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SOURCE : Reporterre
L’auteur de cette tribune, élu local écologiste, a voté Yannick Jadot aux élections européennes. Depuis, sa déception est grande devant la stratégie d’Europe Écologie-Les Verts pour les municipales.
Jean-Claude Oliva est conseiller municipal Écolos solidaires de Bagnolet (Seine-Saint-Denis).
Les Verts autrichiens exultent. Ils sont enfin au pouvoir… avec les conservateurs. Pour Romaric Godin, « en acceptant les politiques néolibérales et identitaires de la droite pour prix d’une politique écologique ambitieuse sur le papier, mais sans moyens concrets, les Verts renoncent à allier l’écologie aux intérêts des classes moyennes, acceptent de se taire sur la question des migrants et reconnaissent que la priorité réelle doit être non pas l’environnement, mais bien la compétition économique (…) Faute de sauver la planète, les Verts autrichiens semblent donc s’engager à sauver le néolibéralisme ». Est-ce la voie sur laquelle nous entraînent Yannick Jadot et ses ami-es ?
La question se pose au vu des alliances troublantes, voire contre nature, d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) pour les élections municipales. À Paris, EELV mène la bataille contre la maire Anne Hidalgo, dont le bilan écologique est pourtant incontestableet résulte en grande partie de l’action d’élu-es écologistes comme Célia Blauel ou Christophe Nadjovski. Dans le club planétaire des grandes villes, Paris est une de celles qui se sont engagées le plus fort dans les politiques écologiques de réduction de la place de la voiture ou de végétalisation. Certes, cela n’est pas encore suffisant, aucune ville, aucun pays n’en fait assez, ne cesse de répéter Greta Thunberg. Mais de là à se rapprocher de Cédric Villani, député La République en marche (LREM), dont le seul engagement écologique consiste à s’absenter de l’hémicycle lors de certains votes… La volonté de rompre avec la social-démocratie de gouvernement pourrait se comprendre, tant cette dernière s’est compromise, encore faudrait-il que l’écologie soit la boussole des nouvelles alliances !
À Bagnolet (Seine-Saint-Denis), si le bilan écologique n’est pas comparable à celui de Paris, de premiers pas importants ont été faits, avec un moratoire depuis trois ans sur les projets immobiliers, avec l’engagement en faveur de la gestion publique de l’eau ou encore le maintien de la bergerie des Malassis. Et des engagements majeurs sont pris pour l’avenir avec l’alliance conclue avec Écolos solidaires et le soutien de Génération écologie. Mais la direction d’EELV (qui n’a pas de groupe local à Bagnolet et dont les adhérent-es se répartissent sur trois listes) lorgne une alliance de second tour avec Laurent Jamet, ancien premier adjoint et adjoint à l’urbanisme (avant 2014), à l’origine de la déferlante immobilière qui a défiguré la ville. Qu’est-ce donc qui conduit EELV à préférer s’allier aux adversaires de l’écologie plutôt qu’à ses ami-es ?
EELV est une sorte de vitrine électorale de l’écologie, mais, malheureusement, il n’y a rien derrière
Depuis sa création, EELV n’a jamais réussi à se développer et reste un microparti, 5.000 adhérent-es revendiqué-es avant les européennes, 10.000 (?) après. Si tout le Parti socialiste (PS) prenait le virage de l’écologie — comme Anne Hidalgo l’a fait à Paris — EELV risquerait de passer au second plan de l’écologie voire au troisième, si on considère aussi les professions de foi écologistes de la France insoumise. Plutôt que de miser sur l’émergence d’une grande force écologiste transcendant la gauche, EELV joue l’affaiblissement de toute la gauche pour récupérer la mise avec Yannick Jadot aux prochaines présidentielles. C’est grosso modo, la même stratégie que la France insoumise après les élections présidentielles de 2017, tapant très fort sur le reste de la gauche et sur les écologistes pour tenter de se poser comme l’unique opposition à Macron. On voit où cela a conduit la France insoumise, faut-il vraiment recommencer la même expérience ?
D’autant que cette stratégie passe à côté de l’essentiel. Si EELV n’a pas réussi à s’imposer jusqu’à présent malgré une prégnance de plus en plus forte des idées écologistes dans le pays, ce n’est pas la faute à Rousseau ni à la concurrence des autres formations politiques, mais bien aux limites du parti écologiste lui-même. Et c’est sans doute cela qu’il faudrait dépasser. EELV est une sorte de vitrine électorale de l’écologie, mais, malheureusement, il n’y a rien derrière, pas de réflexion, pas de projet, pas de construction politique : comment avancer dans ces conditions ? Un exemple récent : entre les animalistes, les tenants de l’alternative végétarienne, les véganes, la bio, les éleveurs de la Confédération paysanne, les activistes de L214, etc., il y a toute une gamme d’engagements qui relèvent de l’arc écologiste, toute une effervescence de réflexions qui mériteraient une confrontation sérieuse et passionnante pour dégager des options et des actions communes. Qui est mieux placé qu’un parti écologiste pour mener ce débat et réaliser cette convergence indispensable ? Au lieu de s’atteler à ce travail de fond, EELV a édité un catalogue de « 85 propositions pour les animaux » pour les élections municipales… L’autre faiblesse d’EELV, c’est son fonctionnement interne particulièrement opaque pour le commun de ses membres, dont je fais partie. Certes il n’y a pas d’autoritarisme mais pas de démocratie non plus : malgré un formalisme pesant, ses adhérent-es ne sont pas associé-es à l’élaboration de la stratégie, définie en vase clos par ses instances dirigeantes. Faire de la politique autrement, c’est toujours pour demain !