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SOURCE : Révolution permanente
Depuis le début de l’épidémie, la gestion austéritaire, pro-patronale et répressive de l’épidémie par le gouvernement a été régulièrement dénoncée. Le film Hold-Up, présenté comme un « retour » sur cette gestion semblait aux premiers abords s’inscrire dans ces critiques. Pourtant, sous couvert d’évoquer le Covid-19, le film sert un tout autre projet que la dénonciation du gouvernement.
Depuis le début de l’épidémie, la gestion catastrophique du gouvernement a été éclatante. Scandale des masques, mensonges du gouvernement, manque de moyens à l’hôpital, répression sous couvert d’épidémie, …
Financé via un crowdfunding, Hold-Up prétend justement révéler les dessous de cette séquence et les vérités cachées sur l’épidémie de Covid-19. Sous-titré « retour sur un chaos », le film se présente comme un brûlot visant la gestion sanitaire gouvernementale. Mais en définitive, c’est une autre histoire qu’il entend raconter, celle du « Grand Reset », un projet oligarchique qui menacerait l’humanité. Grâce à l’intelligence artificielle et à la robotisation, le capitalisme n’aurait plus besoin des masses laborieuses pour pouvoir s’enrichir et souhaiterait éliminer la moitié de la population la plus pauvre. Un projet dont l’épidémie de covid-19 ne serait finalement que le faux-nez. Pendant 2h40, Hold-Up tente d’imposer cette thèse au spectateur par une multiplication d’extraits d’entretiens.
Un « documentaire » contre la peur ou pour faire peur ?
Dès le départ le ton est donné par Jean-Dominique Michel, présenté comme « anthropologue » : « Des lors que vous faites croire à quelqu’un qu’il est en danger de mort vous en faites ce que vous voulez ». Cette phrase incarne bien l’idée qui guide le « documentaire ». Dans toute la première partie, le Covid-19 est décrit comme une invention visant à tirer profit du choc créé par une situation de crise sanitaire. Mais, paradoxalement, cette « peur » n’est chassée que pour en dessiner une autre bien plus grande, en expliquant aux spectateurs qu’ils sont en danger de mort tout comme 3,5 milliards d’êtres humains menacés par un complot oligarchique. Un documentaire qui prétend donc mettre fin à la peur du Covid… pour en réalité nous plonger dans une peur bien pire encore ! Celle de l’extinction de la moitié de l’humanité décrite par Monique Pinçon-Charlot. A la fin du film, celle-ci évoque une « 3ème guerre mondiale », un « holocauste » pour se débarrasser de « ces grandes bouches qui ont faim ». Des paroles dont elle disait récemment qu’elles ont été tronquées et retirées de leur contexte mais qui sont utilisées dans le film pour dessiner le spectre d’un complot génocidaire.
Ainsi, si le réalisateur utilise les sensibilités d’un public plutôt anti-covid, anti-vaccin et anti-masque, une sensibilité attisée par la gestion arbitraire et répressive du gouvernement, son film ne vise pas à révéler des vérités sur la gestion de l’épidémie comme il le prétend, mais plutôt à jouer sur la peur pour imposer une lecture confuse de la situation, qui se conclue en évoquant Trump comme sauveur potentiel… Paradoxalement, le documentaire semble ainsi lui-même s’appuyer sur le type de mécanismes qu’il prétend dénoncer et utilise pour cela les méthodes les plus problématiques.
Un « documentaire » qui dit tout et son contraire
Tout le long de ce “documentaire” les contradictions sont légions. Alors que la généticienne Alexandra Henrion-Caude, explique que le nombre de pages de l’OMS concernant les recommandations du masque sont passées de 3 en janvier à 16 en juin, laissant entendre que le contenu serait bidon, elle utilise ensuite ce même rapport de l’OMS pour expliquer les risques en cas de mauvaise utilisation du masque… Evidemment, la voix off utilise ces données pour expliquer l’inefficacité du masque et non pas pour en tirer une autre conclusion , à savoir que, en réalité, le masque doit être porté sans être manipulé autrement que par les élastiques et doit être remplacé toutes les 4h.
Surtout, le documentaire laisse entendre que le masque conduirait à de graves risques physiques ou psychologiques, mais finit par reprocher au gouvernement de ne pas avoir généralisé l’usage du masque assez tôt… Faisant la litanie de toutes les incohérences dans le discours gouvernemental, entre les déclarations de Sibeth Ndiaye et Olivier Véran en mars, le documentaire finit par dénoncer les mensonges et l’impréparation du gouvernement, dont l’absence criante de masques lors de la première vague.
Il en va de même pour l’hydroxychloroquine, à laquelle est consacrée toute une partie du film et dont on a dû mal à savoir pourquoi son interdiction est si problématique si l’épidémie semble bénigne… Incohérent, ce documentaire est un gigantesque concentré de toutes les rumeurs et contradictions soulevées au cours de l’épidémie, des PCR truqués, en passant par les masques inutiles, les Big Pharmas, Dr Raoult et la chloroquine, en finissant par Bill Gates, Attali et l’« holocauste » pour tuer la moitié de l’humanité.
Un documentaire qui mélange allègrement le faux et le vrai
Bien sûr tout n’est pas faux dans le documentaire. L’étude bidonnée sur l’hydroxychloroquine dans The Lancet, les contradictions du discours du gouvernement sur les masques, la dénonciation des lois d’exception mobilisées par le gouvernement sont autant d’éléments réels, qui sont mis en avant par les défenseurs du film pour en prouver la véracité. Pourtant, il s’agit de comprendre ce que le réalisateur tente de faire dire à ces informations. De fait, la méthode de Hold-Up se base sur l’accumulation de faits, vrais et faux, sans lien les uns avec les autres pour imposer un récit à un auditoire qui, dans une période de crise, d’épidémie, a besoin de se rassurer. Celui qui déteste le capitalisme y trouvera son compte, celui qui déteste être confiné y trouvera son compte, celui qui n’a pas confiance dans les politiques y trouvera son compte, celui qui déteste les vaccins y trouvera son compte etc… Et le procédé de démonstration, utilisant des donnés de manière partielle et partiale, permet finalement de démontrer ce que l’on veut.
Un premier exemple de cette méthode se trouve dans la courbe de décès du Covid-19, visant à démonter l’absence de deuxième vague. La voix off explique que le gouvernement met en avant le nombre de cas de Covid en masquant la courbe des décès car elle serait plate. Or, voici ci-dessous la courbe des décès dans le reportage, qui laisse apparaître un début de deuxième vague, et derrière la courbe actuelle, dans laquelle le nombre de décès augmente pour atteindre entre 300 et 800 par jour, autant que durant la première vague. En clair, les données sont tronquées volontairement pour confirmer la thèse du réalisateur.
Autre falsification, le fameux exemple suédois. « La Suède n’a pas confiné, les chiffres parlent d’eux même » expliquent ainsi la voix off, en insistant sur le nombre de mort plus faible qu’en France sans évidemment préciser que le nombre de morts par habitants y est quasiment identique… dans un pays où la densité par habitants est bien moindre que la France. Le même type de procédé est utilisé sur la question de la tuberculose. La voix off explique qu’il y’a eu 1,5 millions de mort de la tuberculose dans le monde en 2019 contre 1,2 millions du Covid-19 en 8 mois. Le chiffre est vrai, mais il n’est pas précisé que le nombre de mort de la tuberculose en France est seulement de 350 morts en 2017. Il ne dit pas non plus que les les morts de la tuberculose se concentrent dans une vingtaine de pays, notamment des pays dont la prévention sanitaire est désastreuse, où les populations les plus pauvres sont les plus touchées et en particulier les personnes atteintes du VIH, ainsi que les personnes présentant des comorbidités. Ce nombre de morts est évidemment insupportable, mais il démontre, non pas que le Covid ne tue pas, mais que les classes dominantes ne font rien pour sauver les populations pauvres des maladies déjà existantes, comme ils ne font rien pour les 21.000 personnes qui meurt de la faim chaque jour dans le monde.
Autre manipulation des chiffres, l’exemple du paquebot Diamond Princess. Dans le documentaire, Michael Levitt, biophysicien explique que sur 700 contaminations, seulement 7 personnes seraient mortes, soit 20% de personnes contaminées pour un taux mortalité de 1%. Rapportés sur l’ensemble du Royaume-Uni, ce taux de mortalité ne conduirait qu’à 55.000 morts d’après Michael Levitt, pour qui ce chiffre serait négligeable. Or, non seulement rapporté à la population du Royaume-Uni, on aboutit non à 55.000 mais à 112.000 morts, mais surtout le physicien, pas très bon en maths, oublie que le bateau avait été placé dans la quarantaine la plus stricte et que le taux de contamination d’une épidémie qui s’est développée à l’échelle mondiale serait certainement très nettement supérieur à celui sur un bateau.
On pourrait poursuivre ce travail de vérification des informations une par une, comme sont en train de le faire certains médias. Ce qui semble central c’est de noter le caractère très problématique de la méthode employée et qui donne une idée de la nature du « documentaire ». Un constat corroboré par les réactions de certains intervenants comme Monique Pinçon-Charlot qui ont dénoncé comment leurs propos – ambigus à l’origine – ont été découpés et utilisés pour servir le narratif défendu par le réalisateur.
Une lutte intransigeante contre le gouvernement et sa gestion répressive n’implique pas la confusion
Le succès de ce film est à la hauteur de la colère suscitée par la gestion pro-patronale et austéritaire du gouvernement. Une gestion dirigée par la volonté de préserver l’économie, marquée par le refus d’investir dans la santé, de préparer la deuxième vague, d’accroître les moyens dans l’Education Nationale, et de contraindre le patronat. Une gestion marquée également par le manque d’anticipation, à commencer par la recherche sur les coronavirus, abandonnée en 2006 comme le rappelait Bruno Canard, virologue au CNRS, en mars dernier. Autant d’éléments qui conduisent à une politique criminelle face à laquelle nombreux sont ceux et celles qui cherchent des réponses. On ne peut ainsi que faire le constat d’une gestion sanitaire désastreuses dans de nombreux pays, notamment la France, où depuis des années les services publics sont décimés. La stratégie de confinement est une méthode archaïque, une stratégie sanitaire utilisée en l’absence de moyens pour tester, protéger et soigner. En outre elle s’accompagne d’un renforcement autoritaire du pouvoir et d’un état d’exception permanent qui dessine une instrumentalisation de l’épidémie à des fins répressives. Celles-ci ont d’ailleurs conduit à un déchaînement de violences policières dans les quartiers populaires, jamais mentionnées dans Hold-Up.
Contrairement à Michael Yeadon, « ancien directeur de la recherche chez Pfizer », nous ne faisons pas partie de ceux qui pensaient que « le gouvernement est honnête » avant la crise. Nous avons toujours combattu le gouvernement, dénoncé sa politique, sa répression, ses attaques contre l’Education Nationale ou l’hôpital, sa violence… Mais ce point de vue n’implique pas d’adhérer aux idées défendues dans Hold-Up ni de refuser de voir les contradictions de la situation. De fait, si le confinement est une stratégie moyenâgeuse qui permet un renforcement répressif, elle a aussi un coût pour le gouvernement. L’économie est frappée par le virus, les populations les plus pauvres de plus en plus précarisées et les classes moyennes se retrouvent également attaquées, comme nous le voyons ici en France entre les plans sociaux de masses et les petits commerces qui mettent la clé sous la porte.
De même, alors que les intervenants du film ne font que parler de la « peur », décrivant la France comme un pays quasiment paralysé par l’angoisse de l’épidémie et accréditant l’idée que le Covid-19 aurait permis de domestiquer la population, le tableau nous semble bien différent. Quid des 30.000 jeunes sortis dans la rue en juin contre le racisme et les violences policières ? Des dizaines de milliers de sans-papiers mobilisés pour leurs droits en juin et plus récemment en octobre ? Des professeurs qui ont récemment rompu l’atonie en se mettant en grève contre le gouvernement et en manifestant. Beaucoup des défenseurs du film sont animés par une sincère volonté de lutter contre le gouvernement. Mais on ne peut pas lutter contre la bourgeoisie en utilisant des procédés fallacieux servant à embobiner les membres de notre classe avec les théories complotistes comme celle du « Grand Reset » ou encore faire parler des charlatans anonymement pour accréditer sa vision.
En outre, quelles perspectives offrent ce film ? Soutenir Donald Trump comme le laisse entendre sa conclusion ? La manipulation semble si immense qu’elle rend chacun impuissant. Dans le même temps, si ce documentaire fait autant parler c’est qu’il est le symptôme d’un manque de direction politique et d’intervention de notre classe dans la période. Une période de crise profonde dont beaucoup ne savent pas quelle en sera l’issue. Mais au lieu de s’organiser pour lutter pour des conditions sanitaires dignes, de s’opposer aux lois répressives, de préparer les futures grèves qui permettront de mettre à mal le gouvernement, d’empêcher les licenciements, de tels films ne sont fait que pour conforter le faux-sentiment de ne pas faire partie des « moutons ».
Face à la crise, l’urgence de s’organiser pour renverser ce système
Nous considérons avec urgence et détermination la nécessité d’en finir avec ce système, non pas uniquement en France, mais à l’échelle internationale. La situation dans laquelle nous sommes, qu’il s’agisse de cette crise sanitaire ou encore de la crise économique, ne sont que les résultantes de la dégénérescence d’un système capitaliste qui est à bout de souffle. Il n’y a qu’à voir depuis la crise de 2008 comment les classes dominantes dans de nombreux pays, font face à un retour de la lutte des classes à échelles internationales. En France nous avons connu depuis 2016 des mobilisations de plusieurs secteurs de notre classe contre le pouvoir, de plus en plus fragilisés par les crises avec récemment le mouvement des gilets jaunes ou encore la lutte contre la réforme des retraites. Mais récemment nous avons également vu le peuple algérien, libanais, chilien ou encore bolivien lutter contre le pouvoir. Que dire également des manifestations importantes contre la police américaine et le racisme systémique de l’été dernier ?
Contrairement à ce qu’explique ce documentaire, pour qui toute cette crise est une stratégie de l’oligarchie, jamais depuis un siècle le capitalisme n’a été touché autant sur le plan économique que sur le plan politique. Quelles seraient donc les raisons économiques de cette crise sanitaire qui a fait perdre déjà des centaines de milliards de dollars partout dans le monde ? Certes, certains secteurs arrivent à s’en sortir comme les labos pharmaceutiques. Mais il n’est pas sérieux de penser que pour vendre des médicaments et des vaccins, le multimilliardaire Bill Gates serait à l’origine d’une crise qui met à mal toute une partie des classes dominantes en frappant l’économie, attisant la colère et préparant de nouvelles explosions de la lutte de classe. Les syndicats de patrons partout dans le monde font d’ailleurs leur maximum pour que la vie reprenne son cours normal et que les prolétaires continuent à produire, expliquant « On tue l’économie pour sauver quelques vies » – ce que semblent défendre certains intervenants du reportage. Dans ce cadre, il ne s’agit pas de nier le virus, ou de se battre pour ne pas porter de masque, mais de faire valoir le fait que nos vies valent plus que leurs profits, et de se battre dans cette perspective.
Nul besoin donc d’être devin pour comprendre et voir que sous le capitalisme, les crises économiques, les épidémies et les crises climatiques vont en s’accentuant. C’est toute la folie d’un système qui doit être détruit, pour en finir avec l’oppression et l’exploitation de millions d’êtres humains sur la planète. Voilà notre conclusion, celle de ne pas sombrer ni dans la peur, ni dans le complotisme, mais dans une logique de compréhension de la situation politique afin de s’organiser et passer à l’offensive. Pour que ce soit les capitalistes et non notre classe qui payent la crise.