Le 11 avril dernier, le lanceur d’alerte Julian Assange était arrêté à l’ambassade d’Équateur par les autorités britanniques, après que le nouveau président équatorien Lenin Moreno lui a retiré l’asile diplomatique. La justice britannique est en train de statuer sur sa libération et sur la demande par les États-Unis de son extradition sur le territoire américain, où il risque 175 ans de prison…
Les conditions de détention de Julian Assange sont inhumaines : il est maintenu à l’isolement et, selon le rapporteur des Nations unies sur la torture qui l’a rencontré, il présente d’importants signes de torture psychologique. L’audience au tribunal de Westminster le 21 octobre dernier a montré que les conditions de son jugement ne sont pas démocratiques : les avocats ont peu de temps pour préparer le dossier, et Julian Assange n’a pas accès à ses propres documents, dont il a besoin pour sa défense. Une prochaine audience a été fixée le 19 décembre, avant une autre audience en février concernant spécifiquement la demande d’extradition des États-Unis.
Combat pour la transparence de l’information
La raison d’un tel acharnement judiciaire réside dans le fait qu’Assange soit le créateur de Wikileaks, site ayant révélé de nombreux scandales, en particulier concernant la politique de l’impérialisme US et de ses relais : des crimes de guerres commis sur des journalistes par les États-Unis en Irak, l’espionnage systématique d’industriels et de personnalités politiques étrangères par les services de renseignements US, l’incarcération sans motif de civils à Guantanamo, l’espionnage illégal de multiples personnalités par le gouvernement péruvien – révélation qui avait entraîné la chute du gouvernement en 2015 –, l’espionnage des téléphones portables de citoyens russes par le gouvernement, le déversement de produits toxiques en Côte-d’Ivoire par un navire étranger ayant entraîné la mort de 17 personnes, une ordonnance secrète de censure émise par le gouvernement australien et portant sur une affaire de corruption impliquant des hauts dignitaires, et bien d’autres affaires que des gouvernements auraient préféré garder secrètes….
Le combat d’Assange comme celui d’autres lanceurEs d’alerte est un combat pour la transparence de l’information, notamment celle portant sur les actes des gouvernements ou des grandes entreprises. La facilité avec laquelle de nombreux politiciens et même des journalistes ont appelé à l’incarcération d’Assange est révélatrice de l’immensité de l’enjeu de la transparence dans un monde où les gouvernements mentent et font de la rétention d’information pour maintenir leur pouvoir. Dans son dernier rapport annuel, Reporters sans frontières a mis en évidence que « jamais les journalistes américains n’avaient fait l’objet d’autant de menaces de mort [et n’avaient] autant sollicité d’entreprises privées pour assurer leur sécurité ». L’État français a lui aussi été pointé du doigt par Amnesty International et l’Union européenne pour un grave recul de la liberté de la presse pendant le mouvement des Gilets jaunes.
Collusion entre États et entreprises privées
Le procès d’Assange et la traque contre Wikileaks n’est donc pas une anecdote mais reflète la hargne et la détermination des gouvernements à écraser toute personne qui porterait atteinte aux intérêts des capitalistes en brisant le secret de leurs manœuvres et de leurs crimes. Les assassinats de défenseurEs des droits humains et de la nature sont ainsi monnaie courante en Amazonie ainsi que dans de nombreuses régions du globe. Telle est la réalité de la violence capitaliste. Assange, en la portant sur la place publique, a mis à nu la collusion entre les États et les entreprises privées, et l’hypocrisie de la diplomatie. Il a visibilisé la fonction première de tout État capitaliste : gérer les affaires générales de la classe dominante, en politique intérieure comme en politique extérieure. L’emprisonner revient à s’en prendre au journalisme d’investigation indépendant, à la liberté d’expression et à notre droit démocratique à dénoncer les pratiques criminelles menées aux plus hauts sommets des États.
Nous ne nous reconnaissons pas dans toutes les déclarations faites par Julian Assange. Nous estimons même que plusieurs d’entre elles doivent être clairement combattues politiquement1. Nous souhaitons, de plus, que les conditions soient réunies pour que son procès pour viol se tienne dans des conditions qui n’instrumentalisent pas les violences sexistes qu’il aurait pu commettre. Que des plaintes aient été déposées pour agressions sexuelles et viol renforcent notre détermination à lutter contre les attaques des États à son encontre, afin de rendre possible la tenue d’un procès. Il devrait pouvoir être jugé sur cette question sans craindre d’être extradé aux États-Unis.
Julian Assange, Edward Snowden et touTEs les autres travailleurEs de l’informatique qui ont contribué à la publication d’informations sur les agissements criminels de la classe dominante ont choisi leur camp en offrant au monde et à leur classe la vérité au péril de leur vie. Le 20 octobre dernier, un groupe d’une centaine de Gilets jaunes a fait le trajet de Paris à Londres pour exiger la fin de la détention de Julian Assange. Nous soutenons pleinement cette revendication et exigeons du gouvernement français qu’il accède à sa demande d’asile politique.
(Publié initialement sur le site du NPA)
- Nous faisons notamment référence à ses déclarations anti-féministes dans une interview donnée au Sunday Times en décembre 2010, par rapport à l’accusation de viol portée contre lui en Suède : « La Suède est l’Arabie saoudite du féminisme » ou encore « Je suis tombé dans le nid de frelons du féminisme révolutionnaire ». Source (en anglais) : The Times [return]