre pour exercer le droit au logement.
Dans une société où les pouvoirs publics ne garantissent pas l’exercice du droit à un logement décent pour tous, et où le chômage et la pénurie de revenus sont structurels, la criminalisation de l’occupation pacifique d’un logement inhabité est un acte de cruauté envers les pauvres qui ne conduit qu’à la criminalisation de la pauvreté et à une plus grande exclusion sociale.
Afin d’aborder le débat sur la dépénalisation de l’occupation et d’enrayer les voix qui criminalisent de manière intéressante la pauvreté et alimentent la haine des pauvres, je pense qu’il est nécessaire de connaître certaines questions sur le crime d’occupation afin de comprendre pourquoi il n’est pas nécessaire qu’il existe.
1) Le crime d’occupation se produit lorsqu’une personne habite dans une propriété inhabitée que le propriétaire n’utilise jamais. Le crime d’occupation ne se produit pas sur une propriété considérée comme un logement, c’est-à-dire une maison habitée. La temporalité des habitants n’est pas définitive pour considérer ou non qu’il s’agit d’un logement. La résidence secondaire constitue un logement et ne peut donc pas faire l’objet d’une occupation pacifique, même si elle est vide pendant de longues périodes. Dans ce cas, l’entrée par effraction constituerait un délit, ce qui est prévu par le code pénal et dispose d’une procédure d’urgence pour l’expulsion des cambrioleurs. Pour éviter cette situation, il n’est pas nécessaire d’avoir le crime d’occupation, et encore moins une nouvelle « loi anti-occupation ».
2) Si le bien occupé, en plus d’être inhabité – il ne s’agit pas d’un logement, même sporadiquement – est abandonné, l’occupant ne doit pas être considéré comme ayant commis un crime. Une propriété abandonnée a complètement perdu sa fonction sociale. La jurisprudence a considéré qu’il y a des signes d’abandon dans des bâtiments délabrés, sans fermeture ni conditions de vie comme l’électricité et l’eau. Quiconque l’occupe peut être expulsé par des moyens civils, mais pas puni pénalement.
3) L’utilisation sporadique d’une propriété inhabitée n’est pas non plus considérée par la jurisprudence comme un crime d’occupation. L’exemple le plus courant est celui de la personne sans domicile fixe qui passe quelques nuits dans une maison inhabitée ou abandonnée. Le cas d’une personne qui visite régulièrement une propriété occupée sans vouloir y rester en tant que logement relèverait également de cette exception. Pour comprendre cette exception, il est nécessaire de préciser que le crime d’occupation ne prive que le propriétaire de la possession du bien mais pas de sa propriété. Le propriétaire est privé de l’usage de son bien tant que l’occupant-e y demeure, mais iel a toujours le droit à la propriété : iel peut la vendre ou l’hypothéquer, par exemple. Pour cette raison, la doctrine majoritaire comprend que le crime d’occupation est un délit, car il ne vise que la possession et non la propriété. La personne qui fait usage à temps d’un logement inoccupé ne prive pas le propriétaire de sa possession et ne mérite donc pas de sanction pénale.
4) Si la personne ou la famille qui occupe est dans un état de besoin et que l’occupation est le seul moyen pour elle d’accéder à un toit, aucune sanction ne devrait être imposée ou du moins elle devrait être considérée comme une circonstance atténuante. Pour que cette exception s’applique, la jurisprudence exige que toutes les possibilités d’accès au logement soient épuisées avant l’occupation. Ceux d’entre nous qui défendent les personnes qui sont forcées d’occuper par nécessité se battent pour que les tribunaux appliquent ces exemptions de nécessité (art. 20.5 du code pénal) ou ces exemptions d’exercer le droit légitime au logement par l’occupation lorsqu’il n’y a pas d’autre moyen disponible (art. 20.7 du code pénal). Ces batailles juridiques sont une tentative de décriminalisation de l’occupation pacifique du logement, au moins au cas par cas. Le succès devant les tribunaux augmentera à mesure que la demande de dépénalisation de la profession s’ajoutera à l’aide sociale.
En conclusion, la-e propriétaire est déjà protégé-e par le délit d’effraction en cas d’occupation d’un logement habité, et dispose du recours civil en cas d’occupation d’un logement inhabité. Le fait que depuis 1995, il existe un crime d’occupation qui punit ceux qui occupent pacifiquement un logement inhabité ne fait que semer la peur et appauvrir davantage les plus pauvres. Dans une société incapable de garantir le droit au logement pour tou-te-s, l’occupation pacifique d’une propriété inhabitée est une auto-protection du droit légitime au logement qui ne mérite pas de poursuites pénales, surtout lorsque la-e propriétaire peut en reprendre possession devant les tribunaux civils.
Nous savons combien il est difficile en ce moment d’ajouter des opinions au discours sur la dépénalisation de l’occupation, car elle implique la remise en cause du concept sacralisé de propriété privée, actuellement complètement dissocié de toute finalité sociale autre que l’enrichissement du propriétaire. De nos jours, nous entendons des voix en faveur du droit des propriétaires d’avoir autant de propriétés abandonnées qu’ils le souhaitent et même du « droit légitime » des fonds d’investissement de spéculer, même si cela signifie une augmentation progressive du prix des logements ; même s’il est difficile pour de plus en plus de personnes d’exercer le droit au logement et que cela signifie la violation massive de droits fondamentaux tels que la vie, l’intégrité, la santé ou la vie privée. Exiger que la propriété soit subordonnée au bien commun et à une finalité sociale est un concept radicalement opposé aux logiques néo-libérales. Elle consiste à défendre que les biens existants doivent viser à garantir la vie digne de tous les peuples, en reléguant l’enrichissement de quelques-uns à une position secondaire.
L’occupation pacifique d’habitations inhabitées est un acte de désobéissance sociale à un modèle injuste de répartition des richesses qui prive de plus en plus de personnes d’une vie digne. La demande de dépénalisation de ce type d’occupation est un autre pas vers la justice sociale.
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