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SOURCE : France TV Info
Le ministre de l’Intérieur veut interdire qu’on diffuse les images des policiers en opération. “Un signal extrêmement préoccupant pour les libertés”, alerte le journaliste qui assure que les policiers ne sont pas filmés “par plaisir”. “À un moment donné, l’impunité ne doit plus être la règle”, réclame-t-il.
“La police, ce n’est pas une milice, elle doit être identifiable, elle doit rendre des comptes”, estime vendredi 11 septembre sur franceinfo le journaliste David Dufresne, connu pour son décompte des violences policières, notamment pendant les manifestations des “gilets jaunes” et réalisateur du film Un pays qui se tient sage, dont la sortie est prévue le 30 septembre. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé jeudi sa volonté d’interdire aux télévisions et aux réseaux sociaux de diffuser, sans les flouter, “des images montrant les visages” des policiers en opération. “L’idée est de protéger les policiers qui nous protègent”, a appuyé sur franceinfo vendredi sa ministre déléguée chargée de la citoyennenté Marlène Schiappa alors que le secrétaire général de l’Unsa police, Olivier Varlet, affirmait sur France Inter qu‘”énormément de collègues sont reconnus et agressés en dehors du service”. Gérald Darmanin ” nous envoie un signal qui est extrêmement préoccupant pour les libertés”, dénonce David Dufresne.
franceinfo : Gérald Darmanin a tort, selon vous ?
David Dufresne : Il a raison par rapport à sa logique, mais il a totalement tort par rapport à la liberté d’informer, par rapport à ce que c’est que la police. Je voudrais juste revenir aux fondamentaux : l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme parle de la nécessité d’instaurer une force publique. Tout est là : publique. La police, ce n’est pas une milice. La police, elle doit être identifiable. Elle doit rendre des comptes. Elle en rend peu, et on s’en rend compte précisément ces derniers mois, affaire après affaire.
Mais il y a l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la “police des polices” ?
La police des polices, en matière de violences policières, est quasi inexistante, c’est prouvé, c’est étayé. J’ai moi-même regardé plus de 70 dossiers de l’IGPN. Le nombre de dossiers qui, précisément, ne vont pas au bout, parce que le tireur de LBD [lanceur de balles de défense], par exemple, n’est pas identifiable, c’est assourdissant. Donc, si M. Darmanin estime que la police doit devenir comme l’antiterrorisme qui, pour des raisons pour le coup tout à fait légitime demande à être anonyme, il nous envoie un signal qui est extrêmement préoccupant pour les libertés.
Dans le même temps, Gérald Darmanin ne veut pas que les CRS et les gendarmes mobiles portent des cagoules lors de manifestations publiques… Qu’en pensez-vous ?
C’est drôle parce que j’ai lu ça dans un article publié ce matin par Le Monde. Et l’illustration, malencontreusement, montre des CRS qui sont tous cagoulés. Donc, le problème est là.
Et ce qui est très étonnant, c’est que même [son prédécesseur] Christophe Castaner et Laurent Nuñez, qui n’étaient quand même pas les derniers à soutenir les forces de l’ordre, ont toujours refusé les projets de loi qui allaient dans ce sens-là. Au nom, justement, de la liberté d’informer et de l’équité. Des policiers qui travailleraient de manière anonyme, ce ne sont plus des policiers, c’est autre chose. Et il faut vraiment en avoir conscience.
Mais entendez-vous l’argument des policiers qui expliquent que le floutage de leurs visages est une question de sécurité ?
Je n’en doute pas. Je reconnais, évidemment, que ce n’est pas agréable d’être filmé, mais j’en reviens à la Déclaration des droits de l’homme : c’est une force publique. Ce sont des fonctionnaires d’État. Pourquoi les gens diffusent des images ? Pourquoi les gens filment les policiers ? Pourquoi des gens ont filmé la mort de Cédric Chouviat ? Vous pensez que c’est par plaisir ? Vous pensez que c’est pour faire le buzz ? C’est atroce de filmer ces choses-là. Mais pourquoi ? Parce qu’il faut que ça sorte. Parce que, à un moment donné, l’impunité ne doit plus être la règle. Et aujourd’hui, sur les violences policières, elle est la règle, réellement.