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SOURCE : L'Anticapitaliste
Le décès par cancer de la juge de la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg, le 18 septembre à l’âge de 87 ans, a encore polarisé la situation politique aux États-Unis. Sa mort permet au président Donald Trump de nommer un nouveau juge avant les élections du 3 novembre.
Le Sénat, contrôlé par les Républicains, doit confirmer le candidat. Trump a déclaré qu’il nommerait une femme pour le poste cette semaine et Mitch McConnell, le chef du Sénat, a déclaré qu’il entamerait immédiatement le processus de confirmation.
L’échéance de la présidentielle
Le candidat à la présidence démocrate Joe Biden soutient que le peuple devrait élire le président et qu’après l’élection, le président devrait nommer un nouveau juge à la Cour suprême. Les Démocrates soulignent qu’en 2016, l’ancien président Barack Obama a nommé Merrick Garland à la Cour suprême, mais que le Sénat à majoritérépublicaine a refusé de le confirmer parce qu’Obama était dans sa dernière année, arguant que le nouveau président devrait faire le choix.
S’il est confirmé, le nouveau juge pourrait éventuellement voter sur le résultat de l’élection présidentielle de novembre s’il y avait des contestations devant les tribunaux. En 2000, les résultats du scrutin présidentiel dans l’État de Floride ont été contestés devant les tribunaux et la Cour suprême a effectivement tranché pour le Républicain George W. Bush plutôt que pour le Démocrate Al Gore.
Ginsburg, la deuxième femme à siéger à la Cour suprême, a combattu dans de nombreuses affaires judiciaires concernant les inégalités de genre et les droits des femmes en tant qu’avocate. Plus tard, en tant que juge, elle aémis de nombreuses opinions dissidentes importantes plus progressistes que la majorité de la Cour. Elle a été pendant des années l’une des quatre libérales de ce tribunal de neuf personnes et elle est devenue une icône pour les libéraux et de nombreuses femmes. En 2018, elle a fait l’objet du documentaire RGB et du grand film On the Basis of Sex. Après sa mort, le Parti démocrate a levé 46 millions de dollars pour l’élection en quelques jours seulement.
Une institution puissante
La Cour suprême des États-Unis est l’une des trois branches du gouvernement, théoriquement égales à l’exécutif et au législatif. Les juges servent à vie, sauf procédure de destitution (« impeachment ») et aucun membre de la Cour n’a jamais été révoqué. Le tribunal est extrêmement puissant. Il a le pouvoir de contrôle de constitutionnalité, c’est-à-dire le pouvoir d’annuler les lois adoptées par le Congrès qui sont jugées inconstitutionnelles et il peut annuler les lois des États en conflit avec la loi fédérale. Les conservateurs se battent depuis des décennies pour annuler les décisions de la Cour suprême qui donnaient aux femmes le droit à l’avortement et protégeaient les droits des LGBT. En 2010, la Cour à majorité conservatrice a donné aux particuliers, aux entreprises et aux syndicats le droit de faire des contributions financières illimitées aux candidats à des fonctions politiques, donnant aux riches un plus grand pouvoir dans les processus électoraux.
Changer l’équilibre de la Cour ?
Le pouvoir du président de nommer les juges peut changer l’équilibre de la Cour et affecter le pays pendant des décennies. Les deux principales femmes que Trump envisage de nommer – dont une cubano-américaine – sont à la fois catholiques et vraisemblablement anti-avortement. Si le candidat de Trump est confirmé, Biden (s’il est élu) pourrait riposter en élargissant le tribunal pour y ajouter plus de libéraux, car il n’y a pas de nombre de juges fixé par la Constitution. Mais lorsque le président Franklin Roosevelt a essayé une action du même type dans les années 1930, il a échoué.
La possibilité que Trump puisse choisir un autre juge avant les élections ne manquera pas de mobiliser à la fois les conservateurs et les libéraux, en particulier les femmes libérales. À six semaines des élections, cette question pourrait éclipser le débat autour de la politique catastrophique sur le Covid et de la dépression économique vers l’affrontement au Sénat. Ce débat autour de la Cour renforce le libéralisme et marginalise davantage la gauche, du moins pour le moment.
Traduction Henri Wilno