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SOURCE : Révolution permanente
L’Allemagne qui a longtemps fait figure de bon élève dans sa gestion de l’épidémie doit faire face à une vague de contamination inédite. Les indicateurs n’ont jamais été aussi hauts et la stratégie pro-patronale d’Angela Merkel, à l’approche de la période des fêtes, dévoile de plus en plus son inconsistance.
Pendant la première vague, l’Allemagne a longtemps fait figure d’exemple de la zone euro dans sa gestion de la crise en ayant mis en place une politique de prévention et de tests massifs qui a semblé porter ses fruits. En avril dernier, au moment du pic de la première vague, l’Allemagne comptabilisait quatre fois moins de morts que la France.
L’Allemagne un bon élève, vraiment ?
Ce lundi, pourtant, le ministre de l’économie, Peter Altmaier a dressé un lourd bilan de la stratégie gouvernementale face au Covid : « On peut et on doit dire que jusqu’à présent nos mesures ne suffisent pas à briser la deuxième vague de coronavirus ». Le ministre a résumé un constat de plus en plus partagé en Allemagne alors que la pandémie ne cesse inexorablement de progresser. Chaque jour, on y comptabilise entre 400 et 500 morts du Covid, c’est deux fois plus qu’en avril, au pic de la première vague. Le nombre de contaminations a dépassé les 22 000 cas, quatre fois plus qu’au printemps, et les régions qui pendant la première vague avaient été préservées par le virus sont désormais les places fortes de la deuxième vague, comme la Saxe qui doit faire face à des taux d’incidence de près de 500 cas pour 100 000 habitants. Selon l’association interdisciplinaire pour les soins intensifs (DIVI), seuls 20% des lits de réanimation sont encore disponibles.
Une stratégie pro-patronale de gestion de l’épidémie
Face à la deuxième vague, l’Allemagne s’est contentée d’un confinement léger. Le 2 novembre dernier le gouvernement et les Länders ( régions) décidaient de fermer restaurants, bars, salles de spectacle et installations sportives pendant 5 semaines. Dans le même temps les commerces, les entreprises et les écoles échappaient au couperet. Si Angela Merkel expliquait avoir « décidé de prendre des mesures pesantes pour le pays en tenant compte des conséquences politiques et économiques », il s’agissait alors surtout pour la chancelière d’éviter les mesures trop restrictives sur la vie économique.
Début décembre, face à l’augmentation du nombre de contaminations, la chancelière reconduisait les mesures de confinement et en durcissait les conditions. La fermeture des restaurants, bars et activités de loisirs était prolongée au moins jusqu’au 20 décembre, dans le même temps les Länder et l’exécutif décidaient de réduire le nombre de personnes autorisées dans les magasins et les réunions privées étaient limitées à 5 personnes. La semaine dernière, décision était prise de prolonger ces mesures jusqu’au 10 janvier.
En Allemagne la stratégie de gestion de la crise sanitaire aura donc été celle d’un confinement light, visant à préserver l’économie pour ne pas froisser les intérêts des grands groupes capitalistes. Idéologiquement, l’objectif du discours de Merkel a été de faire reposer la circulation du virus sur la responsabilité individuelle, appelant à un prétendu « civisme allemand ». Si des parallèles peuvent être dressés avec la gestion française, le parti pris pour la conservation de la vie économique aura été plus assumé encore. Angela Merkel n’a cessé de répéter qu’elle ne voulait pas restreindre les libertés économiques, parce qu’elle savait en tant qu’ancienne allemande de l’est ce que ces restrictions représentaient. Sur le plan sanitaire donc, la priorité aura toujours été accordée à l’économie, au maintien du grand capital et de l’activité, au prix de la santé des travailleurs et au maintien de clusters importants, sur les lieux de travail et dans les transports.
Une stratégie dans la continuité de celle mise en place pendant la première vague lorsque l’Allemagne avait mené une politique au service du patronat et de ses profits. Stefan, militant de Klasse Gegen Klasse et membre de notre réseau international La Izquierda Diario, nous le rappelait en mars dernier : « le gouvernement fédéral a prioritairement mis en place le sauvetage des profits des entreprises. Cette semaine, un plan d’aide massif a été annoncé, qui comprend la somme gigantesque de 600 milliards d’euros, dont 156 milliards sont des nouvelles dettes. Pour compléter cela, le Fond Allemand pour la Reconstruction engage 449 milliards d’euros pour soutenir les mesures de l’Etat fédéral. En tout, il s’agit de la somme invraisemblable de 1,2 milliards d’euros qui serait consacrée au sauvetage des profits capitalistes. En effet, ces chiffres donnent la nausée, surtout quand on sait qu’il s’agit d’argent public et qu’en comparaison, seulement 3 milliards sont censés financer les besoins sanitaires dans les hôpitaux. »
Réduire les libertés après Noël tout en maintenant les profits
La période des fêtes est au cœur des préoccupations ces derniers jours. Si Noël semble être une fête de famille intouchable pour les Länder et l’exécutif, le principe d’imposer un confinement dur et de nouvelles restrictions des libertés individuelles après cette fête fait son chemin. Ainsi dans les régions du Bade-Wurtember et de la Bavière, dans le sud du pays, un couvre-feu a d’ores et déjà été annoncé. Tobias Hans, ministre président de la Sarre, région limitrophe de la France, a confirmé ce nouvel état d’esprit : « Nous devons revenir à des restrictions plus fortes dans toute l’Allemagne ».
Après avoir laissé circuler le virus, le gouvernement allemand ne semble vouloir proposer qu’une nouvelle intensification des mesures restrictives face au virus tout en priorisant l’économie à tout prix. En ce sens, alors que le gouvernement allemand et les seize responsables régionaux avaient prévu de se retrouver le 4 janvier, une réunion d’urgence devrait se tenir avant Noël. Une réunion dont les objectifs sont déjà affichés alors que Helge Braun, le chef de la chancellerie, a plaidé pour « qu’aucune fête ne soit organisée pour le nouvel an ».
Tout comme en France, il y a donc de quoi s’inquiéter. D’autant plus que les conséquences de la crise économique s’ajoutent au tableau et que ces restrictions individuelles se jouent sur fond de climat réactionnaire lorsque médias et gouvernement avaient fait campagne contre les « grands mariages » des migrants, à l’aune de la seconde vague. Et ce alors que les principales mesures contre la deuxième vague ont été les restrictions de contact et maintenant les couvre-feux. Dans le même temps des millions de personnes doivent continuer à travailler dans des zones à risque, sans contrôle sur les conditions d’hygiène et exposées à l’arbitraire des patrons.
Une fois de plus, face à l’irresponsabilité des gouvernements, qu’ils soient français ou allemand, qui donnent un blanc-seing au patronat pour maintenir la production, les travailleurs et travailleuses devront s’organiser pour imposer des mesures sanitaires à la hauteur, obtenir la transparence sur les contaminations ou encore faire fermer les productions non-essentielles.