AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : NPA
Alors que le pays attend l’investiture du président Joseph Biden le 20 janvier, Washington DC a été transformée en forteresse protégée par des dizaines de milliers de policiers et de soldats de la garde nationale ; les rues sont bloquées par de hautes clôtures et des points de contrôle.
Tout cela est le résultat de la tentative de coup d’État des partisans de Trump et des extrémistes de droite le 6 janvier, qui a conduit la Chambre des représentants à voter une deuxième fois l’inculpation de Trump, cette fois-ci pour « incitation à l’insurrection » contre le gouvernement américain, le procès devant commencer presque immédiatement. En raison de la pandémie, le défilé traditionnel est annulé. Les groupes de droite ont mobilisé leurs forces pour mener des manifestations armées et des actions dures dans la capitale nationale et dans celles des États. Le pays est en alerte.
Près de 4000 décès par jour
Les événements récents ont créé de l’incertitude, et beaucoup aspirent maintenant à la stabilité. Dans ces conditions, y a-t-il en ce moment une place pour la gauche dans la politique nationale ?
Le président Biden fera face à une nation en crise profonde. À l’arrière-plan se profile la crise climatique : 2020 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée. La pandémie continue de ravager le pays : 400 000 morts et désormais près de 4000 décès par jour, submergeant les hôpitaux dans de nombreux États. Les mesures de santé publique ont amené des entreprises à fermer, mettant 27 millions de personnes au chômage, tandis que beaucoup d’autres ont des salaires réduits. Des enquêtes montrent qu’environ 13% des ÉtatsunienEs, soit 27,4 millions de personnes, n’ont parfois ou souvent pas assez à manger. Quelque 18 millions de personnes ont été incapables de payer leur hypothèque ou leur loyer et environ 6 millions pensent qu’ils risquent l’expulsion. Et mois après mois, la police continue de tuer des hommes et des femmes noires.
Il faut également tenir compte de l’importance de la crise politique provoquée par le Trumpisme. Trump a remporté 74 millions de voix et la plupart de ces votants pensent qu’il a remporté les élections et qu’il devrait être président. Quelque 147 élus républicains à la Chambre des représentants et huit sénateurs ont voté pour ne pas reconnaître la victoire de Biden et la plupart des Républicains dans les différents États soutiennent Trump. Parmi les partisans de Trump, il y a des dizaines de milliers de suprémacistes blancs racistes, des groupes tels que les Oath Keepers, les Three Percenters, les Proud Boys et les Boogalo Boys. Tous ces groupes veulent renverser le gouvernement et le dernier appelle à une nouvelle guerre civile. Nous entrons dans une période à fort potentiel de volatilité et de violence.
Incertitudes
Biden et sa vice-présidente Kamala Harris, la première femme racisée à occuper un poste exécutif, promettent de s’attaquer à la pandémie, à la crise climatique, à la dépression économique et aux problèmes de justice raciale du pays. Biden a déclaré qu’au cours de ses 100 premiers jours, le gouvernement vaccinerait 100 millions de personnes, tout en faisant pression pour que tous adoptent le masque et la distanciation sociale. Les Démocrates ayant des majorités très étroites à la Chambre et au Sénat, Biden propose un « plan de sauvetage » de 1900 milliards de dollars, avec 1000 milliards de dollars d’aide directe aux personnes, 440 milliards pour les entreprises et le reste pour reconstruire l’économie. Biden prendra également des décrets pour annuler les politiques de l’administration Trump concernant l’environnement, l’immigration, les soins de santé, l’avortement, les relations raciales et les droits civils, les droits des homosexuelEs, les dépenses militaires et l’aide étrangère. Mais il y aura aussi des pressions sur Biden, en raison du soulèvement, pour que soit adoptée une nouvelle loi sur le terrorisme interne, une possibilité qui inquiète à juste titre la gauche.
Étant donné l’atmosphère politique actuelle, il est difficile de prévoir ce qui se passera dans l’année à venir. Biden, néolibéral et modéré en politique, a choisi un cabinet composé en grande partie de personnes ayant servi dans l’administration Obama où il était vice-président. Le gouvernement de Biden est celui de l’establishment du Parti démocrate, habitué depuis longtemps à servir l’élite du pouvoir financier et des entreprises. La gauche fera pression pour la création d’un système d’assurance maladie à payeur unique, pour mettre fin aux carburants carbonés et pour sanctionner les violences policières. L’organisation des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA) a lancé une campagne nationale pour taxer les riches.
Mais la gauche sera-t-elle perçue comme mettant en péril le désir d’une période de stabilité après l’insurrection ? Les manifestations de Black Lives Mater sembleront-elles trop extrêmes ? Ou bien la profondeur de la crise combinée à la pression de la gauche pourrait-elle pousser Biden — comme Franklin D. Roosevelt a été poussé dans les années 1930 — à adopter des politiques économiques et sociales progressistes plus poussées ?
Traduction Henri Wilno