AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : Acrimed
L’humoriste Sophia Aram, qui sévit chaque lundi dans la matinale animée par Nicolas Demorand et Léa Salamé sur France Inter, prétend vouloir « rassembler » et lutter « contre les divisions ». Une mascarade teintée de démagogie quand on (ré-)écoute ses chroniques.
Sophia Aram ne rigole plus. Les poings serrés, elle s’insurge, sur France 5, contre « ce virus », qui « en plus de toutes ces horreurs qu’il commet, il fait quelque chose de terrible, [il] nous divise ! Il oppose les uns aux autres. [1] »Émue, elle lance ensuite un vrai appel du cœur : « Peut-être que le rôle de la culture, c’est de rassembler, de mettre fin à ces divisions, à ces oppositions. […] Il va falloir que l’on se pose tous et qu’on arrête de se foutre sur la gueule, qu’on oppose les Parisiens contre les Marseillais… On n’en peut plus de se foutre sur la gueule ! Nous, notre boulot en tant qu’artistes, c’est de dire, “ouais, faut qu’on se rassemble”. »
« Ouais, faut qu’on se rassemble ». Pourquoi pas. Voyons donc comment « la culture » de Sophia Aram « rassemble » tous les lundis matins sur France Inter. Autrement dit, que fait-elle pour « mettre fin aux divisions » ?
Contre les « crétins » et les « cons »
Le 13 avril 2020, par exemple, en plein confinement, et alors qu’aucune étude ne valide (ou n’invalide) encore l’efficacité de la chloroquine contre le Covid-19 [2], elle estime, péremptoire, que cette molécule est « le plus formidable appeau à crétins de l’histoire de la pharmacopée. Une sorte d’exhausteur de bêtise, un révélateur de crétinerie. » On l’a compris, Sophia Aram n’aime pas les crétins… et encore moins les cons. Mais pas du tout. Dès la publication d’un article – retiré depuis [3] – dans The Lancet [4]invalidant selon des procédés douteux l’usage de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19, elle tweete, furibonde : « Je ne sais pas si l’étude du Lancet clôt le débat scientifique sur la #Chloroquine, mais je sens venir le temps du plus gigantesque MUR DES CONS de l’histoire. » (22 mai)
Le 25 mai, juste après la parution de l’article en question, elle pérore sur France Inter : « Contrairement à Monsieur Douste-Blazy, sur ce sujet au moins, je ne passe pas pour une abrutie finie. » Puis, elle ajoute : « Je n’ai même pas d’avis sur la chloroquine […]. En revanche, si ça peut vous consoler, j’ai un avis sur ceux qui, en dehors du champ scientifique et médical ont un avis sur la chloroquine ». Son avis ? « Je pense juste que ce sont de nuisibles crétins. » Et même « des traîtres ». Ses cibles ? Patrick Cohen [5], Raphaël Enthoven, Olivier Véran… qui ont tous un avis sur la chloroquine ? Non, évidemment. Elle alerte sur le fait que pêle-mêle, et sans distinction, « Ségolène Royal, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Jean-Marie Bigard, Donald Trump aient un avis sur la chloroquine. » Et son but, admet-elle, serait de « faire taire un sacré paquet de cons. » Quoi que l’on pense de ce traitement et de son efficacité, Sophia Aram a de drôles de manières pour mettre fin aux divisions !
Durant le confinement du printemps 2020, elle avait déjà échafaudé une chronique contre les « cons » (hé oui !) : « Si le présent t’inquiète et que l’avenir t’angoisse. Si le confinement te pèse et le déconfinement te fout la trouille… (…) devenez cons. » Devenez « idiot, demeuré, décérébré, puéril, primaire… à la manière d’un bulot, d’une huître morte ou », ajoutait-elle, « d’un fan de Donald Trump » [6]. Quand on veut rassembler, il est tout de même cocasse de traiter de « cons » les dizaines (centaines ?) de millions de fans de Trump…
D’autres « cons » encore ? Oui : « Tous ces décérébrés, qu’ils soient militants, universitaires ou animateurs télé, venant dégouliner leur compassion morbide sur les musulmans pour leur expliquer qu’il est normal, compréhensible d’être bouleversé, meurtri, blessé par un putain de dessin ! » Accusés parmi d’autres (dans la même chronique, au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty) de « prépare[r] le terrain [aux terroristes] », leur bêtise n’ayant visiblement pas résisté aux efforts de « dessinateurs, professeurs » pour… les « rendre moins cons ».
Le disque de Aram semble rayé… Mais sa croisade contre les cons ne s’arrête pas là !
Contre « Hanouna » et les « Gilets jaunes »
Le 18 mai par exemple, elle s’en prend à celui « qui vient jeter son masque sur le trottoir ». Puis elle s’énerve (encore, décidément) : « En fait la seule différence entre toi et un égout c’est que l’égout lui, il est utile. » Plus subtile, elle enchaîne : « Techniquement tu es aussi insaisissable qu’un poil pubien venu se coller dans le repli de la cuvette juste pour narguer la brosse à chiotte que toi, tu n’utiliseras certainement jamais de ta vie. » Avant de conclure sur ce que mérite le coupable : « une simple mandale, un job de chroniqueur à vie chez Hanouna ou un saladier de taboulé rempli de raisins sec… »
Il y a tout dans cette diatribe : la fin des divisions et le rassemblement tant souhaité par l’humoriste révoltée. Cette chronique indignée – mais sans effet (puisque selon une étude d’Acrimed, peu d’auditeurs de France Inter jettent leur masque) – se conclut par une attaque en règle contre « Hanouna ». Une attaque à peu de frais sur France Inter…
Contrairement à Cyril Hanouna d’ailleurs [7], les animateurs des matinales de France Inter n’ont pas fait le choix de recevoir des Gilets Jaunes. Sur la radio publique, on a préféré les dénigrer à l’instar de Thomas Legrand ou… de Sophia Aram elle-même.
Pour mémoire, donc, voici ce que disait l’humoriste au début du mouvement :
Quand j’ai vu que les premiers Gilets jaunes étaient soutenus par Le Pen, Mélenchon, Wauquiez, Philippot, Corbière, Ruffin et Asselineau, j’ai tout de suite compris qu’en plus de la magie de noël, il y avait celle du gilet jaune lui-même. (…) Le gilet jaune est magique, il peut transformer n’importe quelle endive en Che Guevara des ronds-points. (…) Quand on voit le nombre d’exactions, de violences, de haines, de propos antisémites, racistes, homophobes, sexistes proférés pendant ces manifestations par des gens portant un gilet jaune, pensez-vous vraiment qu’il y aurait aussi peu de gilets jaunes que ça dérange, sans magie ? [8]
Plus récemment (14 septembre 2020), et après avoir à nouveau excellé dans le mépris de classe pour les nuls en soulignant « le choix [d’Éric Drouet] de recentrer son activité dans le tuning de Jaguar d’occasion », après avoir traité Jérôme Rodrigues d’ « abruti », elle résume encore les Gilets jaunes à sa manière – si fédératrice : « Un mouvement ayant plus fait pour les fabricants de vitrines que pour la justice sociale. »
Fermons le ban.
Chaque lundi matin, dans des élans d’un grand conformisme, la très progressiste Sophia Aram – qui se définit elle-même « bien-pensante et bobo-assumée » – vilipende l’ensemble des électeurs de Donald Trump, les Gilets jaunes, les pro-hydroxychloroquine, les téléspectateurs des émissions de Cyril Hanouna, les « islamo-gauchistes »… Mais à la fin que reste-t-il ? Ses collègues de France Inter et une poignée d’auditeurs ? C’est bien peu pour celle qui en appelle au « rassemblement ». Alors Sophia Aram, « on arrête de se foutre sur la gueule » ?
Mathias Reymond
[1] Dans l’émission, « C à vous », sur France 5, 11 décembre 2020.
[2] À ce sujet, lire notre article « Chloroquine : une saga médiatique ».
[3] La revue déclarant : « Nous ne pouvons plus nous porter garants de la véracité des sources des données primaires » utilisées dans l’article…
[4] Revue médicale britannique qui jouit d’un prestige et d’une renommée internationale.
[5] Voir notre article « Chloroquine et Didier Raoult : la mauvaise foi de Patrick Cohen ».