Julia Deck, Propriété Privée

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SOURCE : Contretemps

À propos de : Julia Deck, Propriété Privée, Paris, Éditions de Minuit, 2019.

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Un écoquartier chic, des maisons neuves mais bâties en matériaux durables, de vertes allées résidentielles, un système de chauffage et de recyclage des ordures écolo et entièrement automatisé, bref, un petit paradis que ce petit coin « moderne et moral » de banlieue parisienne non loin de Paris et d’une station de RER. Mais quelque chose est pourri au royaume de la gentrification. Les dispositifs écologiques délégués à une série de sous-traitants ne fonctionnent pas, les travaux n’en finissent pas, les supermarchés n’offrent pas de viande aux rassurantes étiquettes « label rouge », l’asphalte reste crevé, et il y a décidément une drôle d’odeur dans l’air.

Avec Propriété Privée, l’écrivaine française Julia Deck nous offre un « roman de voisinage[1] » cruel et drôle. L’autrice a une prédilection pour les enquêtes menées par des personnages troubles : Viviane Elisabeth Fauville, dans le roman éponyme, doit semer les enquêteurs après avoir tué son psychanalyste à coups de couteaux. Dans Le triangle d’hiver, Mademoiselle, criblée de dettes, emprunte une fausse identité et tente de séduire l’Inspecteur. Dans Sigma, l’organisation du même nom est chargée d’éliminer les œuvres d’art indésirables. Autant d’écrits qui jouent à mettre en scène des personnages (souvent féminins) et des motivations ébréchées derrière de lisses apparences. Comme le dit Julia Deck : « les sorcières, les mauvaises reines ne sont-elles pas des personnages infiniment plus intéressants que les bergères ou les princesses[2] » ? La mauvaise reine, dans Propriété privée, c’est la narratrice, Eva Caradec. Eva est urbaniste. Elle sait manier les éléments de langage à la mode quand il s’agit de vendre son projet de rénovation dans le 19ème arrondissement : elle travaille avec Nicolaes Bogaert, celui qui sait « corriger la scénographie tragique de friches industrielles pour permettre au public de se les approprier », pour proposer à la ville la notion d’« espace incertain » qui consiste à « laisser les habitants inventer leurs propres usages ». Mais comme tout le monde, Eva maque d’espace et rêve d’ailleurs. L’urbaniste du 19ème arrondissement décide de déménager en banlieue écolo, sans savoir que son rêve de CSP+ va se transformer en cauchemar.


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