Lettre à Bruno Le Maire à propos de la directive sur la transparence fiscale

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SOURCE : Attac

« Monsieur le Ministre, nous vous écrivons en tant qu’organisations membres de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, mobilisées depuis 15 ans sur la lutte contre l’évasion fiscale, au sujet de la proposition de directive sur le reporting pays par pays des entreprises multinationales. Nous vous demandons de vous assurer que ce dossier figure bien à l’ordre du jour de la prochaine réunion du « Droit des sociétés » du 12 octobre, et à l’agenda de la réunion du Conseil Compétitivité du 19 novembre, et de soutenir sans tarder un accord ambitieux et l’adoption d’une « approche générale ».»

Comme vous le savez sans doute, l’Autriche a récemment changé sa position à l’égard de cette proposition, ce qui signifie qu’il existe désormais une majorité qualifiée d’États membres en faveur de l’adoption d’une approche générale. Vous vous êtes prononcé plusieurs fois en faveur de l’adoption de cette mesure clé contre l’évasion fiscale, et celle-ci a enfin l’occasion de progresser au niveau européen. Nous vous demandons de contacter l’actuelle présidence du Conseil de l’Union Européenne pour lui indiquer que la proposition de directive doit être à l’ordre du jour de ces réunions. En effet, dans son rôle de présidente du Conseil, l’Allemagne doit agir en que facilitatrice neutre, en tenant compte des développements politiques récents concernant cette directive, pour parvenir à un accord tant au niveau technique que politique.

Les scandales d’évasion fiscale ont montré à quel point de grandes entreprises multinationales continuent de dissimuler le montant des impôts qu’elles payent ainsi que le lieu de leurs activités, malgré la mise en œuvre d’un reporting pays par pays non public. Le reporting public permettrait de mettre un terme au secret qui entoure les activités des multinationales, en donnant des informations clés aux décideurs et décideuses politiques, ainsi qu’aux citoyen·ne-s, salarié·es, journalistes, actionnaires, investisseurs·euses et autorités fiscales de l’Union européenne comme des pays en développement.

Seule cette mesure permettrait aujourd’hui de s’assurer que les entreprises paient bien leurs impôts en fonction de leurs activités, et ne procèdent à de l’évasion fiscale, dans un moment clé où la puissance publique apporte un soutien budgétaire et financier important aux entreprises touchées par les conséquences de la crise sanitaire.

Si l’impasse politique au sein du Conseil a jusqu’ici empêché l’adoption de cette mesure au sein de l’Union Européenne, l’importance du reporting public et son intérêt dans la lutte contre l’évasion fiscale ont conduit des à avancées importantes. A l’heure actuelle, les législateurs des États-Unis envisagent également une proposition législative pour introduire un reporting pays par pays public. De nombreuses entreprises et investisseurs soutiennent également cette mesure : de nombreuses grandes entreprises publient volontairement ces informations, des investisseurs institutionnels plaident pour un reporting obligatoire, et l’année dernière, la Global Reporting Initiative, plus grand processus de reporting volontaire de développement durable, a adopté une nouvelle norme introduisant le reporting public.

Bien que la proposition de la Commission européenne comporte plusieurs lacunes graves, qui doivent être comblées pour assurer une transparence réelle, nous nous étions félicité-e-s de la proposition de directive pour élargir le reporting pays par pays public à tous les secteurs d’activité. Il est particulièrement important que la France veille à ce que les entreprises multinationales déclarent ces informations pays par pays dans tous les pays où elles opèrent, et que les échappatoires permettant aux entreprises de différer ou d’éviter de publier leurs reportings ne soient pas intégrées à la proposition.

La responsabilité incombe désormais à la France, et aux autres gouvernements de l’Union Européenne qui ont soutenu cette proposition de directive, de s’assurer que la présidence actuelle du Conseil de l’Union Européenne facilite le dialogue sur ce dossier et que le Conseil adopte enfin une position. Nous vous invitons à contacter les ministres Christine Lambrecht, Olaf Scholz et Peter Altmaier pour demander que la présidence allemande mette la directive à l’ordre du jour du groupe « Droit des sociétés » le 12 octobre, puis à l’ordre du jour de la réunion du Conseil Compétitivité du 19 novembre, et à soutenir un accord ambitieux et l’adoption sans délai d’une «approche générale».

Dans l’attente d’une réponse de votre part, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre très haute considération.

Paris, le 7 Octobre


  • Elise Van Beneden, Présidente, Anticor
  • Raphaël Pradeau, Porte-parole, Attac
  • Sylvie Bukhari-de Pontual, Présidente, CCFD-Terre Solidaire
  • Chantal Cutajar, Présidente, OCTFI
  • Cécile Duflot, Directrice Générale, Oxfam France
  • Sandra Cossart, Directrice, Sherpa
  • François-Xavier Ferrucci, Secrétaire Général, Solidaires Finances Publiques
  • Jean-Louis Marolleau, Secrétaire Exécutif, Réseau Foi et Justice Afrique Europe

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