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SOURCE : Anticapitalisme et révolutionnaire
C’est avec une indécence sans nom qu’Emmanuel Macron porte en héros ces derniers jours tous les soignant.e.s mobilisé.e.s contre les conséquences sanitaires du coronavirus. Le même qui expliquait tranquillement il y a encore quelques semaines devant des soignantes qu’on ne pouvait dépenser davantage pour les services publics, qu’il fallait tenir la rigueur budgétaire.
Ce n’est pas faute d’avoir prévenu…
Les travailleuses et travailleurs hospitaliers mobilisés depuis plus d’un an maintenant avaient prévenus, nous courons à une catastrophe sanitaire avec un système de santé qui fonctionne à flux tendu. La rationalisation austère des moyens humains et financiers peut « tenir » au prix de nombreux burn-out, d’une prise en soin dégradée et d’une pressurisation extrême des soignants dans un contexte normal. En revanche, dans un contexte de crise épidémique, il n’y a plus aucune latitude pour absorber le flot de patients et répondre dans l’immédiat aux besoins de soins. Comme l’illustre les nombreux témoignages de soignants ces derniers jours, il manque de tout à l’hôpital : de matériels, que ce soit des respirateurs et même de manière plus élémentaire de masques chirurgicaux ou FFP2, de solutions hydro-alcooliques, de lits, de personnels formés…
Les statistiques du ministère de la Santé parlent d’elles-mêmes : 17 500 lits ont été fermés en six ans. Ces fermetures touchent majoritairement l’hôpital public, elles représentent 5,3 % des capacités de l’hôpital. Le fameux « virage ambulatoire » mis en place depuis plusieurs années et justifiant ces fermetures de lits, dans le champ somatique comme dans celui de la santé mentale, ne compense en rien ces fermetures. De plus, les lits ouverts sont des lits de jour (dit ambulatoire) : un patient arrive le matin et repart le soir alors que la durée moyenne d’hospitalisation des patients guéris du COVID-19 est de 21 jours. C’est là aussi un choix économique lié au modèle du financement des établissements de santé (la T2A : tarification à l’activité). Celui-ci favorise les établissements produisant beaucoup d’actes de soins et pénalise ceux avec des durées d’hospitalisation longue.
Des applaudissements aux revendications ?
Ce sont les travailleurs et travailleuses de la santé qui sont en première ligne de la crise : par leur exposition à l’épidémie, par les cadences de travail infernal. Une réaction de solidarité de l’ensemble de la population voit le jour depuis une semaine, elle s’illustre notamment par les appels à les applaudir à 20h chaque soir mais aussi par des banderoles qui fleurissent en soutien aux soignants ou par l’aide concrète apportée à celles et ceux qui sont au cœur de la crise sanitaire. Ces réactions font chaud au cœur et témoignent de la solidarité qui peut naître dans des périodes de crise.
Toutefois, ce soutien nécessaire ne doit pas conduire à une « héroïsation » du personnel soignant. Oui c’est un métier choisi par volonté d’apporter de l’aide à l’autre, d’être utile à la société. Mais cela ne doit pas être un métier sacrifice, qu’on exerce au péril de sa propre santé, ce qui devient trop souvent le cas aujourd’hui. En témoigne notamment la rapidité de reconversion d’une carrière d’infirmière : 30 % des nouveaux diplômés abandonnent leur activité dans les cinq ans qui suivent leur diplôme. Le capitalisme se moque de broyer des vies, que ce soit celles des patients ou des soignants, il ne répond qu’à la logique froide des profits. Macron rêve d’un « je suis charlie » version soignant, une union nationale, toutes et tous derrières les héros qui combattent le virus. Mais parce que nous voulons véritablement soutenir les soignants, nous devons dénoncer les responsables de la crise sanitaire ! Et si le gouvernement veut rendre hommage au soignants, qu’il commence par répondre à leur revendications plutôt que de reserver ses cadeaux aux grandes entreprises.
Nos vies, pas leurs profits
Dans l’immédiat, il faut revenir sur toutes les réformes libérales qui ont frappé le système de santé : arrêt du financement à l’activité pour un financement à hauteur des besoin, augmentation massive et immédiate des personnels de santé, revalorisation immédiate de 300 € des salaires.
Mais ce n’est pas suffisant ! Ce que les capitalistes donnent d’une main, ils le reprennent de l’autre… Il faut réquisitionner les établissements de santé privé pour construire un grand service public de santé sous contrôle de leurs travailleurs et des usagers. Les laboratoires et la recherche doivent être eux aussi exproprier afin de répondre aux besoins de la population et contrôlée par celle-ci. Il faut mettre fin à la propriété privé intellectuelle, et donc aux brevets, qui mettent en concurrence les chercheurs (alors que la recherche pourrait être socialisée à l’échelle internationale) et font passer les profits avant les vies humaines. La recherche serait ainsi liée aux besoins de la population et non aux appels d’offre. La crise actuelle montre également la nécessité du contrôle des travailleurs sur la production : reconvertir la production pour répondre au besoin de masques, de gel hydro-alcoolique, de médicaments…
Ce dont témoigne le crise actuelle, c’est de la nécessité de mettre fin à la mainmise des capitalistes sur la santé et sur la société dans son ensemble.
Hugo Perlutti