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SOURCE : Streetpress
Hamza Esmili est chercheur et prof’ de socio à Paris 8. Habitant de la Plaine Saint-Denis (Saint-Denis, 93), il explique comment la population locale précaire prend les annonces du gouvernement : « une vaste supercherie ».
Tous les matins, ces hommes croisent caissières et femmes de ménages, vigiles et livreurs, tous embarquant dans les bus et les RER pour Paris. Ceux-là viennent du nord de Saint-Denis, dans des quartiers réputés plus établis selon l’échelle de la marginalité locale. Immigration plus ancienne mais également concernée par l’injonction à travailler : il faut bien que les bâtiments soient nettoyés et protégés, que les clients soient servis et livrés. Il faut surtout que la routine soit maintenue, coûte que coûte (« whatever it takes », selon une expression qui revient à la mode au gré des catastrophes collectives).
Étrange ballet dans cette ville, dormant la journée, s’animant matins et soirs. Il ne manque que les cadres, d’habitude installés dans les sièges de grandes entreprises « de service » (à qui ?) derrière le Stade de France. Eux sont chez eux, probablement à tenir des réunions Skype et à remplir des tableaux Excel. Mais pas les autres. Pas les habitants de la Plaine Saint-Denis.
Alors, ici, on prend les annonces gouvernementales pour ce qu’elles sont : une vaste supercherie. « Rester chez vous, faites du télétravail », c’est la dernière blague, le mot de la fin d’un monde qui ne finit pas de s’abîmer dans l’absurde. Maintenir autant que possible la routine, protéger l’économie, il y a des jours où ces mots sonnent pour ce qu’ils sont vraiment : « allez crever ».