Après le second tour des municipales

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SOURCE : Arguments pour la lutte sociale

Macron n’est pas parvenu à construire son « parti du président ». A deux reprises, avec les Gilets jaunes et la poussée gréviste en défense des retraites, il a été confronté à des mouvements d’ensemble cherchant à se centraliser contre lui et le chasser, ouvrant ainsi la crise du régime ; ces mouvements l’ont affaibli mais ne sont pas parvenus à le chasser, en raison du respect des institutions de la V° République par les directions syndicales et politiques censées être de notre camp social. Mais du propre point de vue du capitalisme français, Macron a échoué : aucun de ses objectifs programmatiques de 2017 n’est atteint. La crise dite du Covid 19 parachève le déclassement de la France par rapport à l’Allemagne, situant la France non plus en position européenne intermédiaire et, d’une certaine façon, centrale, mais avec les pays méditerranéens (les « PIGS » des experts « européens » -Acronyme pour Portugal-Italie-Grèce-Espagne-), et conduisant Macron à courtiser Poutine.

Faire tenir Macron, et c’est ainsi qu’il tient, c’est avoir comme seule perspective les présidentielles de 2022. Et n’avoir que cette seule perspective ne prépare même pas, justement, ce scrutin, mais laisse Macron finir de créer les conditions pour l’élection par défaut de Marine Le Pen, ou pour tel ou tel nouveau coup d’État et coup politique tentant désespérément de modifier la situation.

Le second tour des élections municipales de ce 28 juin 2022 confirme et amplifie globalement ces données. LREM est laminée, c’est partout un pur repoussoir, et quand LREM s’allie à LR comme à Lyon ou Bordeaux, c’est pire encore pour eux. L’exception havraise est plus que mitigée : E. Philippe, maire sortant, avait son ancien appareil LR, il a bénéficié des divisions à gauche et a pourtant dû aller au second tour, et sa dissociation d’avec Macron a de facto commencé.

Le niveau d’abstention est historique pour des municipales tout en étant en lui-même moins fort que la vraie situation sanitaire et la gabegie gouvernementale ne pouvaient le laisser penser. Tant l’abstention massive que les votes effectifs affaiblissent Macron et LREM.

En même temps, aucune perspective politique servant de point d’appui à l’affrontement social ici et maintenant, condition de toute approche sérieuse des présidentielles, si Macron tient jusque-là, ne ressort et ne pouvait ressortir de ce second tour.

Certes, beaucoup d’indices dans les situations locales montrent les possibilités, depuis Bordeaux où Poutou se maintient avec près de 10% qui n’empêchent pas la défaite du gang LREM-LR, à des petites communes et des petites villes comme Commentry dans l’Allier. Certes, le maintien d’un tissu local de municipalités PS et PCF est confirmé. Certes, la défaite des héritiers de Gaudin à Marseille est une victoire démocratique, mais la possibilité qu’elle ne se traduise pas dans l’élection de la première magistrate serait un scandale démocratique de plus.

En outre, la victoire du RN à Perpignan appelle une auto-défense démocratique et sociale, n’ayant n’a rien à voir avec le « front républicain » pour soutenir le système clientélaire en place dans cette ville depuis des décennies, système dont le RN est l’héritier légitime. Mais il y a, en réalité, recul du RN sur le terrain municipal au plan national. On notera, en outre, la défaite du milliardaire Altrad à Montpellier, qu’avaient rejoint des secteurs LFI et EELV sur une ligne s’apparentant à un « Cinque Stelle à la française ».

La dérouillée de LREM en l’absence de perspective politique alternative a ouvert le champ à la conquête par EELV d’un grand nombre de mairies importantes. Par conséquent, les états-majors se disposent pour faire de Jadot « le » candidat d’une alternance aux présidentielles, qui ne serait pas une alternative mais une forme de continuation : nous pouvons parier que l’abrogation des lois anti-sociales de Macron (ordonnances contre le Code du travail, réforme du Bac et Parcoursup, loi dite de transformation de la Fonction publique, lois contre les retraites et contre l’assurance chômage qu’il veut remettre en marche) ne sera pas à son programme et encore moins la réponse à l’urgence sociale et environnementale immédiate. J.L. Mélenchon est déjà de fait candidat alors que la décomposition de LFI est bien visible dans ce scrutin, sous des formes multiples. Et le matelas de voix nationales de Marine Le Pen est indépendant des aléas municipaux de son appareil politique.

Donc, répétons-le : ce second tour ne modifie pas les données de « la présidentielle » mais les confirme et les aggrave. Avec une abstention massive, toutes choses égales par ailleurs, l’élection d’un président capitaliste, antisocial et antidémocratique est acquise, alors même qu’il ou elle sera minoritaire dans le pays.

Avoir comme seule perspective les présidentielles de 2022, faire l’impasse sur les revendications les plus urgentes que sont l’interdiction des licenciement et la diminution du temps de travail afin d’ endiguer la vague de chômage massif qui déferle, c’est accepter « l’accélération » que réclame Édouard Philippe. Une accélération dans la précarisation et l’atomisation du prolétariat qui vise à mettre notre classe dans l’incapacité d’emporter quelque élection que ce soit. Attendre une solution politique à deux ans, c’est détruire toute possibilité de substituer à ce régime failli, une politique ouvrière portée par des organisations qui auraient combattu et imposé des reculs à Macron.

Personne ne peut croire que deux nouvelles années de destruction sociale orchestrée, avec ou sans remaniement ministériel, pourront produire d’autre choix que celui du pire ou du pire. Ce sont les institutions de la V° République qu’il faut attaquer, directement, sur le front social. Le réalisme est là !

Le 29-06-2020.


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