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SOURCE : France inter
C’était une décision attendue, après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour son incapacité à mettre fin aux conditions de détention portant atteinte à la dignité des détenus. Le 2 octobre, le Conseil constitutionnel a ordonné au législateur de réparer ce manque dans la loi.
“C’est une très grande victoire pour l’Observatoire international des prisons, qui scelle un combat contentieux de près de huit ans pour la reconnaissance du droit à la dignité des détenus“, se félicite l’avocat de l’OIP, Patrice Spinosi.
Tout avait en effet commencé en 2012 après une visite du Contrôleur des prisons de l’époque, aux Baumettes, à Marseille. Dans un rapport en urgence agrémenté de photos choc, Jean-Marie Delarue alertait sur la vétusté et la saleté des lieux, entre ordures, inondations, et l’omniprésence des rats. L’Observatoire international des prisons commence alors une longue série de recours devant les tribunaux administratifs. À propos des Baumettes, puis de Fresnes, Nîmes, Nice, Ducos en Martinique… À chaque fois, le constat est accablant, et le juge administratif ordonne à l’État de prendre des mesures correctives. Mais les résultats sont limités et les situations perdurent.
C’est cet ensemble de recours, et le constat de l’impuissance de la justice administrative à remédier au problème, qui vaut à la France d’être sévèrement condamnée, le 30 janvier dernier, par la Cour européenne des droits de l’homme. Dans cet arrêt, les juges de Strasbourg constatent l’existence d’un problème structurel de surpopulation carcérale, exigent l’adoption de mesures générales pour améliorer les conditions de détention et, enfin, imposent à la France de mettre en place un recours effectif pour les détenus exposés à des conditions de détention indignes.
Un article de loi à réécrire
Actuellement, les détenus qui sont trois par cellule de 9 m2, ou qui cohabitent avec des insectes ou des rats dans des locaux insalubres, n’ont pas de possibilité de saisir le juge pour y mettre fin. Ce trou dans la loi, il faut le combler : c’est ce que vient de décider le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet.
Contre l’avis du gouvernement, le Conseil constitutionnel vient d’abroger une partie de l’article 144-1 du code de procédure pénale. C’est l’article qui précise dans quelles conditions un juge peut remettre en liberté une personne placée en détention provisoire.
Pour l’instant, la loi prévoit qu’il puisse être remis en liberté pour raison de santé, si son pronostic vital est engagé par exemple. Mais pas un mot sur les conditions de détention. C’est cet article qu’il va falloir réécrire. Le législateur, écrivent les sages, doit “garantir aux personnes placées en détention provisoire la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu’il y soit mis fin“.
Cela ne passera pas forcément par une remise en liberté : changement de cellule ou d’établissement, assignation à résidence sous surveillance électronique ; c’est au législateur d’imaginer le meilleur mécanisme permettant de garantir la sécurité de tous. Il va falloir aller vite : le Conseil constitutionnel donne au parlement jusqu’au 1er mars pour changer la loi.
Ce nouveau texte ne concernera que les prévenus, c’est-à-dire ceux qui sont détenus en attendant d’être jugés : ils représentent un tiers des 58.700 prisonniers de France ; détenus en maison d’arrêt, ils sont ceux qui sont le plus fréquemment exposés à des conditions indignes de détention. Car malgré la forte baisse de la population carcérale liée à l’épidémie de Covid (-13.000 détenus en un an), les maisons d’arrêt affichaient au 1er juillet 2020 un taux d’occupation de 110%. À la même date, près de 3.700 personnes étaient détenues dans un établissement avec une densité carcérale supérieure à 150%.
La Chancellerie a immédiatement réagi, assurant que les nouvelles dispositions législatives “seront prises dans les délais indiqués afin de mettre notre droit en conformité avec la Constitution“, rappelant au passage que les orientations préconisées par le Conseil constitutionnel “ont toujours été” celles d’Eric Dupond-Moretti. Le tout nouveau garde des Sceaux avait réservé sa première visite de ministre à la prison de Fresnes.
A contrario, la vacance prolongée du poste de Contrôleur général des lieux de privation de liberté, depuis le départ d’Adeline Hazan mi-juillet, inquiète le milieu judiciaire et des associations qui œuvrent en prison. Le nouveau contrôleur “sera nommé avant le 15 octobre” a promis la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Amélie de Montchalin.