Réquisitionnons les usines PSA pour fabriquer des respirateurs, pas des bagnoles !

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SOURCE : Révolution permanente

Confrontée à de nombreux droits de retrait de ses salariés la direction du groupe PSA a été contrainte de fermer l’usine. Mais rien n’est réglé pour autant. La fermeture est prévue jusqu’au 30 mars mais la direction n’hésitera pas à faire le forcing pour rouvrir les usines du groupe, dont celle de Mulhouse, pointe avancée de la crise sanitaire en France. Dans ces conditions les travailleurs doivent s’organiser. Travailler oui, mais selon nos conditions et pour aider à résoudre la crise sanitaire, pas pour grossir les poches de PSA !

PSA Mulhouse : une direction dangereuse pour les salariés

À Mulhouse nous sommes en première ligne, au niveau le plus élevé de la pandémie depuis deux semaines, avec de très nombreux cas recensés et déjà de nombreux morts. C’est dans la région de Mulhouse où les écoles ont fermé bien avant celles du reste du pays. Mais comme le disent les collègues eux-mêmes, ils ferment les écoles, mais les prolos, eux, continuent à devoir bosser comme si de rien n’était… au moins,jusqu’à ce qu’on ait réussi à imposer la fermeture de l’usine PSA. Avant ça, à part des mesurettes rien n’avait réellement été fait pour protéger les salariés : pas de liquide hydroalcoolique, ni de lingettes pour les outils qui sont souvent utilisés en commun, et les briefing de prise de postes se faisaient à 50 côte à côte, avant de se rendre sur notre poste de travail.

Mais les ouvriers et ouvrières ne sont pas dupes. Après l’intervention télévisée de Macron et ses longues tirades sur les dangers du virus et les risques pour la santé, ceux du secteur logistique du montage sont venus me chercher pour dire qu’ils voulaient faire un droit de retrait. Il faut savoir qu’un salarié avait contracté la maladie et était en réanimation depuis début mars. Pourtant, aucun de ses collègues n’avait été prévenu et aucun n’avait été mis en quatorzième ! Quelle bande d’irresponsables. Les ouvriers ne voulaient pas continuer à travailler la boule au ventre, c’est normal, et tout ça pour faire des voitures. Ils ont menacé le directeur de la logistique de le rendre responsable s’ils tombaient malades ou si l’un d’eux contaminait sa famille. En même temps plusieurs salariés avaient été renvoyés chez eux pour des malaises et de la fièvre par les pompiers de l’usine. On constatait toujours plus de cas, sans que la direction ne prenne la décision de fermer l’usine…

Il a fallu que le groupe PSA prenne la décision au niveau central de fermer le site le 17 mars. A l’échelle du groupe le nombre de droits de retrait ne cessait d’augmenter, et la direction a été contrainte de fermer l’usine pour s’éviter la claque de la voir fermée par les ouvriers. Mais rien n’est réglé pour autant. La fermeture est prévue jusqu’au 30 mars mais ensuite ils feront le forcing pour rouvrir les usines du groupe, dont celle de Mulhouse. C’est dans ces situations qu’il faut réagir en tant que classe, puisqu’il n’est pas question de crever pour les profits du groupe PSA qui sont, aujourd’hui encore, de plus de 3 milliards. Ils peuvent largement maintenir les salaires de tous les ouvriers et intérimaires en prenant sur les profits du groupe PSA, ce qu’ils refusent jusqu’à présent. Même les médecins de l’usine venaient t’expliquer qu’il suffit de « rester à distance » et que « tout ira pour le mieux »… Bien entendu, c’est la médecine patronale qui valide la position de la boîte et qui disait à ceux qui voulaient l’entendre que ce ne sont que les personnes âgées qui étaient en situation de risque vis-à-vis du coronavirus. Et lorsque j’ai demandé comment expliquer, dans ce cas, que le médecin chinois qui avait alerté sur la maladie soit mort à 36 ans, ils m’ont répondu que c’était un opposant au régime de Pékin…

À Mulhouse et dans le Haut-Rhin on vit une catastrophe

La situation à l’usine n’est qu’à l’image de la situation dans la région, où depuis longtemps les enfants ne vont plus à l’école. Cela fait suite vraisemblablement à une messe évangélique de près de 2 000 personnes où étaient présents des gens malades… Mais cela aurait pu être le cas autrement. Dans tous les cas, la pandémie s’est largement propagée dans la région, avec des hôpitaux qui sont surchargés déjà depuis plusieurs jours et des situations dramatiques. En quelques jours la maladie a fait des ravages d’autant que le système de santé en Alsace ne peut pas accueillir un tel afflux en soins intensifs et en réanimation. Les soignants sont à bout et ont leur impose déjà de faire le tri des malades, avec d’un côté ceux que l’on laisse mourir et de l’autre ceux qui peuvent vivre ou, au moins, espérer être pris en charge. On est confronté à des situations déchirantes de malades qui meurent seuls, mais aussi à des morts « à la chaîne » : un soignant de Mulhouse racontait qu’il y avait eu trois mort en une heure à peine l’autre jour.

Ce qui me révolte le plus c’est que toute cette situation soit la conséquence « logique » de leur politique de santé. Depuis des années on nous explique qu’il faut faire du chiffre et des profits. Et aujourd’hui on manque de tout : de respirateurs, de masques, de gel hydroalcoolique, de lits… Les soignants commencent eux aussi à être affectés. À Strasbourg on dénombre 111 cas de Covid-19 parmi le personnel hospitalier. Mourir pour sauver la population… c’est ça la « solution » que le gouvernement propose aux soignants !

Pour toutes ces raisons on ne peut pas accepter que seuls les profits des patrons soient mis à l’abri de la crise ! Des milliards par dizaine versés en cadeau aux entreprises mais seulement 2 milliards pour nos services de santé ? Comment faire confiance à ce gouvernement qui laisse mourir la population et sauve les marchés financiers ?

Pour faire face à la crise sanitaire nous devons exiger un plan de santé unique sous contrôle des personnels de santé, des scientifiques et des usagers en nationalisant les structures de santé privées pour les mettre au service de la lutte contre la pandémie. Mais nous aurons également besoin de réquisitionner les usines de la région pour réorganiser la production, la mettre, elle aussi, au service de la lutte contre le Covid-19 et sous le contrôle des travailleurs. Plus que jamais, la société a besoin de soignants, pas d’actionnaires !

Travailler oui, mais selon nos conditions et pour aider à résoudre la crise sanitaire, pas pour grossir les poches de PSA !

Ce que met en lumière la crise sanitaire du coronavirus c’est que le système de production marche sur la tête tout simplement parce que sa logique profonde est de faire des profits pour une minorité, à tout prix, et peu importe les risques. C’est ce qui explique que, malgré des conditions de sécurité déplorables et les risques évidents de propagation du virus, le gouvernement encourage les usines ou les chantiers à rester ouverts. D’un côté leur loi d’urgence sanitaire les autorise à revenir sur nos acquis et à nous forcer à travailler, de l’autre ils tentent d’acheter notre santé avec leur prime ridicule… C’est pour ça que nous ne devons pas accepter l’union nationale proposée par Macron qui est bien incapable de répondre à une crise qu’il a lui-même participé à créer.

Pour aider à la résolution de la crise que nous traversons il est possible et même souhaitable de reconvertir les entreprises du secteur automobile. Mais pas comme le fait l’Angleterre le gouvernement réactionnaire de Boris Johnson qui cherche à faire passer le patronat pour un bienfaiteur de l’humanité. Plutôt en remettant en cause la propriété privée des moyens de production et en en finissant avec la logique marchande qui est celle de ce système et de ceux qui sont aujourd’hui aux manettes. Réquisitionner les usines, sans indemnité ni rachat, pour produire tout ce qu’il faut à la population, lutter efficacement contre la maladie et venir concrètement en aide aux hôpitaux et aux soignants. Cela doit être assuré sous le contrôle des travailleurs qui sont les seuls à pouvoir garantir leur sécurité en établissant collectivement des règles et des dispositifs conséquents pour éviter la contamination et la propagation du virus. Travailler, oui, mais selon nos conditions et pour aider à résoudre la crise sanitaire, pas pour grossir les poches de PSA !

La réappropriation des moyens de production et leur réorganisation à des fins utiles est l’une des tâches centrales des militants dans la période. Bon nombre d’ouvriers se posent non seulement la question de leur protection au travail, mais aussi des perspectives pour faire des produits pour vraiment lutter contre l’épidémie.

Aider à produire des appareils respiratoires, pas des voitures

Les patrons nous demandent d’être flexibles, productifs, de nous adapter aux aléas du marché… tout ça pour produire des voitures. Mais nous ne voulons pas risquer notre vie et celle de nos proches simplement pour maintenir la production et continuer comme si nous n’étions pas en temps de crise. Mais imaginons un seul instant qu’on puisse mettre toutes nos forces pour construire des pièces pour aider à produire des appareils d’assistance respiratoire, par exemple. Imaginons qu’on puisse mettre notre savoir faire de façon à servir l’humanité et non pas la recherche de profit, avec les compétences que l’on trouve dans les usines de production, en réinvestissant dans la R&D, de façon indépendante. Évidemment, comme toujours, vous trouverez des spécialistes qui vont vous expliquer que ce n’est pas possible, que c’est trop difficile, et ainsi de suite… surtout lorsque ce sont des spécialistes dépêchés par les patrons !

Pourtant, nos usines disposent de machines de pointe et la boîte dispose de larges moyens financiers. Nous pourrions mettre ces outils, nos compétences et notre force de travail dans une bataille commune pour participer à sauver des vies. Il serait même possible de démultiplier les capacités productives des usines de montage de voitures, où les lignes d’assemblage pourraient fabriquer en un temps court des pièces nécessaires pour des respirateurs. Le cahier de charges serait dicté par les besoins immédiats de la société et les conditions de travail seraient bonnes parce que ce serait nous qui en déciderions. Nombreux seraient les ouvriers motivés à faire un vrai travail de qualité, avec de nombreuses vérifications en bout de chaîne. On pourrait également bénéficier de l’aide des professionnels de la santé qui viendraient dans les usines de fabrications pour nous guider et pour partager leur savoir faire, travailler main dans la main avec ceux qui sont déjà en première ligne sur le front.

En ce moment même les patrons, aidés par le gouvernement, s’organisent pour rouvrir coûte que coûte les usines qui ont été fermées sous pression de leurs travailleurs, dans l’automobile ou dans l’aéronautique, par exemple. Certains sont y compris prêts à distribuer des milliers de masques à leurs employés pour relancer la production, peu importe que le personnel soignant en soit privé, alors même que ce sont les premiers à en avoir besoin et qu’ils sont nombreux à être contaminés en tentant de prendre en charge les patients les plus critiques. C’est le cas de Airbus qui doit recevoir 20 000 masques chirurgicaux !

Pendant ce temps force est de constater que les directions syndicales ont disparu des radars… Alors que la CGT est la confédération la plus importante, elle ne propose aucune initiative et laisse aux militants de base la responsabilité d’organiser la sécurité des travailleurs sur les lieux de travail. Ceux-ci ont montré dans les derniers jours qu’ils étaient capables de faire un travail exemplaire en s’organisant pour faire usage de leur droit de retrait ou en faisant fermer leur usine malgré les réticences de leur direction. Au lieu de suivre les direction syndicales sans broncher et rester spectateur de cette bataille, l’extrême gauche doit se saisir de ce combat.

La seule issue progressiste à la crise que nous traversons est de commencer par réorganiser la production dans les secteurs essentiels ou qui peuvent participer à produire le matériel nécessaire pour endiguer l’épidémie. Cela ne peut être assuré que par le contrôle démocratique des travailleurs dans les usines et les entreprises. qui doivent pouvoir garantir leurs propres conditions de sécurité et de travail, seules conditions pour une reprise du travail. Plus que jamais, l’alternative qui se pose à nous est socialisme ou barbarie.


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