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SOURCE : L'humanité
L’Humanité, 29 juillet 2020
Le conseil d’administration du fournisseur français mise sur un plan d’économie pour contenir son endettement. Celui-ci pourrait atteindre 50 milliards d’euros en raison du manque à gagner provoqué par la libéralisation du marché.
Ce mercredi 29 juillet, le conseil d’administration d’EDF doit examiner le contenu du plan d’économie concocté par la direction. Répondant au joli nom de « Mimosa », cet avant-projet mise sur un effort qui devrait se situer entre 2 et 3 milliards d’euros. Toutes les activités de l’électricien pourraient être impactées et il serait question de cessions d’actifs. L’hypothèse d’une ouverture du capital d’Enedis, la filiale de distribution d’électricité, a ainsi été évoquée à plusieurs reprises dans la presse tout comme la vente totale ou partielle de la filiale italienne, Edison. L’emploi devrait servir une fois de plus de variable d’ajustement, craignent également les organisations syndicales. « On s’attend à des suppressions d’emplois dans tous les secteurs, mais surtout dans le commercial », explique Thierry Raymond, le délégué syndical CGT d’EDF SA.
L’impact de la crise sanitaire
Quatre ans après un précédent plan de 1,5 milliard d’euros d’économie en 2016, la direction met cette fois-ci en avant l’impact de la crise sanitaire sur la situation financière du groupe. Le coup de frein à l’activité économique dû au confinement a provoqué une baisse de la consommation d’électricité de 15 à 20 % en mars dernier, entraînant un recul du chiffre d’affaires du premier trimestre de l’ordre de 250 millions d’euros. Les résultats du deuxième trimestre ne sont pas connus, mais EDF table sur un recul de la production d’électricité nucléaire en 2020 à 300 térawattheures (TWh) contre 379,5 TWh en 2019. Les prévisions pour 2021 et 2022 se situent entre 330 et 360 TWh. Sur le plan financier, le manque à gagner s’annonce donc important. Selon des estimations internes, il pourrait se situer entre 2 et 3 milliards d’euros en ce qui concerne le résultat opérationnel.
Si l’impact de la crise économique sur les comptes d’EDF est indéniable, « les difficultés financières du groupe tiennent en grande partie à l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité », dénonce Thierry Raymond. Alors que les coûts de production sont stables (entre 33 euros et 36 euros le mégawattheure dans le nucléaire suivant les estimations), les prix sur le marché sont, eux, très fluctuants. Actuellement aux environs de 42 euros du mégawattheure, le tarif était descendu à 26 euros en 2016. Au plus fort de la crise du Covid, il a même atteint des prix négatifs. La volatilité de la Bourse de l’électricité entraîne ainsi une instabilité des recettes de l’électricien alors même que, comme le fait remarquer le syndicaliste CGT, « les investissements sont conséquents ». Le coût de l’EPR de Flamanville est évalué à 19 milliards d’euros selon la Cour des comptes. Le grand carénage, c’est-à-dire la rénovation des centrales nucléaires existantes pour prolonger leur durée d’exploitation de dix ans, est estimé aujourd’hui à 45 milliards d’euros. « À ceci s’ajoutent les dépenses imposées par l’État. »
Le rachat d’Arava sans contrepartie
Thierry Raymond pointe aussi la construction des deux réacteurs d’Hinkley Point (Royaume-Uni) imposée en 2016 par le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, contre l’avis de la direction d’EDF et qui va coûter au moins 22,5 milliards d’euros à l’entreprise. Le délégué rappelle aussi le rachat d’Areva NP décidé sans contrepartie par Emmanuel Macron et qui a coûté 2,5 milliards d’euros à l’électricien. « Alors que les recettes d’EDF sont déstabilisées par le marché, l’État a chargé la barque et, en conséquence, l’endettement explose », poursuit-il. De 41 milliards d’euros fin 2019, il pourrait passer à 50 milliards d’euros à la fin de l’année. C’est sans doute pour éviter ce scénario que la direction d’EDF s’apprête à adopter « Mimosa ». Mais le plan d’économie n’aura que des effets limités. « Si on veut sortir les comptes d’EDF du rouge, il est temps de tirer le bilan de la libéralisation du marché et d’en sortir », soutient Thierry Raymond. Le syndicaliste s’étonne aussi qu’« aucune aide ne soit apportée à EDF alors que le gouvernement soutient d’autres secteurs à coups de milliards d’euros ».
Dans l’attente de la publication du contenu du plan d’économie, la CGT d’EDF a déjà prévu d’appeler à la mobilisation le 17 septembre dans le cadre de la journée d’action organisée par la confédération.