Coronavirus et RATP: “il faut arrêter les transports en commun”

Intrerview d’un chauffeur de bus de la RATP par l’Alternative révolutionnaire communiste (tendance du NPA)

Comment la boîte s’organise par rapport au virus ?

Le matin, quand tu prends ton bus, il y a une étiquette collée indiquant que le bus a été désinfecté. Pour l’instant, depuis que je roule et qu’il y a le virus, depuis qu’on nous dit qu’il faut faire très attention, j’ai vu personne nettoyer les bus. J’ai vu personne nettoyer les locaux non plus. On sait que c’est un virus très contagieux : la RATP assure qu’elle nettoie les bus et les locaux plus que d’habitude, que des équipes sont spécialement payées pour faire ça. Mais franchement ça doit être des fantômes parce que je ne les ai jamais vus. On est à peu près 600 au dépôt – là on est en effectifs réduits – mais étant donné le nombre de personnes qu’on est, j’estime qu’on devrait voir des gens nettoyer des surfaces où on met les mains, les pognées de portes, les vitres, les comptoirs, les machines à café, les distributeurs mais on ne voit personne. On voit juste les personnels de ménage de d’habitude. J’ai demandé aux autres collègues s’ils avaient vu du monde, mais ils m’ont dit qu’ils n’avaient vu personne. A mon avis c’est de l’esbroufe ça aussi, je suis persuadé que le nettoyage n’est pas fait, notamment vu ce que me disent des collègues lorsqu’ils récupèrent les bus après le lessivage. Ou alors s’il est fait, il est mal fait. A mon avis il y a très peu de personnes qui sont là pour le ménage, alors qu’il y a 180 bus sur le dépôt. Il y a trop de bus pour le peu de personnel. Quoi qu’il en soit, au niveau de l’hygiène, c’est une catastrophe. Tu rentres dans les toilettes, on nous dit de nous laver les mains sans arrêt mais il n’y a plus d’essuie tout. On manque de tout.

Pour les chauffeurs/euses, la direction nous donne du gel hydro-alcoolique, des lingettes désinfectantes, en quantités limitée : c’est environ une dizaine de lingettes et flacon de gel pour la semaine. Tu dois signer un bon de réception. Avec les lingettes, tu dois nettoyer ton poste de conduite. Quand je le nettoie, j’ai compté : il me faut 3 lingettes. On a des collègues qui n’ont plus de gel ou de lingettes : quand ils en redemandent, on leur dit « non », parce qu’il n’y a pas de stock. On n’a pas de gants, pas de masques.

Là, on passe en service réduit. On va sûrement passer à 50 % de l’offre transport. Toutes les petites lignes ont disparues. On ne conduit que des bus standard. On a ordre d’ouvrir le portillon et de mettre la vitre. En gros, on roule avec la demie porte fermée. Il y a des bandes rouges et blanches pour neutraliser les deux premières places, pour laisser un espace de plus d’un mètre avec le poste de conduite. Il n’y pas grand monde dans les transports, c’est vrai, mais ça dépend de ton circuit : si tu es sur une ligne qui passe par un centre commercial, là il y a beaucoup plus de monde. Du coup, niveau sécurité et espacement, ça va pas. Sur certaines lignes, les gens sont entassés dans le bus.

Quelles sont les conditions de transport ?

Je fais les services du matin. De 6h30 à 10h, il n’y a quasiment personne dans les bus mais à partir de 10h30 ça change. On en parle avec les collègues en fin de service mais sur certaines lignes, il y a déjà eu des chargements de 300 à 400 personnes. On ne peut pas continuer à travailler dans des conditions pareilles. On est censé laisser le service public de transport en place uniquement pour transporter les gens dont les métiers sont hyper importants, comme les infirmier.e.s,, les aides soignant.e.s, etc. C’est pareil la nuit, il y a beaucoup de monde, c’est pas possible de respecter les distances de sécurité d’un mètre.

On a des cas de contamination chez nous. La direction n’en parle pas, elle ne prévient pas les collègues, elle filtre complètement les informations. Je l’ai su parce que je connais certains collègues. Dans mon dépôt, on a 5 personnes contaminées. La direction n’en parle pas, je trouve ça lamentable. Alors qu’on risque d’être contaminé.e.s ou de contaminer à notre tour notre famille, nos collègues, etc. On a décidé de faire une note d’information nous-mêmes, de l’afficher au dépôt pour prévenir les collègues. Il y a un vrai problème. La RATP, le gouvernement, doivent arrêter les transports en commun car ça véhicule trop de personnes. c’est des nids à contamination.

Qu’est-ce que tu exiges dans cette situation ?

Ce que j’exige, sans parler au nom de tout le monde même si je pense que je suis pas seul dans ce cas là, c’est que déjà, la direction arrête de nous prendre pour des cons. Nos conditions de travail sont lamentables, on conduit dans des situations dégradées, on ne met pas à notre disposition des moyens pour notre protection, on fait semblant de nettoyer les locaux … Moi, ce que je veux, c’est déjà qu’on garantisse ma sécurité et celle de mes collègues. On va au travail la boule au ventre et la rançon de la gloire c’est qu’à la fin on va avoir un mot de notre PDG en mode « je suis fière de vous ». On n’en a rien a foutre de ça. On a même pas de prime de risques. La RATP continue le service public au détriment de la santé ses agent.e.s. C’est une honte de nous faire continuer à bosser. J’ai décidé de me mettre en arrêt maladie à partir de lundi. J’ai pas envie de contaminer ma famille, j’ai pas envie de contaminer les gens qui sont autour de moi.

Je sais que la RATP à toujours un train de retard : des choses qu’on demandait au tout début (comme le gel, fermer le portillon etc), c’est arrivé des semaines plus tard. La vente de titres de transports j’ai dû l’arrêter moi-même, alors que la direction disait qu’il fallait continuer à vendre des billets. Mais j’ajoute également qu’il faut des dépistages. Ils nous sortent des chiffres mais ils sont tronqués : ils testent personne. On pourrait au moins avoir des thermomètres au dépôt pour prendre la température. Si quelqu’un a de la température, tu ne le fais pas rouler.

L’autre truc, c’est qu’en début de semaine, j’ai demandé au DSE du CSE « quand est-ce que les syndicats vont sortir un tract pour nous couvrir lorsqu’on fait des droits de retrait ? ». Je lui ai demandé ça parce que j’ai des collègues qui ont appliqué le droit de retrait et ils ont été pointé au « code 800 ». Le « code 800 », c’est absence illégale : tu n’es pas payé et en plus tu as un rapport. Du coup, beaucoup de collègues n’osent pas faire le droit de retrait. Du coup je lui ai demandé ça, il m’a répondu « mais tu sais, pour le droit de retrait, tu n’as pas besoin des syndicats, le droit de retrait c’est personnel ». En clair, ça veut dire « démerdez-vous ». J’en ai aussi profité pour lui demander quand est-ce qu’on aura des masques et des gants. Il m’a dit “c’est pas d’actualité”. Donc tu commences ta semaine en sachant que tu n’es pas couvert par le syndicat. Alors que si ils sortaient un tract qui disait clairement « la direction ne respecte pas ses engagements concernant la sécurité des travailleurs/euses, nous vous invitons à faire votre droit de retrait », je peux te dire que la moitié, voire les 3/4 des collègues, en feraiy usage.

Comment les personnes confinées peuvent-vous aider ? Qu’est-ce que tu pense qu’il faut faire, immédiatement, à la RATP ?

Il faut arrêter les transports en commun. Si des personnes ont un réel besoin de se déplacer pour aller travailler, des travaux indispensables, alors à ce moment là il faut créer un système de navettes pour transporter uniquement ces personnes là. Réquisitionner les taxis aussi. Là c’est vraiment incohérent : on demande aux gens d’être confinés chez eux et d’un autre côté on transporte des gens en commun dans des bus.

Comment les non confiné.e.s peuvent nous aider ? En restant confiné.e.s et en passant le message, en utilisant pas les transports hormis pour les courses où les trucs absolument nécessaires.

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