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SOURCE : Révolution permanente
Après le 20 février, l’intersyndicale s’est fendue d’un communiqué appelant à une prochaine journée de grève… le 31 mars. Plus que les traditionnelles journées « saute-moutons », c’est là une véritable trêve de la grève pour toute la période des municipales, ponctuée par un appel à manifester le 8 mars pour la journée internationale contre les violences faites aux femmes.
Difficile d’avoir une vision exacte de la réalité de la journée de mobilisation du 20 février en l’absence de décompte des organisations syndicales. Mais les vues des manifestations et les différents chiffres indiquent une baisse par rapport à la journée du 6 février. Le ministère de l’Intérieur indique 92.000 manifestants dans toute la France contre 121.000 lors de la dernière journée de mobilisation nationale. Sur Paris, la CGT indique 50.000 manifestants, elle avançait le chiffre de 120.000 le 6 février.
Pour autant, il serait erroné d’en tirer la conclusion que la majorité des travailleurs se seraient résignés, et encore plus que la bataille contre la réforme des retraites serait terminée. En réalité, c’est surtout la stratégie de journée d’actions isolées sans perspectives qui a fait la preuve de son inefficacité ce 20 février et qui est apparue au mieux comme une journée de pression pour la majorité des travailleurs.
Et de ce point de vue, on pourrait même considérer comme un symptôme positif que le ministère de l’Intérieur soit obligé de comptabiliser près de 100.000 manifestants avec la dispersion organisée par les directions syndicales opposées à ce projet. Trois jours auparavant, la majorité des organisations syndicales de la RATP avait organisé une journée de grève, à laquelle la CGT avait refusé de se joindre. Quel sens pouvait avoir cette journée isolée du 20 février sans la locomotive qui a porté durant deux mois le fer de lance de la contestation face au projet de réforme des retraites ?
La situation est loin d’être aussi noire que ce que cherche à faire croire les grands médias et le gouvernement qui cherche à enterrer le mouvement. Dans de nombreux secteurs de la population, la colère est immense contre la réforme des retraites et l’ensemble de la politique du gouvernement. Lundi, les syndicats décomptaient 35% de grévistes à la RATP, un chiffre loin des mois de décembre et de janvier mais qui démontre que le brasier est loin d’être éteint, d’autant plus si on prend en compte l’isolement et le manque de perspectives proposées par les directions. Et ce d’autant plus que la crise par en haut continue, avec un recours de plus en plus probable au 49-3 qui pourrait raviver la contestation sociale dans les semaines qui suivent.
La responsabilité de la situation n’est pas à chercher du côté des travailleurs comme cherche à le faire croire Philippe Martinez dans une interview donnée au journal La Croix : « Il y a des grèves. Pas au niveau où je le souhaiterais, mais il y en a. Après je comprends tous ceux qui n’arrivent pas à boucler leur fin de mois et pour qui une heure de grève, c’est un chariot moins rempli à la fin du mois ». Elle est du côté des directions syndicales qui, pendant 50 jours de grève majoritaire et reconductible à la SNCF et à la RATP, n’ont jamais cherché à étendre le conflit et à construire la grève générale au plus fort du mouvement, et cherchent désormais à repousser la prochaine journée de grève interprofessionnelle au… 31 mars prochain, après les élections municipales, la CGT appelant de son côté simplement à des « journées d’action » chaque jeudi, sans chercher plus que cela à construire un véritable mouvement de grève interprofessionnel et reconductible. Cette stratégie consiste à faire reposer la reprise potentielle du mouvement à une hypothétique reprise spontanée par la base elle-même, et d’attendre patiemment que le gouvernement souhaite ouvrir une discussion sur le projet de loi… plutôt que de construire l’affrontement avec un vrai plan de bataille.
Les déclarations de Philippe Martinez, dont l’organisation impose le rythme à l’intersyndicale, sont, de ce point de vue, très cohérentes. Si celui-ci exige toujours le retrait du projet de loi, c’est essentiellement un appel au dialogue qu’il a lancé. Celui-ci a dénoncé la « politique de la chaise vide du gouvernement » et menaçait de « ne pas continuer à discuter » si le gouvernement « ne tranche pas rapidement ». C’est également le sens du jeu de chaises musicales de la CGT autour de « la conférence d’équilibre et de financement ». Après avoir dans un premier temps accepté de participer à cette opération d’enfumage, la confédération a d’abord annoncé son retrait mercredi 19 janvier, avant de se raviser se contentant d’adresser au gouvernement un de ces énièmes « ultimatum », si’l n’acceptait pas d’entendre ses revendications.
Si pour en contester « le cadrage gouvernemental », l’intersyndicale a annoncé qu’elle tiendra sa « propre conférence sur le système de retraite », à aucun moment, ni la direction de la CGT ni l’intersyndicale ne posent la perspective de la reprise d’un mouvement de grève majoritaire et reconductible qui puisse combiner la détermination toujours vive à la RATP et à la SNCF avec d’autres secteurs qui ont déjà montré leur envie de partir : dans le secteur de l’énergie, des raffineries, de l’éducation, etc. Face à un gouvernement prêt à passer en force contre sa propre majorité parlementaire, il serait totalement illusoire de penser le faire reculer sans construire cette perspective.
C’est ce que pose, à leur échelle, les grévistes de la RATP et de la SNCF réunis dans la coordination du même nom. Celle-ci s’était rendue visible durant la grève reconductible en maintenant le rythme de la mobilisation malgré la trêve imposée dans les faits par les directions syndicales, et en organisant une action au siège de la CFDT pour dénoncer la politique de Berger. La coordination RATP SNCF, la CGT Énergie Paris et la CGT Raffinerie Grandpuits viennent de lancer un « appel à une rencontre nationale pour la grève générale ».
Il ne s’agit pas de décréter dans la situation actuelle une grève générale en multipliant les journées d’action en ordre dispersé ou en rougissant la situation instantanée mais de préparer le second round de la mobilisation, en associant la combativité des grévistes de la RATP et de la SNCF à la force d’autres secteur. Se coordonner pour repartir tous ensemble et empêcher la dispersion du mois de décembre et janvier. D’ores et déjà, la Coordination RATP-SNCF, la CGT Raffinerie Grandpuits et la CGT Énergie Paris se sont associés pour cet appel. Il s’agit désormais de le construire au-delà de ces secteurs pour mettre fin à la stratégie de pression et aux trêves – de Noël ou municipales – imposées par les directions syndicales, et construire une grève majoritaire et reconductible.