AVANT-PROPOS : les articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » ne représentent pas les positions de notre tendance, mais sont publiés à titre d’information ou pour nourrir les débats d’actualités.
SOURCE : Bastamag
Entreprises à l’arrêt, télétravail, chômage partiel… Beaucoup de salariés voient leur situation évoluer depuis quelques jours. D’autres continuent d’être mis en danger par leur employeur. Mode d’emploi pour période de crise, à usage des salariés.
« Depuis le confinement, rien n’a changé, on a reçu des ordres : respecter les distances d’un mètre, ne pas se serrer la main… Mais aucun dispositif n’a été mis en place pour se protéger et protéger les autres, on n’a pas de gel, pas de gants ni de masque », s’inquiète un employé toulousain d’Amazon, ce 19 mars, dans Libération. Certains salariés peuvent rencontrer jusqu’à 90 clients à livrer chaque jour. Cette inquiète colère monte un peu partout, alors que de nombreuses directions de sites industriels hésitent encore à fermer temporairement.
« On ne refuse pas de travailler, mais les gars sont inquiets. Salariés et sous-traitants, on est plus de 10 000 sur le site », explique un syndicaliste des chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire, dans Ouest France, alors que le confinement vient d’être instauré. « Alors qu’on interdit les rassemblements, qu’on demande aux gens de rester chez eux et de ne même pas aller dans les parcs, ici on se côtoie tous. Pas de gel, pas de masques. » Les ateliers des chantiers ont finalement fermé pour la semaine.
Les activités et agences bancaires, elles, demeurent ouvertes, considérées comme indispensables par le gouvernement. « Dans de nombreuses agences les salarié.es sont contraint.es de travailler face à la clientèle sans moyens de protection (…) malgré leur obligation de résultat en matière de santé au travail », dénonce les syndicalistes Sud de la Caisse d’épargne, dans un communiqué du 19 mars. « La négligence coupable de certains présidents de Caisses d’épargne régionales pourrait coûter des centaines de vies de salarié.es et de client.es. » Selon le syndicat, la direction refuse pour l’instant d’assurer « un point régulier de la situation ».
L’employeur doit protéger la santé de ses salariés
Coronavirus ou pas, l’employeur a l’obligation de protéger la santé de ses salariés. Définie à l’article L4121-1 du Code du travail, cette obligation est une contrepartie du lien de subordination qui lie tout salarié à son employeur. C’est lui qui doit fournir les matériels nécessaires (gels, masques), garantir l’hygiène (renforcement du nettoyage des lieux de travail, aération des locaux) et mettre en place une organisation du travail respectant les consignes édictées par les autorités publiques (ouverture de nouvelles salles pour les pauses, vitres de protection pour l’accueil du public, télétravail, mise en quarantaine, arrêt de l’activité). Si ces obligations ne sont pas remplies, les salarié.es peuvent utiliser leur droit de retrait.
Droit de retrait
Les salarié.es qui estiment que leur situation de travail présente un danger grave et imminent peuvent se retirer de leur poste de travail. Cette disposition de la loi (article L4131-1. du Code du travail) s’applique au risque de contagion – de la même manière que lorsque le salarié estime être en présence d’une machine dangereuse ou dans une situation d’insécurité pour cause de manque de personnel, par exemple. Les personnes qui exercent leur droit de retrait n’ont pas à prouver l’existence du danger. Il suffit d’avoir un motif raisonnable de penser que ce danger existe. Travailler au contact du public sans masque de protection, en pleine période d’épidémie de coronavirus, peut parfaitement justifier l’exercice du droit de retrait. De même que l’obligation de prendre les transports en commun pour rejoindre son lieu de travail.
Un salarié qui exerce son droit de retrait reste à disposition de son employeur, chez lui si l’ensemble de son lieu de travail est considéré comme dangereux. Ou bien au sein de son lieu de travail, à distance de l’aire considérée comme dangereuse. « Être en droit de retrait ne permet donc pas de rentrer chez soi mais bien de ne plus être au contact du danger identifié, détaille la fédération syndicale Solidaires. Par exemple, une guichetière qui exercerait son droit de retrait, pourrait tout à fait demander à son employeur de continuer à travailler mais sans contact avec le public. »
Le droit de retrait peut s’exercer seul ou collectivement, dans la fonction publique comme dans le secteur privé. Il n’y a pas de formalité particulière à remplir, mais les syndicats conseillent de s’entourer de témoins, de produire un écrit et de prévenir les représentants du personnel s’il y en a. Tant que le danger persiste, l’employeur ne peut demander aux salariés de reprendre leur activité. Aucune sanction et aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un.e salarié.e exerçant son droit de retrait. Si l’employeur conteste la réalité du danger, ce sera au juge de trancher.
Pour en savoir plus, voir cette fiche de l’union syndicale Solidaires.
Télétravail
En cette période de crise sanitaire, à la demande du gouvernement, le télétravail devient « la règle impérative pour tous les postes qui le permettent ». La mise en place du télétravail exige normalement la consultation du Comité social et économique (CSE) des entreprises, et la signature d’un accord collectif. Vu les circonstances exceptionnelles, cette consultation du CSE n’est pas obligatoire. Près de 8 millions d’emplois du secteur privé (soit plus de 4 emplois sur 10) « sont aujourd’hui compatibles avec le télétravail », évalue le ministère du Travail. « Le télétravail nécessite néanmoins l’accord des salarié.es, remarque Philippe Saunier de la CGT. Il faut aussi régler préalablement des questions matérielles. Par exemple : est-ce que votre logement le permet ? » On peut y ajouter la question suivante : « Avez-vous des enfants à garder ? » Les représentants syndicaux déconseillent aux personnes qui ont, seuls, leurs enfants à gérer à domicile, d’accepter le télétravail.
Les conditions d’exercice du télétravail (article L1222-9 du code du travail) continuent de s’appliquer. À savoir que l’employeur doit fournir les équipements nécessaires et prendre en charge les coûts induits (communications téléphoniques, connexion Internet, réparations …). Il doit également fournir un service approprié d’appui technique. Les salarié.es doivent définir avec leur employeur les horaires auxquelles ils peuvent être joints. Et tout accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail, pendant l’exercice de l’activité professionnelle, est présumé être un accident de travail.
Chômage partiel
En cas de fermeture totale ou partielle des lieux de travail, les salarié.es peuvent être mis au « chômage partiel ». C’est à l’employeur d’en faire la demande, mais ce n’est pas lui qui décide et il y a des conditions à remplir, par exemple la consultation des représentants du personnel. C’est ensuite le préfet – ou Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) – qui décide en fonction du contenu du dossier. Ces conditions d’obtention du chômage partiel pourraient évoluer dans les prochains jours. Toutes les entreprises concernées par l’arrêté de fermeture du 14 mars 2020 sont déjà éligibles à l’activité partielle, notamment celles qui font l’objet d’une obligation de fermeture – restaurants, magasins, etc. (lire ici). 400 000 salariés ont été mis en chômage partiel depuis le début de la crise sanitaire, selon la ministre du Travail Muriel Pénicaud, soit 1,5 % de l’ensemble des salariés.
Le chômage partiel indemnise les salarié.es à hauteur de 70% du salaire brut (soit environ 84% du salaire net), il est pris en charge par l’État. Les salarié.es concerné.es vont donc voir leurs revenus diminuer, à moins que leurs employeurs – ou l’État – ne décident de compléter. La ministre du Travail a par ailleurs annoncé qu’un système similaire au chômage partiel, avec versement de 80 % du montant des salaires, sera mis en place pour les assistantes maternelles et les emplois à domicile (femmes de ménage) qui ne peuvent plus assurer leurs contrats.
Hors situation de chômage partiel, si un salarié est renvoyé à son domicile par l’employeur, le salaire reste dû par celui-ci. Il est alors conseillé au salarié de garder une trace écrite de cette demande. Un employeur n’a pas le droit d’imposer à son salarié la prise de congés payé ou de RTT.
Garde d’enfants de moins de 16 ans
Les salarié·es peuvent être placé.es en arrêt de travail et indemnisé.es, s’ils n’ont pas de solutions de garde pour leurs enfants de moins de 16 ans. Les déclarations sont à faire par l’employeur sur le site dédié (https://declare.ameli.fr). L’arrêt peut être délivré pour une durée de 1 à 21 jours. Cette mesure ne peut concerner qu’un seul des parents en même temps (mais il est possible de fractionner l’arrêt ou de le partager entre les parents). Les salarié.es doivent donc fournir une attestation indiquant nom, âge, établissement scolaire, lieu ainsi que la période de fermeture de l’établissement scolaire concerné. Les indemnités journalières seront perçues dès le 1er jour, sans délai de carence.
Du côté des précaires
Les intérimaires, sous-traitants, vacataires de la fonction publique et intermittents sont particulièrement inquiets. Comment obtenir le maintien de leurs salaires alors que la fin de leurs contrats était déjà programmée ? Plusieurs syndicats ont alerté sur la situation de ces personnes en contrat précaire, sachant que des employeurs ont d’ores et déjà annoncé qu’ils mettaient fin prématurément (ce qui est illégal) à divers CDD, et alors que les conditions d’indemnisation chômage se sont durcies depuis l’automne dernier. « Nous exigeons des mesures immédiates qui permettent à tous et toutes les salarié·es quelque soit leur statut de bénéficier de la même protection contre la crise qui vient et donc le maintien du salaire pour les intérimaires, vacataires, salarié-es des sous-traitants… », a annoncé la fédération syndicale Solidaires. Pour le moment, aucune garantie ne leur a été apportée.
Nolwenn Weiler