Challenges publie un article sur le “salaire à vie” de Friot

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SOURCE : Challenges

Bernard Friot est un économiste communiste de la première heure qui a développé un argumentaire décapant sur le salaire à vie qu’il distingue nettement du revenu universel. Explications. 

Bulletin de paie

 

L’attachée de presse de Bernard Friot, auteur de Un désir de communisme (ed. Textuel) nous a organisé un rendez-vous avec l’universitaire, au Frappé, le café de la Monnaie de Paris. On fait l’économie de l’universitaire, agé de 74 ans, des questions stupides des journalistes au service du capital du genre ” Comment peut-on être encarté au PCF depuis 1970 ? ” ou encore ” Avez-vous conscience d’être un utopiste ? “. L’homme, à la fois vintage et furieusement tendance, fait penser à Bernie Sanders, le héros de l’aile gauchiste du parti démocrate américain. Il aime la controverse, la vraie, le débat d’idée. Il n’a pas peur d’utiliser dans la conversation des mots comme ” travailleurs ” ou ” bourgeoisie ” comme pouvaient le faire les hiérarques du parti jadis. Mais à l’écouter, il parait bien moins ringard et plus ouvert que certain de ses collègues de la gauche de la gauche. Les économistes atterrés ou Attac, ce n’est pas son truc, et ils les considèrent pour la plupart comme des Keynésiens. Ce qui n’est pas un compliment dans la bouche d’un vrai communiste qui déclare ” n’avoir aucune confiance dans l’Etat “. Son truc, c’est bien la ” collectivisation des moyens de production “, ce qui est bien différent de la nationalisation. Et il aime bien se frotter à ” la frange éclairée des capitalistes “, par exemple ces trentenaires issus de nos grandes écoles, qui ne supportent plus ce que leur propose le marché du travail et ne rêvent que de mettre leurs talents au service d’entreprises libérées ou de fondations sans but lucratif. ” Il y a aussi ces cadres de l’industrie aéronautique, qui se demandent comment et pourquoi utiliser leur savoir-faire alors que le secteur s’apprête à supprimer des milliers et des milliers d’emplois “. On l’aura compris, et c’est que qui rend notre interlocuteur attachant : on a affaire à un homme libre.

Très loin du revenu universel

Les racines de sa pensée remontent à la Libération, un moment de l’histoire économique ou tout était à reconstruire et les horizons très large. L’époque des ” Jours heureux “, le fameux intitulé du programme du Conseil national de la résistance. Il connait si bien cette période qu’il en connait la portée mythique, qui ne correspond pas forcément avec la réalité historique. Sa grande idée est de poursuivre l’œuvre entreprise à l’époque en généralisant le modèle assurantiel -dit bismackien- qui a inspiré la création de la sécurité sociale. Un modèle qu’il oppose à celui de l’Etat providence -dit modèle Beverigien- qui repose, lui , sur l’assistanat. Son modèle de ” salaire à vie ” diffère ainsi de celui de ” revenu de base ” (tendance à gauche), qui est lui-même une variante du  ” revenu universel ” (tendance libérale libertaire “. ” Cela n’a rien à voir, créer un revenu de base ou universel c’est de l’assistanat, l’Etat assure un plancher de ressources, c’est une mesure de lutte contre la pauvreté. Il ne s’agit en aucun cas de sortir du statut capitaliste du travailleur “. A y regarder de plus prêt, il est vrai que le salaire à vie va bien plus loin.

Promoteur du changement de vie

De quoi s’agit-il ? « Faisons de tous les salaires et pensions un attribut de la personne versé par le régime général de Sécurité sociale géré par les seuls travailleurs et devenu caisse des salaires. » Il s’agit ni plus ni moins que « d’abolir le marché du travail en liant la rémunération à la qualification de la personne ». Comme dans la fonction publique, des grades sont affectés à chacun des travailleurs auxquels correspondent des rémunérations comprises dans une fourchette de 1700 à 5000 euros par mois. Un jury va juger trois ou quatre fois dans une carrière de la qualification de chacun, en évaluant notamment le parcours des uns et des autres.  Fini les rémunérations liées à des objectifs de performances, que l’on voit fleurir dans le capitalisme, mais aussi dans la fonction publique moderne. On revient au système du « point d’indice », ou l’on tient compte de l’ancienneté, de l’utilité sociale, de concours etc. Un système un peu complexe, inspiré par exemple des usages dans le déroulé de la carrière des universitaire, que Friot décrit par le menu dans l’œuvre de Friot. « Il ne s’agit pas d’évaluer ici et maintenant ce que je fais, mais de tenir compte de ce que j’ai fait et apporté » détaille le penseur communiste qui voudrait favoriser et institutionnaliser par ce système les ruptures de carrière. « J’ai été maçon et prouvé dans mon métier des qualités, je dois pouvoir les mettre au service d’autre chose, par exemple en devenant chef de chœur ». Une vision qui correspond très précisément à la demande de pouvoir « changer de vie » qui émane d’une partie de la société. On se pince en écoutant Priot, mais son talent est de se remettre en selle, avec un mix de réalisme et d’utopisme pragmatique. Celui du programme du Conseil national de la résistance, qui décida de confier aux travailleurs la gestion de leur sécurité sociale. De là à leur confier la gestion de toute la société, c’est le pas que franchit le communiste Bernard Friot.

 


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