🎬 Libre-échange: une stratégie seulement chinoise ?

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SOURCE : France culture

Avec plus de 30 % de la croissance et de la population mondiale,le nouvel accord commercial en Asie du Sud-Est instaure la plus grande zone de libre échange de la planète : un succès pour le multilatéralisme « à la chinoise » ?

Sans être à l'origine de l'accord, Pékin se place dans le "rayon de soleil" du RCEP selon le Premier Ministre Li Keqiang (applaudissant). La "force gravitationnelle" de la Chine est un atout dans la bataille mondiale des marchés et des normes.
Sans être à l’origine de l’accord, Pékin se place dans le “rayon de soleil” du RCEP selon le Premier Ministre Li Keqiang (applaudissant). La “force gravitationnelle” de la Chine est un atout dans la bataille mondiale des marchés et des normes. Crédits : HANDOUT / VIETNAM HOST BROADCASTER – AFP

L’accord jouera doit jouer le rôle classique de « booster » de croissance avec un gain attendu de 0,2 % de PIB pour les Etats membres ; et un ajout de 160-186 Mrd $ à la valeur des échanges mondiaux. S’il « excessif d’en conclure que l’accord va bouleverser les réalités du commerce mondial », prévient Sébastien Jean dans The Conversation, il n’en reste pas moins le plus grand de l’histoire en termes de surface…

Accélérateur d’intégration régionale

50-60 % du commerce des membres de l’Asean est déjà intra-régional, souligne Sébastien Jean ; et « bien plus qu’un accord de libre-échange » écrit Mathilde Lemoine dans Les Echos, le RCEP qui regroupe pour la première fois les deux premières économies mondiales hors Etats-Unis (Chine et Japon) va accélérer le développement d’infrastructures, des télécoms et des investissements.

C’est même un pas vers « l’autonomisation » de l’Asie : l’accord privilégie explicitement les entreprises locales plutôt qu’américaines ou européennes ; et  il consolide la  stratégie de « régionalisation des chaînes de valeurs » qui avait déjà permis  aux pays Asean d’augmenter leur part dans les exportations mondiales  : de 26 % à 34 % en un peu plus de 15 ans.

La Chine, qui n’a que rejoint un le processus initié par l’Indonésie en 2012, y occupe désormais un rôle central : Elle complète sa gamme d’accords et de dispositifs de financements régionaux, OCS, et BAII rappellent Emmanuel Lincot et Véron dans The Conversation ; et elle trouve un nouveau relais pour ses Routes de la Soie en  direction du sud-est asiatique.

Vers un « consensus de Pékin » ?  

L’expression a surtout utilisée en diplomatie – par allusion au consensus de Washington de 1994 – mais elle résumerait bien le fonctionnement de cet accord particulier : à la fois « immense » en surface dit Sébastien Jean, et « nettement moins ambitieux » que ses concurrents avec une baisse de droits de douanes moindre (92 %), empli de should plutôt que de  shall  –  de recommandations plutôt que d’obligations formelles remarque le Asia Society Policy Insitute.

Cette stratégie de « trous dans la raquette » permet le plus large consensus, tout en excluant certains secteurs stratégiques : agriculture, commerce en ligne, véhicules électriques, ce dernier à la demande de la Chine ; il faut dire qu’avec presque  2/3 du PIB régional, elle peut facilement organiser ce multilatéralisme est-asiatique :

Non seulement, Pékin multiplie les Zones Economiques Spéciales sans frais de douanes (plus de 2500), mais elle poursuit aussi depuis 10 ans une  stratégie d’influence normative discrète mais efficace : beaucoup plus de normes que l’UE, qui s’appliquent moins par obligation que par la masse-même du marché chinois : à la fois puissance « gravitationnelle » et « Muraille de Chine » déguisée, disait le Directeur Général de l’Afnor en 2012, la normalisation est « l’outil caché de la stratégie chinoise ».

Relancer l’Asie, ou distancer les Etats-Unis : coup de semonce pour le multilatéralisme mondial ?  

Dans le contexte du retrait américain depuis 2017, tout le monde l’a souligné : la Chine « cimente sa position » économique et diplomatique : les Etats-Unis en sont exclus et pour la première fois, les  grand rivaux régionaux (Japon, Corée du Sud et Chine ) sont dans le même accord.

Même si ni l’Inde  ni Taïwan n’y participent, le RCEP est « un signal de réveil pour les USA », titre l’ Asia Society Policy Institute. L’Asie, c’est 50 % du PIB mondial et Joe Biden a déjà  prévu de proposer aux Européens une nouvelle feuille de route pour que les 50% restants ne soient pas abandonnés à la Chine ou à d’autres qui « dicter les conclusions parce qu’ils ont le champ libre ».

Plus encore, le RCEP est un exemple réussi de régionalisation de l’économie, écrit dans Les Echos Jean-Louis Guigou, pour qui « ce que font les chinois prépare le monde post-covid en valorisant » une complémentarité régionale. Contre « le dogme des chaînes de valeur globales », « la proximité » est l’atout clef de la baisse des coûts, réactivité de l’offre, relations interhumaines et réduction des risques monétaires.

Or, dans ce grand « compactage [mondial] des chaînes de valeur » par quartier d’orange verticaux, « la méga-région Afrique-Méditerrannée-Europe » a pris du retard, ajoute Jean-Louis Guigou… La régionalisation, plutôt que le rapatriement forcé : une solution qui permet de sortir des injonctions nationalistes et une piste pour le futur « partenariat stratégique » UE-Afrique, l’ « Eurafrique » dont les discussions débutent cette année ?


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