Delaunay : A propos du Monopoly capitaliste et de la façon de le remettre en cause

AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.

SOURCE : Histoire et société

Cet article n’a pas besoin d’introduction mais puisqu’il cite la relative originalité de ma démarche et celle de ce blog, il m’aide à découvrir ce qui la fonde. Question d’âge, d’expérience, mais pour moi la constellation communiste qu’il décrit c’est le parti. Je l’ai toujours connu non seulement ceux qui sont là, mais leurs parents. leurs points de vue apparemment différents ont toujours été plus ou moins exprimés, entre syndicalisme révolutionnaire, républicains, grands commis de l’Eta, etc;.. , simplement il y avait le centralisme démocratique, un but affirmé qui unifiait. Donc étant issue de ce temps-là, je ne supporte pas la fragmentation, les féodalités m’apparaissent comme des organismes impuissants autour d’un gourou, y compris quand j’ai de la sympathie pour le vieux camarade-gourou. Ils produisent des discours plus ou moins radicaux où chacun revendique la vraie filiation tout en étant dans la pratique prêts à des compromis claniques. je passe mon temps à entrer en conflit avec ces tendances centrifuges et à désespérer d’une direction qui ne joue pas son rôle ou qui use de la centralité pour les avantages d’un petit groupe auto-coopté qui exploite jusqu’à la trame l’héritage moral mais aussi matériel du PCF. Ces rois fainéants pour rester dans l’imaginaire féodal ont comme maire du palais quelques trotskistes, des sociaux démocrates de la mairie de Paris, parce que Paris est devenu le plus marginal de tous, le plus ossifié. parce que la capitale a perdu sa nation et n’a plus que l’hôtel de ville. Ce groupuscule qui occupe le siège, le loue ne se contente pas de subir la fragmentation, ils l’organise, censure, bloque l’information, tente d’étouffer le sursaut du 38 e congrès. L’intérêt sociologique d’une telle décomposition m’échappant, j’ai considéré que la meilleure manière d’agir était de prendre de la distance pour mieux voir ce qui apparaissait et l’encourager. parce qu’une quarantaine d’années sont en train de s’achever, un cycle se termine et tu as raison on peut parler d’une autre féodalité qui est aussi renaissance, ce temps-là est en train de se clore, parce quenos “féodalismes” des temps obscurs et nous disparaissons et parce que d’autres temps que ceux de la survie sont là. L’urgence d’un changement de société et peut-être une génération à la fois plus mobile , plus internationaliste, qui ne peut plus s’illusionner et cherche un moyen d’agir local, national . Je suis frappée par tous ces jeunes qui retrouvent et cherchent à créer autre chose, jean claude Delaunnay tu parle de “structure ferme”, entreprise, centralité, perspective, et c’est ça qui m’intéresse, qui explique ma mise à distance pour tenter de m’émanciper de ma propre histoire. J’ajouterai que notre décomposition PCF m’apparait nettement moins accélérée que d’autres à Gauche, le PS bien sûr mais la France insoumise et les groupuscules communistes qui s’y sont accrochés. Le débat là y devient nettement dérisoire, incapable de sortir de médiocres enjeux de personnes et se disputant autour du maintien de ce qui est., vidant des rancunes sans intérêt … Je partage donc ton idée essentielle on peut encore pour le PCF faire un bilan positif, une capacité d’affrontement et de dialogue sur le fond, en prenant pied par exemple sur Géneral electric et c’est pour ça que toi et moi sommes là.

Le 6 novembre aura lieu au siège du PCF un important débat sur le socialisme, Jean Claude Delaunay fera partie des intervenants extérieurs (il est en Chine) autour de Laurent Brun et Rémy Herrera. (note de Danielle Bleitrach).

La démarche suivie par Pierre-Alain Millet, concernant la remise en cause du capitalisme (Comment remettre en cause le Monopoly capitaliste? article paru le  5 octobre sur le site Faire Vivre le PCF et notamment repris sur le site Histoire et Société), me suggère une idée en apparence totalement étrangère à cet article, à savoir que lorsque nous critiquons avec sévérité le fonctionnement du PCF après les années 1970-1980, nous négligeons un aspect de ce fonctionnement. Je vais d’abord développer cette idée. Je montrerai ensuite en quoi elle est liée au thème développé par PAM.

Dissolution du Centre et Féodalisation du PCF

L’histoire du PCF au cours des dernières décennies n’a pas produit, selon moi, que des choses abominables, devant être rejetées. Certes, elle n’a pas été au niveau mais elle a aussi produit de bonnes choses ou des choses intéressantes, qu’il nous faut réemployer aujourd’hui quitte à en faire un examen approfondi. Le concept de sécurité emploi-formation est, me semble-t-il, l’une d’elles.

L’hypothèse que je formule pour décrire la vie et l’évolution de la vie du PCF au cours des 40-50 dernières années est, en effet, celle de la dissolution de son pouvoir central mais accompagnée de la féodalisation de cette organisation.

Au sein du PCF, il se serait d’abord produit l’effacement de la centralisation des décisions. La structure du PCF serait devenue «molle». En même temps que les principes marxistes-léninistes fondateurs de l’action communiste des temps modernes étaient évacués de la théorie et de la pratique, la direction centralisée de ce parti aurait perdu son importance et son rôle national.

Le résultat de ce double mouvement (abandon des principes fondateurs du PCF et effacement de la direction) n’aurait pas été, cependant, la disparition du PCF. Sans doute aurait-il perdu son audience politique. Mais il aurait survécu en tant qu’ensemble flou. Il serait devenu un conglomérat de «boutiques» ou de «féodalités» locales, parcellaires par définition, et prenant des décisions en grande partie indépendantes du coeur de l’organisation.

La pointe ultime de ce processus de féodalisation, son passage à la limite, aurait été la sortie du PCF, soit au plan individuel (on ne reprend plus sa carte mais on demeure communiste) soit au plan organisationnel (on fonde une nouvelle structure mais en développant une ligne politique communiste (PRCF) ).

Les organisations d’entreprises ont été balayées par cette histoire mais les organisations territoriales ont survécu. Dans le cadre de ce féodalisme politique, les élus communistes ont acquis de plus en plus d’importance, chacun se débrouillant dans son coin pour être réélu. Cela dit, ce féodalisme territorial n’a pas eu que des conséquences désastreuses. Il a, malgré tout, dans la plupart des cas, protégé et conservé ce qui pouvait rester d’une base militante. Des tracts ont été discutés, édités, distribués. Les locaux ont survécu. Le muguet du 1er mai ne s’est pas entièrement dissous dans le capitalisme. Des vignettes de la fête de l’Huma ont été vendues, des manifestions ont eu lieu, des pétitions ont circulé, etc…

Par ailleurs, au niveau central, les sections de travail qui fonctionnaient antérieurement sous la direction du Comité central, ont pu, les unes par rapport aux autres, acquérir une certaine autonomie, voire une certaine indépendance, tout en continuant à travailler et à produire le meilleur et le pire. Je ne vais pas nommer ces différents fiefs. Chacun le fera pour son propre compte. Cela dit, la Section économique de feu le Comité central fut l’une de ces boutiques, la personnalité de Paul Boccara, qui en assuma la direction, ayant certainement trouvé dans cette évolution fragmentée une occasion supplémentaire de s’épanouir.

Or cette section, dont je critique le soutien qu’elle apporte objectivement à ce désastre pour les classes populaires qu’est l’Union européenne, fut aussi l’un des endroits de perpétuation d’une analyse de référence marxiste explicite, donnant lieu à publication régulière. C’est ici que fut assurée l’élaboration, la promotion et la défense de la théorie de la sécurité emploi-formation, qui est devenue comme une sorte de drapeau militant de la Section économique.

Enfin, entre ces différentes boutiques, entre ces différents fiefs, des liens ont pu se créer. Les fiefs ont établi entre eux des alliances et des complicités.

Pour résumer ce que je crois être l’évolution pluri-décennale vers la dissolution centrale et la féodalisation du PCF, je dirai que l’abandon au niveau dirigeant le plus élevé, des principes du Communisme révolutionnaire, s’est sans doute traduite par la réduction globale de l’audience du PCF mais également par sa parcellisation. Cela dit, tout n’a pas été perdu et c’est sans doute ce qui justifie, ou explique, que certains soient demeurés dans l’organisation. Quel peut-être l’intérêt de cette analyse du passé pour lutter aujourd’hui contre le monopoly capitaliste?

L’intérêt de cette analyse

Aujourd’hui que l’exigence d’un changement radical tend à prendre forme et vigueur dans la conscience des militants et que la question est ouvertement posée de la reconstruction du PCF comme totalité révolutionnaire cohérente, comme «structure ferme», pour la différencier de la «structure dure» [1] antérieure, il découlerait trois conséquences pour la réflexion et pour l’action communiste immédiate de lutte contre le capitalisme.

  1. La première serait évidemment celle de la critique des abandons précédents, abandons qu’un nombre croissant de militants tend à considérer comme erronés, concernant, par exemple celui de, ou celui du :
  2. la nécessaire rupture avec le capitalisme pour construire cette phase transitoire vers le communisme que nous appelons socialisme, et tout ce qui doit accompagner cette rupture.
  3. rôle indispensable d’un parti de type révolutionnaire dans la mise en œuvre de ce processus,
  4. la primauté de la nation comme lieu de décisions souveraines,
  5. l’attention devant être portée en priorité à la classe ouvrière pour la concrétisation et la promotion de l’idée communiste, priorité ne signifiant pas exclusivité,
  6. L’abandon du marxisme comme théorie révolutionnaire.
  • La deuxième consisterait à ne pas tirer un trait sur ce processus de parcellisation. Il s’agirait de le prendre en compte entièrement dans la phase actuelle de reconstruction d’une structure communiste renouvelée.

Il s’agirait, tout en respectant les exigences de la lutte immédiate (le PCF ne peut être transformé en “Nuit débout”), de prendre le temps d’en rejeter collectivement ce que la féodalisation du PCF a engendré de malsain, de faux, de malvenu, de théoriquement réformiste ou même dangereux, dans les pratiques communistes. Mais il s’agirait aussi de valoriser ce qui s’est produit de meilleur dans ce cadre morcelé.

  • La troisième conséquence a trait à la façon dont l’actuelle direction pourrait, dans le contexte que je viens d’évoquer et dans celui de la crise globale du capitalisme,  prendre en charge le processus de recomposition du PCF.

C’est là, à mon avis, que le bât blesse aujourd’hui. Comment cette direction doit-elle s’engager dans le processus de recomposition du PCF destiné à véritablement lutter contre le capitalisme, tout en tenant compte simultanément des exigences de cette lutte et de la réalité duale et fragmentée de l’organisation dont elle assure la conduite tout en cherchant à la recomposer, tout en cherchant à lui redonner corps et unité ?

Je ne vais pas, dans les lignes qui suivent, énoncer ici ce que Fabien Roussel et son équipe doivent faire. Si je puis ainsi m’exprimer, ce n’est pas mon boulot en tant que membre du PCF, ou plus exactement cet article n’en est pas le lieu. Danielle Bleitrach a choisi une autre option, tout à fait respectable, consistant à sortir du PCF pour dire ce qu’elle pense. Ces deux démarches ne sont pas incompatibles.

Cela étant, m’exprimant, en termes très généraux, je dirai que l’analyse exprimée dans cette première partie me conduit aux deux conclusions majeures suivantes:

La première est qu’on ne peut plus, en tant que membre du PCF, analyser aujourd’hui un problème tel que celui de l’action à mener à propos de General Electric, sans mettre en regard de cette analyse une autre analyse, celle de la ligne générale de conduite exprimée par l’actuelle direction du PCF. Supposons que cette autre analyse soit identique à celle produite par Danielle Bleitrach, qu’est ce que cela implique pour la lutte menée par les travailleurs de General Electric?

La deuxième est que cette ligne générale est certes déterminée par la crise du capitalisme et la lutte à mener pour dépasser cette crise, sinon ce n’est pas la peine d’être un dirigeant communiste. Elle peut cependant être surdéterminée de deux manières eu égard au contexte (parcellisation du PCF) dans lequel prend place le processus de recomposition nécessaire à l’expression de toute ligne générale de lutte.

  • Elle peut être surdéterminée par l’influences des Seigneurs de la Guerre, que la parcellisation a inévitablement engendrée.
  • Elle peut être surdéterminée par ce qui fut conservé de meilleur dans le processus de parcellisation, à savoir l’esprit de combat et de lutte contre le capitalisme, pour changer en profondeur la société.

Pour résumer cette première partie, je crois pouvoir dire que les communistes et leurs dirigeants doivent trouver l’impulsion politique, (conception et méthode) susceptible d’engendrer un processus de recomposition globale du PCF qui soit aussi un processus de lutte globale contre le système capitaliste pour le remplacer et instaurer le socialisme. Je note au passage qu’on peut envisager de l’abandonner. Mais ne nous y trompons pas. Il ne va pas nous laisser partir aussi facilement.

Je me propose, dans une prochaine partie, de réfléchir à quelques aspects selon moi importants, de cette impulsion politique.

Jean Claude Delaunay


[1] Je propose ici de désigner les différentes formes de structuration du PCF de la manière suivante : 1) Avant 1980, structure dure, 2) de 1980 à aujourd’hui, structure molle, 3) ce qui en cours de recomposition, structure ferme.


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