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SOURCE : NPA
« Les personnels soignants ont plus de risques d’être contaminés en faisant leurs courses qu’en allant travailler » : cette phrase nous sommes nombreux et nombreuses à l’avoir entendu dans nos établissements et dans les médias de la part de dirigeants hospitaliers.
Face à la pénurie générale de matériel dans les établissements de santé, qui n’est plus un secret pour personne, voilà donc la réponse de nos directions. Au CHU de Toulouse, cela nous a encore été répété au CHSCT le 17 avril, alors qu’à cette date nous connaissions déjà le nombre de contaminations à l’AP-HP : 3 800 au moins, avec 3 collègues décédés.
Ces dernières semaines tout le monde a vu une série d’images scandaleuses : surblouses faites en sacs poubelles ou en rideaux de douche, visières confectionnées par des particuliers avec des imprimantes 3D, masques Décathlon retouchés… S’il est évident qu’il faut souligner l’élan de solidarité avec les personnels soignants de la part de nombreuses associations et de nombreux particuliers, il est terrible de constater le niveau auquel nous sommes arrivés.
Où sont les masques ?
La pénurie de masques est survenue dès le début de l’épidémie. Nous nous sommes alors rendu compte que la réserve stratégique d’un milliard de masques qui existait jusqu’en 2010 avait quasiment disparu. Plutôt que de reconnaître publiquement la pénurie de matériel dans les hôpitaux, on nous a expliqué que les masques n’étaient pas utiles, puis que seuls les soignants se trouvant à moins d’1 mètre de patientEs covid + devaient en porter et que les masques FFP2 étaient réservés aux gestes invasifs sur des patientEs positifs, et qu’ailleurs ça ne servait à rien. Puis, on nous a aussi expliqué que ces masques, chirurgicaux et FFP2, pouvaient être gardés 8 heures, et qu’il n’était pas utile de les changer entre les différents patientEs. Alors que depuis des années les consignes des hygiénistes ainsi que les notices de matériel étaient claires : pas plus de 4 heures et surtout changement de masque à chaque fois qu’il est touché ou enlevé. Et là « miracle », sans aucun rapport avec la pénurie évidemment…
Face à ce manque de masques le gouvernement a annoncé avec une grande fierté plus d’un milliard de commandes ! Mais dès le lendemain les choses se sont compliquées sur les délais de fabrication, de livraison. Sachant que sans ces importations la situation est intenable : 8 millions de masques au maximum produits chaque semaine en France alors que les besoins uniquement pour les personnels soignants sont de 40 millions…
La situation est la suivante : non seulement la réserve stratégique qui existait il y a 10 ans n’existe plus mais le gouvernement continue avec une gestion délirante de l’approvisionnement en masques sur le territoire. Il y a très peu de centralisation, c’est chacun pour soi. Entreprises privées, collectivités locales, établissements de santé : chacun cherche et commande dans son coin. Et à ce petit jeu-là, force est de constater que le gouvernement n’est pas en pole position pour fournir les établissements de santé. Depuis plusieurs semaines le bilan comptable est impitoyable : plus de masques arrivent sur le territoire à destination des entreprises qu’à destination de l’État…
Masques en tissu : nous sommes sauvés ! Ou pas…
« La France est le seul pays à avoir homologué des masques en tissu » déclarait Sibeth N’Diaye le 20 avril. Que faut-il comprendre ? Que nous sommes les seuls à savoir que les masques en tissu fonctionnent contre le Covid ? Ou bien que face à l’incapacité de l’État à fournir un nombre de masques suffisant aux personnels soignants et à la population, il est plus simple d’expliquer que les masques en tissu fonctionnent « presque » aussi bien que les autres ?
Il faut être clair : si la majorité de la population porte des masques, même en tissu, le taux de contamination sera moins important. Mais par contre vouloir nous faire croire que ces masques seraient adaptés à des « personnels non soignants » dans les hôpitaux est un véritable scandale, et c’est ce qui se produit aujourd’hui dans une série d’établissements. Avec parfois des situations dont nous préférons rire que pleurer comme au CHU de Toulouse où 50 000 masques en tissu sont arrivés : sans élastiques, sans tige rigide pour le nez, avec des tissus qui s’effilochent… Les personnels de la logistique ont déclaré lundi 20 avril qu’ils et elles ne travailleraient pas dans ces conditions et exerceraient leur droit de retrait si des masques chirurgicaux ne leur étaient pas délivrés.
Il y a aujourd’hui urgence à rouvrir les usines fermées ces dernières années et à reconvertir la production d’un nombre suffisant d’entreprises pour que l’ensemble des personnels des établissements de santé puissent bénéficier de masques FFP2 et que l’ensemble de la population puisse bénéficier de masques qui ne ressemblent pas à des bouts de torchons. Il faut également que l’importation des masques soit centralisée et transparente pour l’ensemble de la population et des personnels.
Sans ces moyens de protection, sans tests, l’épidémie ne pourra être vaincue quelle que soit la durée du confinement, et les personnels de santé continueront à être contaminés chaque jour.