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SOURCE : Le Monde
Le Monde, 7 décembre 2020
Trois fichiers, dans les mains de certains services de police et de gendarmerie, vont pouvoir recueillir de nouveaux types d’informations sur les individus considérés comme dangereux pour la « sécurité publique ».
Trois fichiers, à disposition notamment de certains services de renseignement, de police et de gendarmerie, ont été nettement élargis la semaine dernière, a relevé vendredi 4 décembre le site spécialisé NextInpact.
Ces fichiers contiennent environ 40 000 personnes chacun et concernent les individus constituant une menace pour « la sécurité publique ». Par décrets publiés au Journal officiel vendredi, le gouvernement a étendu ces fichiers aux personnes présentant un danger pour la « sûreté de l’Etat », en particulier pour « les intérêts fondamentaux de la Nation ».
Il s’agit du fichier Prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP), du fichier Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP) et du fichier Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP), ce dernier étant utilisé pour réaliser les enquêtes administratives préalables à certains recrutements dans la fonction publique.
« Opinions politiques » et « convictions religieuses »
De nouvelles données pourront être renseignées dans ces fichiers. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), dans ses avis sur les fichiers PASP et GIPASP, note ainsi que « la rédaction de certaines catégories de données est particulièrement large ». De fait, pourront figurer dans ces fichiers « les opinions politiques » et les « convictions philosophiques et religieuses », et non plus seulement les « activités » politiques ou religieuses. Les personnes morales – en l’occurrence les associations – pourront désormais y figurer.
De plus, les « données de santé révélant une dangerosité particulière », les « données […] relatives aux troubles psychologiques ou psychiatriques », les « comportements et habitudes de vie », les « déplacements », les « pratiques sportives » ou encore les « activités sur les réseaux sociaux » pourront y être inscrits.
« Une pratique jusqu’ici illégale »
Le but de ces modifications, selon le ministère de l’intérieur, est d’adapter ces fichiers à la lutte contre le terrorisme. Les fonctionnaires chargés d’alimenter ces fichiers n’ont semble-t-il pas attendu cette modification du cadre légal. La CNIL note en effet dans ses avis que les changements décidés par le ministère visent à « tenir compte de l’évolution de certaines pratiques dans l’utilisation de ce traitement et, ce faisant, de les régulariser ».
« Nous sommes extrêmement choqués que le gouvernement ait fait ça sans débat public, en catimini », a réagi Arthur Messaud, porte-parole de La Quadrature du Net, ONG spécialisée dans la défense des libertés publiques. « Nous sommes aussi inquiets : tout ce qui avait été enlevé du fichier Edvige [qui avait fait polémique en 2008], à savoir le fichage des opinions politiques et religieuses, et non plus seulement des activités politiques et religieuses, a été remis », critique-t-il encore. « Comme pour la loi sur le renseignement, on a une pratique jusqu’ici illégale que la police convainc le gouvernement de légaliser a posteriori », dénonce enfin M. Messaud.