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SOURCE : Les crises
Source : Consortium News, Chris Hedges
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Les dirigeants politiques américains affichent un décalage croissant avec la réalité, destiné à masquer leur complicité dans la prise de pouvoir des entreprises mondiales et des milliardaires.
La victoire de Joe Biden a instantanément effacé l’accusation récurrente du Parti démocrate selon laquelle la Russie détournait et compromettait les élections américaines. La victoire de Joe Biden, insistent maintenant les dirigeants du Parti démocrate et leurs courtisans dans les médias, est la preuve que le processus démocratique est fort et sans tache, que le système fonctionne. Les élections ont ratifié la volonté du peuple.
Mais imaginez que Donald Trump ait été réélu. Les démocrates et les experts du New York Times, de CNN et de MSNBC rendraient-ils hommage à un processus électoral équitable ? Ou, après avoir passé quatre ans à essayer de remettre en cause l’intégrité de la course à la présidence de 2016, sortiraient-ils une fois de plus l’argument éculé de l’ingérence russe pour dépeindre Trump comme le candidat Mandchou de Vladimir Poutine ? [réf au Thriller politique de Richard Condon « The Mandchoue candidate » , NdT]
Trump et son avocat Rudy Giuliani sont vulgaires et bouffons, mais ils jouent le même jeu malsain que leurs adversaires démocrates. Pour les républicains, le bouc émissaire c’est l’État profond, les communistes et maintenant, bizarrement, le Vénézuela ; pour les démocrates, le bouc émissaire, c’est la Russie. L’écart grandissant de l’élite au pouvoir par rapport à la réalité vise à masquer sa complicité dans la prise de pouvoir par des entreprises mondiales prédatrices et des milliardaires.
« C’est une chose honteuse qui a été faite dans ce pays, a déclaré M. Giuliani lors de sa récente conférence de presse. Probablement pas beaucoup plus honteux que ce que que ces gens ont fait au bureau, que vous n’avez pas et ne vous donnez pas la peine de couvrir et que vous cachez au peuple américain, mais nous avons laissé cela se produire, nous utilisons en grande partie une machine de vote vénézuélienne pour comptabiliser nos votes. Nous avons laissé cela se produire. Nous allons devenir le Vénézuela. Nous ne pouvons pas laisser cela nous arriver. Nous ne pouvons pas permettre à ces escrocs, car c’est ce qu’ils sont, de voler une élection au peuple américain. Ils ont élu Donald Trump. Ils n’ont pas élu Joe Biden. Joe Biden est en tête à cause des bulletins de vote frauduleux, des bulletins illégaux, qui ont été produits et dont l’utilisation a été autorisée, après la fin de l’élection. »
La diatribe de Giuliani a été complétée par celles de Sidney Powell, jusqu’à hier un autre avocat de Trump, qui a accusé les logiciels conçus pour Hugo Chavez, décédé en 2013, de l’échec de Trump, ainsi que « l’influence massive de l’argent communiste ». Le logiciel « a été créé pour que Hugo Chavez ne perde jamais une autre élection, et il ne l’a pas fait après la création de ce logiciel, a déclaré Powell. Il a gagné toutes les élections et ils l’ont exporté en Argentine et dans d’autres pays d’Amérique du Sud, puis ils l’ont apporté ici. »
Comparez cela à la façon dont Hillary Clinton, au cours de la récente campagne des primaires, a averti que les Russes « préparaient » une candidate féminine, largement supposée être la député Tulsi Gabbard, à se présenter comme candidate d’un tiers parti pour servir les intérêts russes. Auparavant, Clinton avait qualifié la candidate du Green Party de 2016, Jill Stein, « d’atout russe ». Elle a insisté, bien que le conseiller spécial Robert Mueller et ses procureurs n’aient trouvé aucune preuve pour appuyer son accusation, sur le fait que la campagne Trump ait travaillé en étroite collaboration en 2016 avec Moscou et WikiLeaks – qui, selon elle, est un avant-poste russe – pour la vaincre. L’équipe d’Hillary a dressé une « liste de cibles » dans les derniers jours de sa campagne de 2008, selon le livre Shattered : Inside Hillary Clinton’s Doomed Campaign [Ndt : Brisée : Au coeur de la campagne condamnée de Hillary Clinton (pas de traduition française] de Jonathan Allen et Amie Parnes, qui dresse la liste de ceux qui étaient fidèles aux Clinton et de ceux qui ne l’étaient pas. Ils ont utilisé une échelle de 1 à 7.
« Prenez du recul et réfléchissez-y », écrit Hillary Clinton dans son livre, What Happened [NdT : Qu’est-il arrivé ?], sur les élections de 2016.
« Les Russes ont piraté nos systèmes électoraux. Ils sont entrés à l’intérieur du système. Ils ont essayé de supprimer ou de modifier les informations sur les électeurs. Cela devrait donner des frissons à tous les Américains. »
Peu importe que les deux partis au pouvoir gardent le silence sur l’ingérence massive d’Israël dans nos élections, qui utilise ses groupes de pression pour financer généreusement les candidats politiques des deux partis et fait venir en Israël des membres du Congrès et leurs familles pour des séjours dans des stations balnéaires. L’intrusion d’Israël dans notre processus politique, notamment lorsque le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s’est adressé au Congrès en 2015, sans en informer le président de l’époque, Barack Obama, pour attaquer l’accord nucléaire du président en Iran, éclipse celle de tout autre pays, y compris la Russie.
Récits fictifs et dangereux
Les deux factions belligérantes au sein de l’élite au pouvoir, qui se battent principalement pour les prébendes du pouvoir tout en servant abjectement les intérêts des entreprises, colportent des réalités alternatives. Si l’État profond et les socialistes vénézuéliens ou les agents des services secrets russes tirent les ficelles, personne au pouvoir n’est responsable de la rage et de l’aliénation causées par l’inégalité sociale, le pouvoir absolu des entreprises, la corruption légalisée qui définit notre processus politique, les guerres sans fin, l’austérité et la désindustrialisation. L’effondrement social est plutôt la faute d’ennemis fantômes qui manipulent des groupes tels que Black Lives Matters ou le Green Party.
« Les gens qui dirigent ce pays sont à court de mythes utilisables pour distraire le public et, dans un moment de crise extrême, ils ont choisi d’alimenter la guerre civile et de diffamer le reste d’entre nous – noirs et blancs – plutôt que d’admettre une génération de corruption, de trahison et de mauvaise gestion », écrit Matt Taibbi.
Ces récits fictifs sont dangereux. Ils érodent la crédibilité des institutions démocratiques et de la politique électorale. Ils postulent que les nouvelles et les faits ne sont plus vrais ou faux. L’information est acceptée ou rejetée selon qu’elle blesse ou favorise une faction par rapport à une autre. Alors que des organes comme Fox News ont toujours existé en tant que bras du parti républicain, cet esprit partisan a maintenant infecté presque toutes les organisations de presse, y compris des publications comme le New York Times et le Washington Post, ainsi que les principales plateformes technologiques qui diffusent des informations et des nouvelles. Un public fragmenté, sans récit commun, croit tout ce qu’il a envie de croire.
J’ai d’abord cru que cette annonce du New York Times pour un correspondant à Moscou était une parodie publiée par The Onion [Média d’informations parodiques américain, NdT]. Ce n’était pas le cas. Cela en dit long sur l’auto-immolation du New York Times et de la presse.
DESCRIPTION DE L’EMPLOI : La Russie de Vladimir Poutine reste l’une des plus grandes affaires au monde. Elle envoie des escadrons de tueurs à gages armés de neurotoxiques contre ses ennemis, et plus récemment contre le leader de l’opposition Aleksei Navalny. Ses cyber-agents sèment le chaos et le désaccord en Occident pour ternir ses systèmes démocratiques, tout en promouvant sa fausse version de la démocratie. Elle a déployé des entrepreneurs militaires privés dans le monde entier pour étendre secrètement son influence. Chez elle, ses hôpitaux se remplissent rapidement de patients atteints de Covid, alors que son président se cache dans sa villa. Si cela vous semble être un pays à couvrir, alors nous avons une bonne nouvelle : nous aurons une ouverture pour un nouveau correspondant lorsque Andy Higgins [Journaliste du New York Times, NdT] prendra la tête de notre prochain bureau en Europe de l’Est au début de l’année prochaine.
Bien sûr, toutes les accusations portées ici contre la Russie concernant l’ingérence étrangère peuvent être portées à l’encontre des États-Unis, tant dans le présent que dans le passé, et même la critique implicite de sa réponse à la pandémie semble être un cas d’école de projection. Plus précisément, pourquoi le Times devrait-il même envoyer quelqu’un à Moscou pour faire un reportage sur ce que les Russes pensent, ressentent et comment ils se perçoivent et perçoivent le monde s’ils ont déjà décidé qu’ils se comportent comme un méchant de dessin animé ? Pourquoi avoir un bureau à Moscou ?
Une parodie de réponse circulant sur Internet a imaginé un envoi parallèle de la Pravda pour un correspondant américain :
DESCRIPTION DE L’EMPLOI : L’Amérique de Donald Trump reste l’une des plus grandes affaires du monde. Elle envoie ses armées, ses drones et ses agents dans le monde entier pour tuer ses ennemis. Ses cyber-agents sèment le chaos et la discorde, sapant et renversant les régimes, tout en promouvant sa fausse version de la démocratie. Elle a déployé des entrepreneurs militaires privés dans le monde entier pour étendre secrètement son influence. Chez elle, ses hôpitaux se remplissent rapidement de patients atteints de la Covid alors que son président joue au golf. Si cela vous semble être un endroit à couvrir, alors nous avons de bonnes nouvelles. Nous aurons un poste pour un nouveau correspondant.
J’ai été correspondant à l’étranger pendant 20 ans, dont 15 pour le New York Times. Mon travail consistait à devenir biculturel, ce qui nécessite des centaines d’heures de cours de langue, à voir le monde du point de vue de ceux que je couvrais et à le refléter à un public américain. Mais ce type de reportage est aujourd’hui anachronique. Le journal pourrait tout aussi bien réengager l’escroc Jayson Blair [Journaliste plagiaire démissionné du NYT en 2003, NdT] pour qu’il s’assoie dans son appartement et sniffe de la coke tout en déposant des variantes fictives sur le récit préétabli que le journal exige. Ou peut-être que des algorithmes informatiques peuvent faire le travail.
Je suppose que je ne devrais pas être surpris. Après tout, c’est le Times qui a produit un podcast en dix parties de son reporter Rukmini Callimachi, basé sur des interviews d’un musulman identifié comme Abu Huzayfah al-Kanadi qui prétendait être membre de l’ISIS au Moyen-Orient. Il a fourni des comptes-rendus effrayants de meurtres et de crucifixions qu’il aurait perpétrés.
Ses récits, répondant à l’islamophobie rampante qui empoisonne la société américaine, étaient la version audio de snuff films. Elles étaient aussi un mensonge. Le Canadien « Abu Huzayfah », de son vrai nom Shehroze Chaudhry, a été arrêté en septembre 2020 par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et inculpé en vertu des lois canadiennes sur les canulars pour avoir fabriqué son histoire.
La montée de l’État autoritaire
L’esprit partisan flagrant et le discrédit de la vérité dans l’ensemble du spectre politique alimentent rapidement la montée d’un État autoritaire. La crédibilité des institutions démocratiques et de la politique électorale, déjà profondément corrompue par les PAC [Political Action Committee, NdT], le collège électoral, les lobbyistes, la privation du droit de vote des candidats des partis tiers, le « charcutage des circonscriptions » et la suppression des électeurs, est en train d’être éviscérée.
Les milliardaires de la Silicon Valley, dont Dustin Moskovitz, cofondateur de Facebook, et Eric Schmidt, ex-PDG de Google, ont fait don de plus de 100 millions de dollars à un super PAC [groupe de pression, NdT] démocrate qui a créé un torrent de publicités télévisées anti-Trump dans les dernières semaines de la campagne pour élire Biden. L’injection massive d’argent des entreprises pour soutenir Biden n’a pas été faite pour protéger la démocratie. Elle a été faite parce que ces sociétés et ces milliardaires savent qu’une administration Biden servira leurs intérêts.
La presse, quant à elle, a largement renoncé au journalisme. Elle s’est retirée dans des chambres d’écho concurrentes qui ne parlent qu’aux vrais croyants. Cette façon de s’adresser exclusivement à un groupe démographique, qu’elle oppose à un autre groupe démographique, est commercialement rentable. Mais elle garantit aussi la balkanisation des États-Unis et nous rapproche de plus en plus du fratricide.
Lorsque Trump quittera la Maison Blanche, des millions de ses partisans enragés, enfermés hermétiquement dans des plateformes médiatiques hyperventilées qui leur renvoient leur rage et leur haine, verront le vote comme frauduleux, le système politique comme truqué et la presse d’establishment comme de la propagande. Ils cibleront, je le crains, par la violence, les politiciens du Parti démocrate, les médias traditionnels et ceux qu’ils diabolisent comme des membres conspirateurs de l’État profond, comme le Dr Anthony Fauci. Le Parti démocrate est autant à blâmer pour cette désintégration que Trump et le Parti républicain.
Plus de ciblage et de censure à venir
L’élection de Biden est également une très mauvaise nouvelle pour des journalistes tels que Matt Taibbi, Glen Ford, Margaret Kimberley, Glenn Greenwald, Jeffrey St. Clair ou Robert Scheer qui refusent d’être les courtisans des élites dirigeantes. Les journalistes qui ne régurgitent pas le récit approuvé par la droite ou, au contraire, le récit approuvé par le Parti démocrate, ont une crédibilité que craint l’élite dirigeante.
Plus la situation s’aggrave – et elle s’aggravera à mesure que la pandémie fera des centaines de milliers de morts et plongera des millions d’Américains dans une grave détresse économique – plus ceux qui cherchent à faire rendre des comptes aux élites dirigeantes, et en particulier au Parti démocrate, seront ciblés et censurés selon des méthodes familières à WikiLeaks et à Julian Assange, actuellement emprisonné à Londres et risquant d’être extradé vers les États-Unis et condamné à la prison à vie.
L’attaque de Barack Obama contre les libertés civiles, qui comprenait l’utilisation abusive et répétée de la loi sur l’Espionnage pour poursuivre les lanceurs d’alertes, l’adoption de la section 1021 de la loi d’autorisation de la Défense nationale (NDAA) pour permettre à l’armée d’agir en tant que force de police nationale et l’ordre d’assassiner des citoyens américains considérés comme des terroristes au Yémen, a été bien pire que celle de George W. Bush. Je soupçonne que l’attaque de Biden contre les libertés civiles dépassera celles de l’administration Obama.
La censure a été lourde pendant la campagne. Les médias numériques, dont Google, Twitter, YouTube et Facebook, ainsi que la presse institutionnelle ont travaillé sans vergogne comme armes de propagande pour la campagne de Biden. Ils étaient déterminés à ne pas commettre « l’erreur » qu’ils ont commise en 2016 en faisant état des courriels préjudiciables, publiés par WikiLeaks, du directeur de la campagne d’Hillary Clinton, John Podesta.
Bien que les courriels aient été authentiques, des journaux tels que le New York Times qualifient couramment les courriels de Podesta de « désinformation ». Cela plaît sans doute à son lectorat, dont 91 % s’identifient comme démocrates selon le Pew Research Center. Mais il s’agit d’un autre exemple de malversation journalistique.
Après l’élection de Trump, les médias qui s’adressent au lectorat du Parti démocrate ont fait amende honorable. Le New York Times a été l’une des principales plateformes qui ont amplifié les conspirations du Russiagate, dont la plupart se sont révélées fausses. Dans le même temps, le journal a largement ignoré la situation critique de la classe ouvrière disposée à soutenir Trump.
Lorsque l’histoire du Russiagate s’est effondrée, le journal a pivoté pour se concentrer sur la race, incarnée dans le Projet 1619 [controverse apparue durant la campagne pour les élections présidentielles 2020 sur la date de la naissance des États-Unis. Les républicains désignaient l’année 1776, date de l’adoption par le Congrès de la déclaration d’indépendance des treize colonies ; les démocrates, 1619, l’année où les premiers esclaves sont installés sur le sol américain, NdT]. La cause profonde de la désintégration sociale – l’ordre néolibéral, l’austérité et la désindustrialisation – a été ignorée car la nommer aliénerait les entreprises annonceurs du journal et les élites dont le journal dépend pour son accès.
Une fois l’élection de 2020 lancée, le New York Times et d’autres grands médias ont censuré et discrédité les informations susceptibles de nuire à Biden, notamment un enregistrement de Joe Biden parlant avec l’ancien président ukrainien Petro Porochenko, qui semble être authentique. Ils ont donné de la crédibilité à toute rumeur, aussi fausse soit-elle, qui était défavorable à Trump.
Twitter et Facebook ont bloqué l’accès à un article du New York Post sur les e-mails prétendument trouvés sur l’ordinateur portable mis au rebut par Hunter Biden. Twitter a bloqué le New York Post hors de son propre compte pendant plus d’une semaine. Glenn Greenwald, dont l’article sur Hunter Biden a été censuré par ses rédacteurs de The Intercept, qu’il a contribué à fonder, a démissionné.
Il a publié les échanges de courriels avec ses rédacteurs en chef concernant son article. Ignorant les preuves textuelles de leur censure, les rédacteurs et écrivains de The Intercept ont entrepris une campagne publique de diffamation contre Greenwald. Ce comportement sordide venant de journalistes se disant progressistes est une page d’un scenario à la Trump et représente un triste témoignage de l’effondrement de l’intégrité journalistique.
L’attaque contre WikiLeaks
La censure et la manipulation de l’information ont été affinées et perfectionnées contre WikiLeaks. Lorsque WikiLeaks tente de diffuser des informations, il est frappé par des robots ou des attaques par déni de service distribué. Les logiciels malveillants s’attaquent au domaine et au site web de WikiLeaks. Le site de WikiLeaks est régulièrement fermé ou incapable de servir son contenu à ses lecteurs.
Les tentatives de WikiLeaks pour tenir des conférences de presse voient le son déformé et les images visuelles altérées. Les liens vers les événements de WikiLeaks sont retardés ou coupés. Des algorithmes bloquent la diffusion du contenu de WikiLeaks. Les services d’hébergement, dont Amazon, ont retiré WikiLeaks de leurs serveurs. Julian Assange, après avoir publié les journaux de guerre irakiens, a vu ses comptes bancaires et ses cartes de crédit gelés. Les comptes PayPal de WikiLeaks ont été désactivés pour couper les dons.
En décembre 2017, la Fondation pour la liberté de la presse a fermé le canal de financement anonyme de WikiLeaks, qui avait été mis en place pour protéger l’anonymat des donateurs. Une campagne de diffamation bien orchestrée contre Assange a été amplifiée et rendue crédible par les médias et des cinéastes tels qu’Alex Gibney. Assange et WikiLeaks ont été les premiers. Nous sommes les suivants.
Le sénateur démocrate Chris Murphy a déclaré à CNN pendant cette campagne que les efforts de désinformation russes sont « plus problématiques » qu’en 2016. Il a averti que « cette fois-ci, les Russes ont décidé de cultiver les citoyens américains comme des actifs. Ils essaient de diffuser leur propagande dans les médias traditionnels. »
Ce sera le mantra officiel du Parti démocrate, une campagne d’appât rouge vicieuse sans véritable « rouges », surtout que le pays devient incontrôlable. La raison pour laquelle j’ai une émission sur RT America financée par la Russie est la même que celle pour laquelle Vaclav Havel n’a pu être entendu que sur la Voix de l’Amérique financée par les États-Unis pendant le contrôle communiste de la Tchécoslovaquie.
Je n’ai pas choisi de quitter les grands médias. J’ai été mis à l’écart. Et une fois que quelqu’un est écarté, l’élite dirigeante s’acharne à discréditer les quelques plateformes restantes qui sont prêtes à leur donner, ainsi qu’aux questions qu’elles soulèvent, une audience.
« Si le problème est que les « citoyens américains » sont considérés comme des « actifs » pour tenter de « s’immiscer » dans les médias traditionnels, la prochaine étape logique est de demander aux plateformes Internet de fermer les comptes de tout journaliste américain qui aurait la témérité de rapporter des informations divulguées par des étrangers (les mauvais étrangers, bien sûr – il restera toujours possible de rapporter des choses comme le registre noir »), écrit M. Taibbi, qui a réalisé certains des meilleurs reportages sur la censure naissante.
[Le registre noir est un livre de comptes manuscrit tenu par Paul Manafort, alors consultant du parti au pouvoir en Ukraine, avant d’être président de la campagne électorale de Trump. Ce registre indique que Manafort a touché 12,7 millions de dollars en espèces du parti de Ianoukovitch provenant du pillage de biens ukrainiens, NdT]
« De Fox ou du Daily Caller, à droite, aux médias de gauche comme Consortium [News] ou le World Socialist Web Site, et même à des écrivains comme moi, il est clair que nous sommes maintenant tous soumis à de nouvelles restrictions d’expression, même si nous nous en tenons à des normes factuelles établies de longue date. »
Taibbi soutient que le précédent de censure ouverte a eu lieu lorsque les principales plateformes numériques – Facebook, Twitter, Google, Spotify, YouTube – ont, de manière coordonnée, mis sur liste noire l’animateur de talk-show de droite Alex Jones.
« L’Amérique libérale a applaudi », m’a dit M. Taibbi lorsque je l’ai interviewé pour mon émission, « On Contact » :
« Ils ont dit : « C’est un personnage nuisible. C’est une excellente chose. Enfin, quelqu’un passe à l’action ». Ce qu’ils n’ont pas réalisé, c’est que nous échangeons un ancien système de contrôle de la parole contre un nouveau sans aucun débat public. Vous et moi avons été élevés dans un système où vous étiez punis pour vos paroles si vous commettiez des diffamations ou des calomnies, ou s’il y avait une incitation imminente à des actions illégales, n’est-ce pas ? C’était la norme établie par la Cour suprême, mais cela se faisait par le biais d’un procès. Il y avait un processus ouvert où vous aviez la possibilité de réfuter les accusations. Tout cela a disparu maintenant. »
« Maintenant, il existe une poignée de ces plateformes de distribution technologiques qui contrôlent la façon dont les gens obtiennent leurs médias. Elles ont subi des pressions de la part du Sénat, qui a convoqué tous leurs PDG et leur a ordonné : « Nous avons besoin que vous élaboriez un plan pour éviter de semer la discorde et de répandre des informations erronées ». Ce plan a finalement été mis en œuvre. Vous voyez un grand organe de presse réputé comme le New York Post – avec une histoire de 200 ans – bloqué sur son propre compte Twitter. L’histoire [les e-mails de Hunter Biden] n’a pas été démentie. » [Il s’agit de documents trouvés sur le mobile du fils Biden prouvant que son père l’a aidé à s’enrichir grâce à des opérations commerciales en Ukraine et en Chine, NdT]
« Il ne s’agit pas de désinformation ou de mystification. Elle a été supprimée comme elle le serait dans un pays du tiers monde. C’est un moment historique remarquable. Le danger est que nous nous retrouvions avec un système d’information à voix unique. Il y aura un discours approuvé et un discours non approuvé que vous ne pourrez obtenir que par certaines voies marginales. C’est là que réside le problème. Nous laissons ces entreprises obtenir cette part monopolistique du système de diffusion. Maintenant, elles exercent ce pouvoir. »
En Union soviétique, la vérité était transmise, souvent de main à main, dans des documents samizdat clandestins, des copies sous le manteau de nouvelles et de littérature interdites par l’État. La vérité perdurera. Elle sera entendue par ceux qui la recherchent. Elle exposera le mensonge des puissants, même s’il sera difficile de l’obtenir. Les despotismes craignent la vérité. Ils savent que c’est une menace mortelle. Si nous restons déterminés à vivre dans la vérité, quel qu’en soit le prix, nous avons une chance.
Chris Hedges, lauréat du prix Pulitzer, a été pendant 15 ans correspondant à l’étranger pour le New York Times, où il a occupé les fonctions de chef du bureau du Moyen-Orient et de chef du bureau des Balkans pour le journal. Auparavant, il a travaillé à l’étranger pour le Dallas Morning News, le Christian Science Monitor et NPR. Il est l’animateur de l’émission « On Contact» sur RT America, nominée aux Emmy Awards.
Source : Consortium News, Chris Hedges, 23-11-2020
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises