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SOURCE : Revue Progressistes
Signez la pétition « Non à la mesure de suspension adoptée contre Jean-Pierre Dubois » ici
Le professeur des universités Jean-Pierre Dubois, constitutionnaliste, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, a été suspendu par l’Université Paris-Saclay, où il enseigne, pour avoir tenu à organiser une épreuve de droit constitutionnel en L1 sous la forme d’un QCM de 10 questions, sur une plage horaire de deux heures, avec plusieurs essais.
Les étudiant·e·s se voyaient confirmer les réponses à l’issue de la première tentative et pouvaient recommencer l’épreuve autant de fois qu’iels le souhaitaient, sur la plage horaire.
La présidence de l’université, constatant que les notes à cette épreuve étaient généralement au-dessus de 18/20, y voit une rupture d’égalité entre les étudiants·e·s et considère que le professeur Dubois a failli à ses obligations professionnelles et va jusqu’à considérer qu’il s’agit là d’une infraction pénale.
D’après la FSU Paris Saclay, le professeur Dubois s’est vu notifier cette décision alors qu’il s’apprêtait à participer aux délibérations du jury de L1 en droit. En plus de ne pas avoir eu l’occasion de s’expliquer, le constitutionnaliste se retrouve donc suspendu, à quelques mois de sa retraite, sans possibilité de faire valoir ses droits devant une commission disciplinaire.
Au-delà des conséquences pour cet enseignant-chercheur ayant dédié 45 années au service public, cette décision interroge les principes de l’enseignement supérieur et de la recherche. Par cette décision, l’université sanctionne durement un enseignant-chercheur pour une décision pédagogique. Il en va de la liberté pédagogique des enseignant·e·s-chercheur·se·s et de leur indépendance.
Au cours du confinement, l’alerte a été donnée quant aux inégalités d’accès à internet, à un matériel informatique de qualité et à un espace calme entre les étudiant·e·s. Pour ce qui est de l’enseignement primaire et secondaire, c’est d’ailleurs ainsi que le gouvernement justifiait la reprise de l’école à la mi-mai. Les difficultés d’organisation de la continuité pédagogique ont été notées tant par les syndicats et collectifs d’enseignant·e·s, que par les syndicats étudiants.
Un QCM se déroulant sur deux heures, est un dispositif répondant aux problèmes de connexion rapportés par nombre d’étudiant·e·s. Mais la moyenne très élevée des résultats choque. Or, un tel questionnaire permet à l’étudiant·e de mieux intégrer les savoirs, en constatant ses erreurs et en les corrigeant lui-même. Pour ce qui est des méthodes d’enseignement, un tel exercice peut favoriser l’apprentissage en le détachant de l’angoisse ou de l’obsession de la note, au profit du contenu, de la compréhension du cours.
Cet événement s’est produit alors que dans les universités l’évaluation sommative règne en maître absolu. La remise en cause des modalités d’évaluation, que suppose l’épreuve organisée par le professeur Dubois, est considérée comme un manquement à ses obligations professionnelles. Or, les enseignant·e·s-chercheur·se·s, disposent d’une liberté pédagogique. A condition de respecter l’égalité entre les étudiant·e·s. En période de crise sanitaire majeure, alors qu’une proportion importante d’étudiant·e·s ont décroché de leur cursus, ce QCM peut-il être considéré comme une rupture d’égalité ?
Le cœur du travail des enseignant·e·s-chercheur·ses, c’est la production de savoirs et leur diffusion. Par cette décision, la présidence de l’Université Paris Saclay laisse entendre que nous ne saurions questionner nos méthodes d’enseignement et d’évaluation. Cette décision autoritaire, contre un collègue à l’éthique professionnelle reconnue, doit être dénoncée.
Le professeur Dubois a communiqué la notification de la décision de la présidence aux syndicats FSU et CGT de l’Université Paris Saclay. Une pétition a été lancée par la FSU Paris Saclay pour le retrait immédiat de cette mesure de suspension.