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SOURCE : Cnews
Inigo Errejon, le président du parti de gauche Mas Pais, a porté le projet. [Pierre-Philippe Marcou / AFP]
Le gouvernement espagnol lance une expérimentation de la semaine de travail de quatre jours pour les entreprises intéressées. Les salariés travailleront donc 32 heures réparties sur quatre jours, sans voir leur salaire baisser.
Ce projet fait suite à la proposition du parti de gauche Mas Pais. «Avec la semaine de quatre jours (32 heures), nous ouvrons un authentique débat de société», a tweeté Inigo Errejon, le président du parti. «Cela suscitera la controverse, mais de quoi doit s’occuper la politique, si ce n’est du temps de vie ?»
Concrètement, l’expérience devrait débuter en automne. Les détails ne sont pas encore connus, mais elle pourrait concerner jusqu’à 200 entreprises espagnoles, et entre 3.000 et 6.000 salariés. Mas Pais a par ailleurs proposé d’allouer à cette opération un budget de 50 millions d’euros, répartis sur trois ans entre les compagnies concernées.
Objectif : «Voir une vraie réduction du nombre d’heures travaillées, sans perte de salaire ni licenciements», résume Hector Tejero, membre de Mas Pais.
PLUS DE PRODUCTIVITÉ ?
Pour justifier ce projet, Mas Pais a réuni plusieurs arguments. D’abord, selon le parti, la semaine de quatre jours favorise la productivité. Les salariés bénéficiant de trois jours de repos sont moins fatigués, moins stressés, et donc plus efficaces. C’est en tout cas ce qu’a démontré un projet de Microsoft au Japon, en 2019 : après plusieurs mois de semaine de quatre jours, la productivité des employés a augmenté de 40%.
Mais ce n’est pas le seul avantage. Au-delà de rendre les salariés plus heureux, et moins susceptibles de faire un burn-out, la semaine de quatre jours serait aussi en accord avec l’environnement. Une étude du CEPR (Center for Economic Policy Research) a par exemple montré que si les Américains – qui travaillent extrêmement longtemps – avaient le même nombre d’heures de travail que les Européens, les Etats-Unis observeraient une baisse de 20% de leur consommation d’énergie.
Malgré ces arguments, la semaine de quatre jours peine à s’imposer. Au Royaume-Uni, le parti travailliste y est ouvert, tout comme le sénateur américain Bernie Sanders. Mais l’Espagne est pour l’instant l’un des seuls pays à lancer ce projet à grande échelle.
NOUVEL ÉCHO AVEC LA PANDÉMIE
La crise sanitaire changera-t-elle la donne ? Cet été 2020, la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern a apporté son soutien à la semaine de quatre jours, qui permettrait selon elle de relancer l’économie. Les salariés avec un jour de repos supplémentaire pourraient partir en week-end, faire du sport ou visiter des lieux culturels, ce qui boosterait le tourisme et le secteur des loisirs. L’idée est à l’étude en Nouvelle-Zélande, mais rien n’a encore été acté.
En France, on pense exactement l’inverse. D’après le Medef, pour éviter la crise économique, il faudra travailler plus. Voire revenir sur les 35 heures. D’autant plus que, selon ses détracteurs, la semaine de quatre jours serait très difficile à mettre en place. Elle perturberait l’organisation de l’entreprise et ne pourrait s’appliquer qu’à certaines compagnies en particulier. Par exemple, pour des métiers tels que vigiles ou boulangers, où la rémunération dépend du temps passé à exercer l’activité, la semaine de quatre jours pourrait être difficile à envisager.
Une telle initiative reste donc relativement confidentielle en France. Quelques entreprises ont tout de même sauté le pas. C’est le cas d’Yprema, spécialisée dans le recyclage des matériaux de construction, où les employés travaillent 35 heures réparties sur quatre jours depuis 1997, sans voir leur salaire baisser.