AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : Libération
Se couvrir le nez et la bouche pour limiter le périmètre de dispersion du virus et la probabilité de contamination des surfaces, c’est la barrière supplémentaire proposée par un médecin du CHU de Grenoble.
Parmi les mesures barrière susceptibles de limiter la dispersion du virus du Covid-19, il est étonnant de constater que le port systématique d’un masque ne soit pas recommandé.
Pourtant, le virus se disperse par les voies aériennes. Une personne infectée, qu’elle ait ou non des signes d’infection, émet quand elle respire et quand elle parle un petit nuage de microgouttelettes chargées de virus. Ces gouttelettes se dispersent dans l’air et tombent sur les surfaces proches où le virus va persister quelques heures. Le périmètre contaminé mesure théoriquement moins d’un mètre, mais il est plus grand si la personne tousse ou éternue. Si une autre personne touche une surface ou un objet contaminé elle garde du virus sur sa peau jusqu’au prochain lavage de ses mains et peut se contaminer à son tour par contact avec une muqueuse. Ainsi une personne qui fait ses courses peut être contaminée par un objet, un fruit ou un légume par exemple, si une personne infectée a respiré à proximité de l’objet.
Il paraît évident que le port d’un masque, quel qu’il soit, qui couvre le nez et la bouche, limite le périmètre de dispersion du virus et la probabilité de contamination des surfaces. Il serait logique de recommander à toute personne qui sort de son domicile de porter un masque. Mais on ne possède pas assez de masques médicaux pour mettre en œuvre une telle mesure. Les masques médicaux sont réservés aux soignants (et il en manque) et aux patients diagnostiqués Covid. Mais la majorité des gens infectés n’ont pas ou peu de symptômes et sortent pour faire leurs courses ou autre et contribuent à disperser le virus. Ces personnes pourraient, en attendant qu’on ait assez de masques médicaux, porter des masques en tissu ou même des foulards. Il suffit en effet que le nez et la bouche soient couverts pour que le périmètre de dispersion des gouttelettes et du virus soit diminué. Il n’y a pas si longtemps, les chirurgiens opéraient avec des bavettes en coton ; ce n’était sans doute pas parfait mais ça a été longtemps suffisant.
Ainsi, les hygiénistes et infectiologues du CHU de Grenoble-Alpes ont imaginé une procédure qui recommandait le port d’un masque pour toute personne circulant dans l’hôpital. Les soignants travaillant dans le parcours des patients Covid et dans les unités Covid, devaient porter des masques FFP2, les soignants des autres unités avaient des masques «chirurgicaux» et tous les autres, patients, visiteurs, personnels techniques, logistiques et administratifs devaient porter des masques en tissu. Cependant les autorités sanitaires n’ont pas validé la procédure du fait de l’absence d’homologation des masques en tissu dont la production était artisanale et de l’absence de données scientifiques.
Diminuer la dispersion des microgouttelettes
On touche ici le paradoxe du parachute évoqué par le professeur Raoult dans sa tribune du monde du 26 mars. Cette histoire de parachute remonte à un article du British Medical Journal de 2003 dans lequel les auteurs présentaient une revue de la littérature des études démontant que l’utilisation d’un parachute limite les blessures et les décès quand on tombe d’un avion (1). Les auteurs n’ont trouvé aucune étude qui prouve scientifiquement l’intérêt du parachute. Leur message était qu’il y a des évidences issues de l’observation des faits, qui n’ont pas besoin d’être vérifiées par des études scientifiques. C’est un peu ce qui se passe avec cette histoire de masques. Le bon sens et l’observation des faits montrent qu’un linge couvrant le nez et la bouche limite le périmètre de dispersion des microgouttelettes que nous émettons en respirant et en parlant. On sait que la protection n’est pas totale, mais qu’ils peuvent réduire la contamination de l’environnement.
Les médecins généralistes qui se trouvent en première ligne dans la lutte contre l’épidémie voient chaque jour plusieurs patients. Parmi ces patients, il en est qui n’ont pas de signes d’infection et qui peuvent contaminer le cabinet médical et le médecin s’il ne porte pas de masque FFP2. Le port d’un masque, quel qu’il soit, par tous les patients quel que soit le motif de consultation permettrait de diminuer le risque de contamination.
Certes, les mesures barrière actuelles (lavage des mains, périmètre d’un mètre entre personnes, etc.) permettent de réduire le risque de contamination, mais on peut raisonnablement penser que le port systématique d’un masque réduirait encore plus ce risque et pourrait diminuer la durée des mesures de confinement.
(1) Smith GC1, Pell JP. Parachute use to prevent death and major trauma related to gravitational challenge: systematic review of randomised controlled trials. BMJ. 2003 Dec 20;327(7429):1459-61.
Patrice François professeur au service d’évaluation médicale au CHU de Grenoble-Alpes