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SOURCE : France TV Info
Le rapport 2019 de l’Inspection générale de la police nationale, publié lundi, fait état d’une forte hausse des saisines sur une année, notamment liée au mouvement des “gilets jaunes”.
Un niveau inédit. En 2019, la police des polices a été saisie de 1 460 enquêtes judiciaires, soit 23,7% de plus que l’année précédente. C’est ce que révèle le rapport annuel de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), publié lundi 8 juin, dans un contexte de nouvelle polémique sur les violences policières.
Cette augmentation des dossiers en cours s’explique notamment par un effet “gilets jaunes”. L’IGPN dresse par ailleurs un bilan des armes utilisées par les membres des forces de l’ordre et des sanctions disciplinaires et judiciaires en cours ou actées. Franceinfo a consulté ce rapport et vous résume ce qu’il faut en retenir.
Plus de la moitié des saisines pour des faits de “violences volontaires”
Sur les 1 460 enquêtes judiciaires ouvertes par l’IGPN en 2019, 868 portent sur des faits de “violences volontaires”, soit 256 de plus qu’en 2018 (+41%). Ces violences représentent donc 59% des dossiers confiés à la police des polices. Les manifestations des “gilets jaunes” pèsent pour beaucoup dans ce bond des saisines. “Il est intéressant de rapprocher le nombre de saisines supplémentaires (…) relatives à l’usage de la force ou des armes, avec le nombre de 292 saisines spécifiquement liées à l’usage de la force ou des armes lors des manifestations des gilets jaunes”, note le rapport.
De manière générale, le mouvement des “gilets jaunes” est régulièrement cité dans le document pour expliquer la hausse des dossiers traités.
“Les violences exercées contre les forces de l’ordre lors des manifestations ont sans doute atteint un nouveau degré et elles ont entraîné des ripostes nombreuses et plus fermes, et donc des blessés”, avance encore le dossier. Par ailleurs, le rapport explique que la hausse des saisines est également liée à la désignation “de manière systématique” de l’IGPN par “le parquet de Paris, sur toutes les plaintes relatives à l’usage de la force”.
En 2019, 19 décès lors d’interventions de police
Au cours de l’année 2019, 19 personnes sont mortes à l’occasion des missions de police, contre 17 l’année précédente. “Dans plus d’un tiers des cas, le décès résulte du comportement direct du particulier ou de son état physique (problème de santé, malaise généré par l’alcool ou les stupéfiants…)”, avance le dossier. Parmi ces décès, huit ont été causés par l’usage direct d’une arme à feu par la police.
Le rapport rend aussi public le nombre de blessés graves lors de missions de police : 117, contre 169 en 2018. Près de la moitié de ces blessures s’est produit sans usage d’une arme. Dans l’écrasante majorité des cas (88%), les blessures et les décès sont survenus hors des locaux de police : 53 blessures sont intervenues à l’occasion d’opérations de “maintien de l’ordre ou de violences urbaines”, contre 90 en 2018. Une importante baisse par rapport à l’année précédente (-41%), qui ne doit pas occulter que la gestion de l’ordre public reste le principal contexte des blessures corporelles de particuliers (45% des cas).
Baisse du recours au LBD, première arme responsable de blessures
Le rapport annuel de l’IGPN recense également l’usage des armes par les forces de police. Au cœur des polémiques sur le maintien de l’ordre, l’usage du lanceur de balles de défense (LBD), mis en cause dans la mutilation de manifestants lors du mouvement des “gilets jaunes”, est en baisse, avec 10 785 tirs en 2019, contre 18 976 en 2018. Un recul de 43% qui pourrait notamment s’expliquer par le niveau “hors norme” de l’année 2018, marquée par le début du mouvement des “gilets jaunes” et les manifestations des lycéens, notamment contre la réforme du baccalauréat.
Toutefois le LBD reste “l’arme la plus génératrice de dommages”, impliqué dans 32 cas de blessures. Cette arme très controversée “n’est pas dommageable par nature”, affirme cependant l’IGPN puisque, selon les statistiques 2019, “un tir sur 337 engendre une blessure importante (Incapacité totale de travail de neuf jours ou plus)”.
Le recours aux grenades à main de désencerclement, également accusées d’avoir blessé ou mutilé plusieurs manifestants, est aussi en recul, avec 3 244 grenades utilisée en 2019, contre 5 420 l’année précédente (-40%). La grenade à main est, elle, impliquée dans trois cas de blessures.
Enfin, selon les données de l’IGPN, le recours aux armes à feu reste sensiblement le même (303 cas en 2019, contre 309 l’année précédente). Les tirs en direction des véhicules, ou de leur conducteur, fonçant sur des policiers représentent 153 cas.
Des poursuites judiciaires en hausse
Malgré des saisines en hausse, les 1 460 enquêtes judiciaires ouvertes par l’IGPN en 2019 “ne constituent pas une présomption de faute des agents”, met en garde l’institution, dont l’impartialité est régulièrement mise en cause. “Cette approche erronée rend encore plus compliquée la compréhension in fine des décisions nombreuses de classement (sans suite) qui sont prises par l’autorité judiciaire et, en aucun cas, par l’IGPN”. Au-delà des saisines en cours, l’IGPN fait état de 1 322 enquêtes clôturées et transmises aux autorités judiciaires l’an dernier, contre 1 157 en 2018 (+14,3%). Brigitte Jullien, directrice de l’IGPN, a rappelé, lundi matin, au micro d’Europe 1, que seule la justice pouvait rendre compte du résultat de ces enquêtes judiciaires.
Par ailleurs, sur les 399 dossiers de “gilets jaunes” attribués à l’IGPN depuis le début du mouvement en novembre 2018, 130 concernent des blessures graves et 274 ont été transmis à la justice. “Aujourd’hui, on a une douzaine de policiers qui sont susceptibles de faire l’objet de poursuites judiciaires”, détaille Brigitte Jullien auprès de l’AFP.
Sur le volet administratif, 224 enquêtes ont été ouvertes par la police des polices, contre 290 en 2018. Moins nombreuses, elles sont en revanche d’une “plus grande complexité”, selon l’IGPN. Celle-ci a par ailleurs transmis 238 enquêtes à la hiérarchie policière, qui détient le pouvoir de sanction en interne. Les principaux manquements relevés par l’IGPN concernent les questions d’exemplarité (harcèlement, ébriété en fonction, usage de stupéfiants, etc.), ainsi que les usages disproportionnés de la force ou le manquement au devoir de protection.
Sur ces 238 enquêtes clotûrées, l’IGPN a formulé des propositions de sanctions disciplinaires allant du simple avertissement au renvoi en conseil de discipline, qui peut mener à la radiation. En 2019, 39 agents ont été exclus de la police, mentionne par ailleurs le rapport, contre 100 en 2018. Une baisse qui s’explique toutefois par l’organisation des élections paritaires, qui ont “de manière mécanique entraîné le décalage du processus disciplinaire sur toute l’année 2019”, souligne le rapport.
Les signalements des particuliers en augmentation
La police des polices peut également être saisie par les particuliers via une plateforme de signalement en ligne. En 2019, 9 564 particuliers se sont directement adressés à l’IGPN, soit une hausse de 26% par rapport à l’année précédente. “Cette augmentation sensible des signalements, à apprécier à l’aune d’un contexte social tendu en 2019, traduit une tendance très nette à la contestation et la dépréciation des pratiques policières”, estime le rapport.
Les trois reproches le plus souvent exprimés sur la plateforme demeurent les mêmes que les années précédentes. Les violences et les comportements jugés brutaux concentrent 32% des signalements, (six points de plus par rapport à 2018). Le manque de respect et de courtoisie envers la population, notamment à l’occasion de contrôles d’identité ou routiers, rassemble 20% des signalements. Enfin, le refus de prendre une plainte et l’absence de considération du statut de plaignant ou de victime concernent 15% des signalements.
Les “injures racistes” absentes du rapport
Les enquêtes liées à des soupçons d’“injures à caractère raciste ou discriminatoire”, au cœur de récentes mobilisations en France, ont été écartées du rapport d’activité 2019, comme l’explique Le Parisien (article réservé aux abonnés). Les précédents dossiers faisaient mention de 62 allégations et 42 enquêtes pour ces faits en 2017, et de 46 enquêtes en 2018, rapporte le quotidien francilien.
Malgré cette absence du rapport, ces données sont toujours recensées. Ainsi, 30 enquêtes judiciaires sur de tels faits chez des policiers ont été ouvertes en 2019, a dévoilé ces derniers jours Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale (DGPN). Le service communication de la police nationale avance, auprès du Parisien, un “changement de format”pour justifier le retrait de cette catégorie dans le rapport 2019, sans donner davantage de précisions.