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SOURCE : NPA
Syllepse, 224 pages, 18 euros.
Ce livre revient sur l’arrivée au pouvoir en Grèce de Syriza en janvier 2015 et sur les six mois qui vont suivre, marqués par une lourde confrontation entre le gouvernement et l’Europe. Éric Toussaint qui a vécu de près les évènements, coordonnant avec la présidente du Parlement grec l’audit sur la dette, critique la politique menée et explique qu’une autre politique était largement possible.
Menaces, chantages, blocages
L’histoire se lit presque comme un roman à suspens. Les événements sont suivis avec précision au fil des jours, reprenant la même trame que le livre Conversations entre adultes de Yanis Varoufakis, le ministre de l’Économie de l’époque, qui y racontait les coulisses du bras de fer. C’est un peu comme si nous avions deux lectures simultanées des mêmes évènements.
Nous voyons d’abord très clairement toute la brutalité et tout le cynisme des dirigeants européens. La troïka (BCE, Commission européenne, FMI) écrase littéralement un gouvernement élu pour combattre l’austérité. Menaces, chantages, blocages : tous les moyens sont bons du côté des dirigeants allemands, français, britanniques et autres, pour empêcher la moindre tentative de mesures sociales (voir aussi le film de Costa-Gavras, Adults in a Room).
Mais cette violence anti-démocratique de l’Union européenne n’explique pas à elle seule l’échec du gouvernement grec. Éric Toussaint parle de « capitulation » parce qu’il était possible de faire d’autres choix. Même racontée par Varoufakis, on voit que la confrontation avec la troïka n’a pas été menée réellement, pas jusqu’au bout.
Pour Éric Toussaint, il est important de comprendre cette terrible expérience, de revenir sur cette histoire pour tenter de formuler la politique qu’un gouvernement anticapitaliste ou même de gauche radicale pourrait et devrait mener.
Un rapport de forces, ça se construit
Il y a en premier lieu la nécessité de s’appuyer sur les mobilisations sociales, d’encourager l’intervention directe des populations pour inverser le rapport de forces et réussir à imposer un programme radicalement antilibéral. C’est incontournable. On voit dans le livre qu’en se laissant enfermer dans une négociation secrète, Tsipras et Varoufakis se sont isolés du reste du gouvernement et du parti, ne rendant aucun compte à la population alors en lutte à ce moment-là. C’est cela qui a donné une marge de manœuvre énorme à la troïka. Et puis il aurait été possible d’alerter les populations, les forces militantes dans les autres pays européens, de mener ainsi une politique internationaliste, elle aussi incontournable pour changer la donne.
Enfin, il y a le programme, les mesures fondamentales pas seulement à revendiquer mais à mettre en œuvre réellement. Pour Éric Toussaint (un expert dans le domaine) la question centrale est la prise de contrôle des banques en les expropriant et socialisant, pour les mettre sous contrôle de la population. Puis, et cela va avec, il y a l’annulation des dettes publiques. Sans oublier bien sûr la rupture inévitable avec les institutions de cette Europe des capitalistes.
Bon pas besoin de détailler les mesures, le livre le fait précisément, tout le long du récit, décrivant pourquoi c’est nécessaire et comment c’est possible.
Le livre est très bien pour préparer les luttes de demain, de l’après-confinement, celles qui vont venir inévitablement. Enfin il vaudrait mieux.