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SOURCE : Divers
L’ancien ministre de la culture nicaraguayen (1979-1987), plusieurs fois pressenti pour le prix Nobel de littérature, est mort dimanche à 95 ans. Trois jours de deuil national ont été décrétés dans le pays.
Il était une figure de la révolution sandiniste et un apôtre de la théologie de la libération (un courant de pensée chrétien inspiré des concepts marxistes). Le poète, prêtre catholique et homme politique nicaraguayen Ernesto Cardenal est mort dimanche 1er mars à l’âge de 95 ans, a annoncé son assistante. « Il s’en est allé dans une paix absolue, il n’a pas souffert », a déclaré Luz Marina Acosta, sa collaboratrice depuis plus de quarante ans. Le prêtre, hospitalisé depuis mercredi, a succombé à un arrêt cardiaque.
Le président Daniel Ortega, qui fut son compagnon d’armes au sein du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) pendant la révolution, avant que les deux hommes ne se brouillent dans les années 1990, a aussitôt décrété trois jours de deuil national au Nicaragua. Le gouvernement « se joindra aux cérémonies de remerciements et d’adieux à ce frère nicaraguayen », a fait savoir l’exécutif dans un communiqué.
Né le 20 janvier 1925 à Granada, près de la capitale Managua, Ernesto Cardenal avait été ordonné prêtre trappiste en 1965, après des études de philosophie et de littérature aux Etats-Unis et au Mexique.
Il était l’un des principaux chantres de la théologie de la libération, un mouvement social issu de l’Eglise catholique, teinté de marxisme et développé en Amérique latine dans les années 1970. Il avait participé à la révolution sandiniste qui, en 1979, avait abouti à la chute du régime autoritaire d’Anastasio Somoza. Dans ses Mémoires, M. Cardenal avait affirmé que sa vie avait toujours été « guidée par Dieu », lequel lui avait donné l’inspiration pour « devenir révolutionnaire bien avant l’apparition du FSLN » en 1961.
Suspendu par le Vatican en 1985
Devenu ministre de la culture dans le premier gouvernement du FSLN dès 1979, il avait été publiquement réprimandé par Jean Paul II sur le tarmac de l’aéroport de Managua à son arrivée en 1983 pour une visite officielle. Le pape polonais avait refusé sa bénédiction au prêtre-ministre, agenouillé devant lui, et, un doigt impérieux levé, l’avait tancé en lui demandant de « se réconcilier d’abord avec l’Eglise ». Deux ans plus tard, le prêtre n’ayant pas quitté ses fonctions politiques, le pape l’avait suspendu a divinis.
Ernesto Cardenal était alors devenu l’un des principaux pourfendeurs de Jean Paul II et de son successeur Benoît XVI, dont les pontificats avaient selon lui fait reculer l’Eglise catholique. La suspension avait été levée par le pape François en février 2019. Ernesto Cardenal, revêtu de l’étole, symbole de ses pouvoirs sacerdotaux recouvrés, avait alors reçu l’eucharistie des mains du nonce apostolique sur son lit d’hôpital, où il était soigné pour des problèmes rénaux.
Sur le plan politique, Ernesto Cardenal s’était brouillé avec Daniel Ortega, qu’il accusait de trahir les idéaux révolutionnaires pour se maintenir au pouvoir, et avait quitté le FSLN en 1994.
Plusieurs fois pressenti pour le prix Nobel de littérature, sans jamais l’obtenir, il était l’auteur de plusieurs ouvrages poétiques comme L’Heure zéro ou Prière pour Marilyn Monroe et autres poèmes. Il était traduit dans une vingtaine de langues.
Son livre le plus célèbre reste L’Evangile de Solentiname, écrit au sein d’une célèbre communauté chrétienne trappiste qu’il avait fondé au début de sa carrière de prêtre, en 1966 dans les îles Solentiname, pour apprendre aux paysans et pêcheurs locaux à peindre et à écrire de la poésie. C’est dans cet archipel situé au milieu du lac Cocibolca que le prêtre, dont l’éternel béret noir de guérillero et les chemises en coton étaient devenus au Nicaragua un synonyme de simplicité, sera incinéré et inhumé samedi après les funérailles mardi à Managua.
Trois jours de deuil ont été décrétés au Nicaragua par le président Daniel Ortega à l’annonce de la disparition du poète, prêtre catholique et homme politique nicaraguayen Ernesto Cardenal. Il fut l’une des figures de la révolution sandiniste et de la Théologie de la libération.
Trappiste, il embrasse la Théologie de la libération, dont il deviendra l’une des figures. Ce mouvement de l’église catholique, très présent en Amérique latine dans les années 1960-70, est influencé par le marxisme et se revendique proche des pauvres et des opprimés.
Ernesto Cardenal participe à la révolution sandiniste qui, en 1979, aboutit à la chute de la dictature d’Anastasio Somoza. Il est nommé ministre de la Culture du nouveau pouvoir sandiniste, dirigé par Daniel Ortega. Ce qui lui vaudra une réprimande publique de la part du pape Jean Paul II en visite officielle à Managua en 1983. Le pape polonais lui refuse alors sa bénédiction.
Rupture avec Daniel Ortega
Ernesto Cardenal sera d’ailleurs suspendu de son office de prêtre par ce même pape deux ans plus tard. Une sanction levée par le pape argentin François en février 2019.
Cardenal a toujours revendiqué avoir été inspiré par Dieu. En politique, il fut un homme de principe. Il avait ainsi pris ses distances avec Daniel Ortega, qu’il accusait de trahir les idéaux révolutionnaires du FSLN. Il quittera le mouvement en 1994 et vivra comme une trahison le retour au pouvoir de Daniel Ortega en 2007.
Ne se privant pas de critiquer son ancien compagnon de lutte, il s’attirera des ennuis avec la justice. En juin 2018, il publie une lettre ouverte critiquant la dictature de Daniel Ortega et la répression de la révolte dans son pays.
« Une poésie de la langue »
Le prêtre et militant était également poète. Une poésie narrative très liée à l’actualité de son pays, à son engagement politique et social. L’écrivain Sergio Ramirez, prix Cervantes en 2017 et proche d’Ernesto Cardenal disait de lui qu’il avait inventé « une poésie de la langue ».
Grand lecteur de Ruben Dario, poète nicaraguayen et figure majeure de la littérature latino-américaine, Ernesto Cardenal était l’auteur de plusieurs ouvrages poétiques comme Hora Cero (L’Heure zéro), Oracion por Marilyn Monroe y otros poemas (Prière pour Marilyn Monroe et autres poèmes) et surtout El Evangelio de Solentiname(L’Évangile de Solentiname), écrit au sein de la célèbre communauté chrétienne de pêcheurs et d’artistes qu’il avait fondée dans les îles Solentiname, au milieu du lac Cocibolca.
Cette communauté d’artistes, connue dans le monde entier, était devenue un lieu de pèlerinage religieux et artistique. C’est là qu’il sera inhumé le mardi 3 mars.