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SOURCE : Libération
Le reporter, qui couvrait la manifestation de jeudi à Paris, a été (une nouvelle fois) placé en garde à vue pour «participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations». Avant d’être libéré quelques heures plus tard sans aucune poursuite contre lui.
Bonjour,
Vous faites référence à la garde à vue du journaliste Gaspard Glanz, interpellé en marge de la manifestation qui a eu lieu jeudi à l’appel de la CGT, de la FSU et de Solidaire. Quelques milliers de manifestants ont défilé à cette occasion dans la capitale.
Il a été interpellé avenue Philippe-Auguste, dans le XIe arrondissement de Paris vers 16 heures, alors qu’il quittait cette manifestation en compagnie d’un ami photographe, Louis Witter. «On partait tous les deux boire un coup, parce qu’on ne s’était pas vus depuis six mois, on était à un kilomètre de la manifestation, et là un camion de policiers s’arrête à notre hauteur, dix policiers en sortent en courant et nous sautent dessus», raconte le journaliste, contacté dimanche par CheckNews. Louis Witter précise qu’ils étaient à environ 300 mètres du cortège, qui remontait alors le boulevard Voltaire en direction de Nation.
La suite (tout du moins une partie) est à voir sur le site Taranis News, le journaliste ayant pu filmer le début de cette interpellation en posant sa caméra par terre.
On y voit Glanz décliner son identité, puis être fouillé par un policier au niveau des poches de son pantalon, avant d’ouvrir son sac pour en détailler le contenu.
La suite n’est pas filmée : comme l’a confirmé à CheckNews le parquet de Paris dimanche, Glanz a été placé en garde à vue du chef de «participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences ou de destructions ou dégradations de biens lors de manifestations sur la voie publique».
Masque à gaz
Comment expliquer cette interpellation ? Gaspard Glanz nous explique que la présence d’un masque à gaz dans ses affaires a pu justifier, aux yeux des policiers, ce placement en garde à vue. Plusieurs journalistes ont été interpellés depuis deux ans pour cette raison, notamment Rémy Buisine, de Brut. Considérés par la police comme du matériel prohibé, les masques à gaz sont utilisés par les reporters pour couvrir les manifestations saturées en gaz lacrymogène.
Pour son collègue Louis Witter, c’est parce que Gaspard Glanz n’a pu présenter de carte de presse – elle n’est pourtant pas obligatoire pour être journaliste en France – que celui-ci a été placé en garde à vue. Dans la vidéo de son interpellation, lorsque Glanz montre des documents prouvant de son activité de journaliste, on entend en effet un policier dire : «C’est sûrement une carte de presse, mais nous ne sommes pas assez compétents pour le savoir.»
Louis Witter, qui avait également un masque à gaz sur lui, a d’ailleurs pu repartir libre après avoir présenté sa carte.
Toujours selon son récit, Gaspard Glanz a ensuite été placé en garde à vue dans le commissariat du XIIe arrondissement de Paris, où en avril 2019, il avait été déjà retenu pendant quarante-huit heures pour «participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradions» et «outrage sur une personne dépositaire de l’autorité publique» (en l’occurrence, un doigt d’honneur adressé aux forces de l’ordre).
«Première fois qu’ils touchent à mes caméras»
Gaspard Glanz poursuit : «En cellule, avec ma montre connectée, j’envoie ma position GPS par SMS à mes avocats. Les policiers arrivent alors quelques minutes plus tard, m’enlèvent ma montre, me remettent les menottes, et je retourne dans un fourgon, direction le commissariat du XVe.» Celui-ci assure également avoir été fouillé à nu dans les deux commissariats.
Dans le second, il reste peu de temps en cellule, avant d’être libéré. «La garde à vue a été levée le jour même et la procédure a fait l’objet d’un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée», confirme le parquet à CheckNews.
Le journaliste affirme par ailleurs que l’un des policiers a tenté d’effacer les images tournées ce jour-là avec sa GoPro (qu’il a finalement réussi à récupérer) pendant sa garde à vue. «C’est la première fois qu’ils touchent à mes caméras, en 15 gardes à vue», s’indigne-t-il. Contactés, ni la préfecture de police de Paris ni le parquet n’ont souhaité répondre à nos questions sur ce point précis.
«Comique de répétition»
Si le reporter comprend que toutes ses gardes à vue ne puissent faire l’objet du même traitement médiatique («le comique de répétition, c’est fatigant», écrit-il sur Twitter), il déplore avoir été empêché de travailler lors des trois dernières manifestations qu’il a couvertes sur Paris.
Enfin, il ne s’étonne pas que le nouveau «schéma national du maintien de l’ordre», dévoilé cette semaine, autorise désormais les forces de l’ordre à interpeller les journalistes et observateurs lors des manifestations. «Ils ont vu que la profession n’était pas vraiment solidaire sur ce sujet, que ça pourrait passer. Mais là aussi, c’est juste pour empêcher les journalistes de faire leur travail. Si ce nouveau schéma était entré en vigueur plus tôt, il n’y aurait pas eu d’affaire Benalla.»
Cordialement